du 24 janvier 2008 |
FORMATION |
POUR LUTTER CONTRE LE GRAND ÉCHEC SCOLAIRE
LA TABLE D'ANTOINE S'OUVRE AUX JEUNES EN DIFFICULTÉ
Janville-sur-Juine (91) Restaurant d'application, l'établissement forme des élèves en échec scolaire au métier de cuisinier dans le sud essonnien.
Le château de Gillevoisin se loue à l'année pour des séminaires et accueille aussi les élèves de l'Institut médico-éducatif qui peuvent y résider en pension complète. |
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Jonathan s'est énervé contre un camarade. Il est sorti 20 minutes, la pression est retombée, il peut rejoindre le groupe et assurer le dressage du velouté d'avocat." Sous l'oeil indulgent de son chef, le jeune commis rentre dans les rangs avec un sourire penaud. Il a fallu un trait d'humour et quelques mots d'encouragement pour le convaincre de reprendre sa mission : battre la crème fleurette en chantilly. Le chef Jérôme Martel explique que ce genre d'incident est courant mais que, loin d'être difficile à vivre, il pimente l'organisation d'une cuisine "où l'on ne s'ennuie jamais". Et pour cause : ce restaurant d'application est l'atelier de l'institut médico-éducatif (IME) du château de Gillevoisin, dans l'Essonne, où des élèves légèrement handicapés ou en grand échec scolaire apprennent le métier de cuisinier. Pour former ces jeunes majeurs, une équipe de chefs et de serveurs devenus éducateurs techniques offrent leur savoir-faire en petits groupes. En salle, il faut dresser, accueillir et servir les clients. En cuisine, réaliser un menu complet. Pari tenu pour l'établissement dont le cadre champêtre attire promeneurs et séminaires.
"Je n'échangerai ma place pour rien au monde"
"J'ai toujours aimé
transmettre, confie Jérôme Gerondeau, éducateur technique
spécialisé. J'ai formé des apprentis au sein des différentes
cuisines où j'ai travaillé : la pédagogie me plaisait. On m'a mis
dans le bain directement : j'ai vécu deux années difficiles. Sept ans
après, je n'échangerai ma place pour rien au monde." Après trois
ans de formation en alternance, Jérôme a obtenu le diplôme pour
oeuvrer auprès de ces commis hors norme. "Au programme : psychopédagogie,
psychologie, mais aussi droit et économie. Une formation qui nécessite
au préalable le CAP cuisine et qui permet de construire avec ces élèves
les outils qu'ils s'approprieront pour apprendre le métier. Par exemple, impossible
de leur faire écrire des fiches techniques : certains déchiffrent à peine. On travaille sur la base de
recettes prises en photo qu'on élabore avec eux en cours de techno. En cuisine,
chacun doit accomplir une tâche. Notre rôle : accompagner, aider, répondre
aux questions. Nos objectifs sont parfois modestes : si certains parviennent à
faire la différence entre une carotte et un poireau à la fin de l'année,
c'est une victoire." Sans oublier la gestion des crises, un art du recadrage et
de l'anticipation. "Certains jeunes décompensent d'un coup et il arrive
de voir valdinguer les casseroles, quand ce n'est pas les couteaux. C'est rare mais
c'est arrivé, explique le chef Martel. Dans ce cas, on garde son calme
et si le jeune refuse notre médiation, on passe le relais à un autre
membre de l'équipe éducative avec lequel il a des affinités. En général,
ces jeunes acceptent la hiérarchie en cuisine, mais pour quelques-uns, c'est
une violence de venir en cours. Ils refusent toute forme d'autorité et les
rapports sont conflictuels."
"50% des jeunes deviennent commis"
La plupart de ces apprentis
cuisiniers quittent Gillevoisin pour rejoindre un centre d'accueil par le travail,
la suite logique de l'IME. Ils y travaillent en restauration collective et perçoivent
un salaire. "80 % des jeunes sortent de La Table d'Antoine pour travailler, 50
% comme commis. La majorité d'entre eux rejoint une structure encadrée
mais quelques-uns vont en milieu ordinaire, c'est-à-dire dans un restaurant
classique. Une vraie réussite pour l'équipe. Dans l'ensemble, nos cours
sont valorisants : ils éprouvent une grande fierté à refaire chez
eux les recettes de La Table d'Antoine."
Niveau menu, le cadrage des
prix accompagne celui des jeunes. "L'IME est un établissement public qui
ne peut être déficitaire, affirme Jérôme Gerondeau.
Le restaurant fonctionne en autogestion. Les coûts matières sont calculés
au plus strict pour une moyenne de 4 E par repas." Le menu, vendu 11
E, est unique et change tous les jours. "La clientèle est essentiellement
locale, explique l'éducateur. Groupes de randonneurs, personnel de l'usine
Renault voisine, mairies et séminaires d'entreprise qui louent le château
de Gillevoisin. Notre clientèle sait où elle met les pieds : elle accepte
les petits loupés et les erreurs et, dans l'ensemble, elle se satisfait du
service qu'on lui offre." Au menu du jour : Saumon à la pistache et dessert
à la lavande. 11 E pour la bonne cause.
Gaëlle
Girard-Marchandise
zzz68v
La Table d'Antoine
Restaurant d'Application du Château de Tillevoisin
Rue de Janville · Gillevoisin
91510 Janville-sur-Juine
Tél. : 01 60 82 96 15
epnak.org
Ouvert du lundi au jeudi de 12 h à 14 h sur réservation
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L'Hôtellerie Restauration n° 3065 Hebdo 24 janvier 2008 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE