Page 26 - L'Hôtellerie Restauration No 3315

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9,40
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3 031
1 666 10,2
%
Taux horaire minimum
conventionnel
Taux horaire smic
Valeur
du repas
Plafond
Sécu
Indice du coût de la construction
Révision : + 11,21 %
Renouvellement : + 38,60 %
Taux de chômage
au 2
e
trimestre 2012
Juridique
Définir la faute et rassembler des preuves
Il est indispensable pour l’employeur - avant d’aller jusqu’au licenciement - de savoir décider de la sanction la plus adaptée, au
vu des faits reprochés et de la situation du salarié dans l’entreprise.
Comment réagir face à un salarié qui refuse
d’accomplir son travail ?
L
a société Zoé exploite un restaurant traditionnel
à Paris. M
lle
David a été embauchée, par contrat
à durée indéterminée, en qualité de serveuse
en décembre 1998. La salariée a donné entière
satisfaction à son employeur jusqu’en 2009, date à
laquelle ses relations de travail avec la société se sont
détériorées.
Le 21 septembre 2010 puis le 6 décembre 2010,
M
lle
David a été mise en arrêt de travail par un
médecin pour “
état anxieux et dépressif dû à son
travail
”.
Par ailleurs, en décembre 2010, M
lle
David
a déposé deux mains courantes au commissariat
de police faisant état de menaces, d’insultes et
de violences émanant de son employeur et de ses
collègues de travail.
Le 29 janvier 2011 puis le 12 juin 2011, M
lle
David a
reçu deux avertissements pour avoir refusé de servir des
clients en terrasse, avertissements qu’elle a contestés par
écrit. Fin juin 2011, M
lle
David a de nouveau été mise en
arrêt maladie pour une semaine, en raison de son état
d’anxiété importante due à son travail
”.
Elle a également déposé une nouvelle main courante
expliquant avoir été victime demenaces et d’humiliations
de la part de son responsable de salle, M. Emmanuel.
Suite à ces évènements, la société Zoé a convoqué
M
lle
David à un entretien en vue d’un licenciement et
l’a effectivement licenciée pour faute grave, estimant
que cette dernière refusait d’appliquer les consignes de
son supérieur et qu’elle avait notamment refusé de se
charger de la terrasse par mauvais temps.
LA SALARIÉE CONTESTE SON LICENCIEMENT
DEVANT LES PRUD’HOMMES
M
lle
David a alors saisi le conseil de prud’hommes
de Paris afin de contester le bien-fondé de son
licenciement. Elle sollicitait à ce titre, outre son préavis
et son indemnité de licenciement, un an de salaire à
titre de dommages et intérêts pour licenciement sans
cause réelle et sérieuse.
Devant les juges, M
lle
David a expliqué qu’elle avait
subi, à de nombreuses reprises, des menaces et des
humiliations de la part de son responsable de salle, M.
Emmanuel. Elle a expliqué que le comportement de
son supérieur a conduit à une dégradation importante
de son état de santé. Elle a contesté avoir refusé de
servir en terrasse tout en expliquant que son employeur
lui confiait la terrasse uniquement les jours de mauvais
temps.
La société, à qui incombait la charge de la faute
grave, a justifié les griefs figurant dans la lettre de
rupture en expliquant que M
lle
David avait, à de
nombreuses reprises et en dépit des avertissements
qui lui avaient été adressés, refusé de servir en
terrasse. La société Zoé a également expliqué aux
juges que M
lle
David se serait violemment disputée
avec son responsable à ce sujet, provoquant une
altercation devant des clients qui ont témoigné par
écrit et décrit la scène à laquelle ils avaient assisté.
DES FAITS INSUFFISAMMENT GRAVES AU VU
DE L’ANCIENNETÉ DE LA SALARIÉE
Malgré les pièces versées aux débats par l’employeur,
le conseil de prud’hommes a estimé que la faute
grave n’était pas suffisamment établie compte tenu
de l’insuffisance des pièces produites par l’employeur.
Le conseil, en se référant également à la grande
ancienneté de M
lle
David, a requalifié le licenciement
pour faute grave en un licenciement pour cause réelle
et sérieuse.
Le conseil a ainsi condamné la société Zoé à payer
à son ancienne salariée son préavis, son indemnité
de licenciement et 800 € au titre de l’article 700 du
code de procédure civile pour le remboursement
d’une partie de ses frais d’avocat. La salariée n’a
donc pas obtenu les dommages et intérêts qu’elle
sollicitait.
COMMENT APPRÉCIER LA GRAVITÉ
DE LA FAUTE
Selon la jurisprudence, la faute grave n’est
caractérisée que par un fait ou un ensemble de faits
imputables au salarié qui constituent une violation
des obligations découlant du contrat de travail ou
des relations de travail et d’une importance telle
qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans
l’entreprise pendant la durée du préavis.
Il convient de préciser que le refus, par un salarié,
d’accomplir une tâche relevant de son contrat de
travail est un motif de licenciement pour faute grave
(
Cass. soc. 1
er
décembre 1982, n° 80 - 41.593), de
même que les actes d’indiscipline réitérés et délibérés
(
Cass. soc., 8 juin 1979, n° 78 - 40.757).
En revanche, la simple altercation avec l’employeur,
si elle est une cause réelle et sérieuse de licenciement,
ne justifie pas nécessairement un licenciement pour
faute grave (Cass. soc., 24 octobre 1991, n° 90 -
41.856).
De même, la Cour de cassation ne retient pas la faute
grave lorsqu’il s’agit d’un acte isolé ou lorsque les faits
n’ont pas été établis avec certitude, le doute bénéficiant
alors au salarié (Cour cass., 17 novembre 2010, N° 09-
41399
et 29 juin 2011 N° 09-08934).
La principale difficulté pour l’employeur est de prouver
la réalité et la gravité des faits reprochés à la salariée
(
refus de servir en terrasse de M
lle
David et insultes
contre ses responsables). Il est donc conseillé à
l’employeur de se procurer, avant d’initier la procédure
de rupture, des témoignages d’autres salariés, et le cas
échéant de clients (ce qui est apprécié par les juges
car ces derniers ne sont pas sous la subordination
de l’employeur donc ils apparaissent souvent plus
impartiaux que les salariés en poste).
Il est indispensable pour l’employeur - avant d’aller
jusqu’au licenciement - de décider, au vu des faits
reprochés et de la situation du salarié dans l’entreprise
(
fonction, ancienneté, dossier disciplinaire), quelle est
la sanction la plus adaptée. Il convient toujours en effet
de respecter un principe de proportionnalité entre la
gravité de la sanction et la faute.
JULIETTE PAPPO
(
AVOCATAU BARREAU DE PARIS)
BIEN RESPECTER LA PROCÉDURE DE LICENCIEMENT
Avant toute décision, l’employeur
doit convoquer le salarié à un
entretien préalable de licenciement
par lettre recommandée ou remise
enmain propre contre décharge.
La convocation doit mentionner :
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l’entretien. La date de l’entretien doit
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après la présentation de la lettre
recommandée ou la remise enmain
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se faire assister lors de l’entretien
par une personne de son choix :
membre du personnel de
l’entreprise ou, en l’absence de
représentant du personnel, par un
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figure à la mairie ou à l’inspection du
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Le défaut d’indication dans la lettre
de convocation de la possibilité
pour le salarié de se faire assister
est sanctionné par le versement à
ce dernier d’une indemnité au plus
égale à un mois de salaire.
L’entretien doit permettre :
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eì%9ì7%0%6-™Aì(T)<437)6ì)8ì()ì(™*)2(6)ì
ses arguments. Il ne s’agit pas d’une
simple formalité : l’entretien doit
être l’occasion d’éclaircir les faits, de
trouver des solutions alternatives au
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ìC
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ì%9ì13-27ì ì.3967ì39:6%&0)7ì
pour envoyer en recommandé
avec avis de réception la lettre de
0-')2'-)1)28@
ì )00)O'-ì(3-8ì'328)2-6ì
les motifs précis du licenciement. La
nature des faits reprochés doit en
effet apparaître très clairement. Dans
le cas contraire, le licenciement sera
considéré comme sans cause réelle
et sérieuse.