L'Hôtellerie Restauration No 3704
9 23 avril 2020 - N° 3704 L’Hôtellerie Restauration Poser une question, ajouter un commentaire Stéphanie Pioud > www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR663122 Poser une question, ajouter un commentaire Anastasia Chelini > www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR463091 Jean-Baptiste Ascione tâche de maintenir la trésorerie de son restaurant parisien PARIS Comme tous les restaurateurs, le candidat de Top Chef 2015 et lauréat de la dotation Gault&Millau subit de plein fouet la crise. Entre crédits et gestion de la trésorerie, il fait face avec énergie. © DVINEMENCIEL Jean-Baptiste Ascione O uvert en septembre 2019, le restaurant Petit Gris a connu un joli lancement. Deux salles, 60 couverts, dans le quartier animé de la porte de Champerret, à Paris (XVII e ), les choses s’annonçaient bien pour Jean-Baptiste Ascione , ancien candidat de l’émission Top Chef en 2015. “Ça a très bien marché dès le début” , raconte-t-il. Mais dès l’ouverture, le restaurant a été impacté par le mouvement des gilets jaunes. “On a dû fermer chaque samedi midi, ce qui représentait du chiffre d’affaires en moins… Puis il y a eu les grèves, les gens ne pouvant plus se déplacer, on a eu moitié moins de clients. Heureusement, tout est rentré dans l’ordre après les grèves, on n’a jamais si bien marché qu’à ce moment-là.” “Tout prend forcément du temps” Le 14 mars au soir, l’annonce gouvernemen- tale ordonnant la fermeture des restaurants a pris de court le jeune chef : “Nos frigos étaient pleins… Ce soir-là, mon restaurant était com- plet : j’ai donc sorti toutes mes provisions, tickets de caisse à l’appui, et les ai vendues directement aux clients. En une heure, j’avais vendu 90 % de ma marchandise : des pigeons, des côtes de bœuf, des légumes, tout est parti.” Après seulement sept mois d’ouverture, le Petit Gris a forcément une trésorerie restreinte. Pour autant, Jean-Baptiste Ascione garde le cap - et le moral : “Heureusement, je suis bien entouré ; mon comptable et ma banque me conseillent. Je suis à découvert, mais pas de beaucoup. J’ai payé les fournisseurs urgents et je me suis mis d’accord avec les autres pour les régler plus tard. Le loyer du restaurant est lui aussi décalé, ainsi que les crédits. En parallèle, j’ai fait une demande pour obtenir l’aide du fonds de solidarité, les 1 500 € m’ont aidé. Et je monte un dossier pour faire un autre crédit, afin de pouvoir payer mes employés, qui sont au chômage partiel. J’ai hâte de recevoir l’aval du crédit…” Et d’ajouter : “l’État a bien aidé les restaurants, mais tout prend forcément du temps, et j’ai dû avancer les salaires de ma poche.” Surtout, il regrette que son autorisation de découvert lui ait été refusée : “Les agios sont comptabilisés quand même, c’est dommage.” Jean-Baptiste Ascione ne cache pas ses inquié- tudes sur ce nouveau mois de confinement décrété : “Ça va être très dur pour mes finances. Et j’ai peur qu’à la reprise, les gens ne consom- ment plus comme avant, qu’ils mettent un délai avant de ressortir, comme après les attentats.” Philosophe, il envisage toutefois les choses sur le long terme : “Au final, c’est à nous d’ap- prendre à rebondir. Il faudra peut-être mettre en place de nouvelles mesures, comme retirer des tables, pour rassurer les gens sur le respect des distances. À la longue, les choses finiront par aller bien à nouveau…” Carlos Camino : “L’année 2020 est foutue” LYON Le propriétaire du restaurant gastronomique Miraflores et du bar à ceviche Yka a beaucoup investi l’an dernier. Mais suite à l’arrêt brutal de ses activités, il est aujourd’hui dans une impasse financière. Le 14 mars, mon restaurant était complet : j’ai sorti toutes mes provisions, tickets de caisse à l’appui, et je les ai vendues directement aux clients.” Carlos Camino dans son restaurant. Jean-Baptiste Ascione : “Je monte un dossier pour faire un autre crédit, afin de pouvoir payer mes employés, qui sont au chômage partiel.” E n décembre dernier, Carlos Camino , chef du restaurant gas- tronomique Miraflores, déménageait dans un nouveau local beaucoup plus grand du VI e arron- dissement de Lyon (Rhône) pour gagner en confort de travail. Il ouvrait dans la foulée Yka, sur le même site, un bar à ceviche et à pisco afin développer son offre et diversifier sa clientèle. Mais ce “projet d’une vie” s’est arrêté net du jour au lendemain. “Si j’avais su, je n’aurais jamais investi autant d’argent, c’est-à-dire près de 1,4 M€ empruntés à la banque. C’est toute une vie de travail qui est réduite à néant” , se désole le chef. Car faute de trésorerie suffisante, le gérant est aujourd’hui en grande difficulté. “Nous avons fait une nouvelle demande de prêt auprès de notre banque via Bpifrance pour finir de payer les travaux du déménagement. On comptait sur notre activité pour rembourser tous les mois. On attend la réponse sous peu. Mais si elle est négative, on risque le dépôt de bilan” , assure Carlos Camino. Autre sujet d’inquiétude : le paiement des salaires des sept employés. “Ils sont aujourd’hui au chômage partiel, mais c’est à nous d’avancer l’argent. Ce n’est pas normal vu la situation. On ne pourra pas tenir longtemps, d’autant qu’on n’a toujours pas obtenu le remboursement des salaires payés le mois dernier” , assure le chef. De fortes incertitudes pour l’année à venir Face à la crise sanitaire, Carlos Camino déplore surtout le flou des mesures promises par le Gouvernement aux restaurateurs, et l’énorme décalage entre les annonces faites et la réalité sur le terrain. “L’État nous promet beaucoup, mais au final, rien n’est clair, il n’y a rien de concret. Par exemple, on nous dit que les charges fixes sont suspendues mais certains organismes continuent de nous pré- lever ! Ce qu’il faudrait, c’est une annonce très détaillée des mesures prises pour aider la profession. De même, il faut que l’État oblige les assureurs à assumer leurs responsabilités”, déclare le chef. Quant au déconfinement à venir, le gérant est en proie aux mêmes incertitudes. “Pour moi, l’année 2020 est foutue. Car même si on rouvre en juin ou juillet, les clients ne vont pas revenir du jour au lendemain dans nos établissements. Ils auront peur. Et puis, quelles seront les normes imposées dans les restaurants au niveau de la distanciation sociale ? On n’en sait rien. Si c’est pour faire dix cou- verts par semaine, ce n’est pas rentable. Dans notre cas, il faudra faire un choix. Je pense qu’on ouvrira seulement Yka le midi et Miraflores le soir, avec une équipe réduite de moitié. On ne pourra pas garder tout le monde, mais là encore, il faut que l’État simplifie les procédures de licenciement” , affirme-t-il.
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