L'Hôtellerie Restauration No 3705
Poser une question, ajouter un commentaire Nadine Lemoine > www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR963244 Michel Sarran : “On a envie de bosser et on n’a pas l’habitude de quémander” Michel Sarran, chef-patron 2 étoiles Michelin à Toulouse, évoque les sujets qu’il a mis en avant lors de la réunion du 24 avril dédiée à la restauration et avec le président de la République, Emmanuel Macron. Franc et direct. Q La réouverture “ On a envie de faire revivre nos maisons, mais rouvrir, ça ne veut pas dire survivre. Ça veut dire relancer l’activité. Ouvrir dans n’importe quelle condition, à 20, 30 ou 40 % de nos capacités, c’est contre-productif et pour certains, c’est un arrêt de mort. Cela ne répondra pas aux besoins économiques de nos entreprises qui, après les gilets jaunes et les mouvements sociaux, sortiront de deux, trois ou quatre mois de fermeture totale. Avec en plus la distanciation sociale qui risque de refroidir les clients, on ne sait pas s’ils reviendront de bon cœur. ” Q Cotisations sociales, charges et TVA “ J’ai demandé de nous libérer des cotisations sociales et d’envisager une reprise progressive calée sur le redémar- rage de nos activités jusqu’au retour à la normale. On doit commencer par redonner de la rentabilité et de la trésorerie à nos entreprises. J’ai même évoqué une piste de réflexion sur la baisse de la TVA .” Q Les assurances “On est courageux. On a envie de bosser et on n’a pas l’habitude de quémander. Après, il faut que les assu- rances aussi soient courageuses. J’ai pris l’exemple de la Bavière où le ministre de l’Économie a mis la pression sur le groupe Allianz pour la prise en charge des pertes d’ex- ploitation. On ne demande pas la prise en charge de la totalité, mais sachant qu’elles font de grosses économies, de l’ordre d’un milliard d’euros sur les sinistres automo- biles, il faut qu’elles participent et qu’elles traitent au cas par cas avec les restaurateurs.” Q Les loyers “ Les bailleurs devraient être contraints à l’abandon des loyers sur les périodes sans activité. Je sais qu’il y a des petits bailleurs et je pense que, là aussi, il faut des négo- ciations au cas par cas. Le Gouvernement interviendrait en cas de litiges. C’est difficile de faire des mesures géné- rales pour une profession où il y a autant de diversité. Il y a des choses sur lesquelles l’État doit statuer, mais je pense qu’il doit y avoir une part de négociations que chaque restaurateur doit entamer avec son assurance et son bailleur. ” Q Les congés payés “ J’ai aussi alerté le Gouvernement sur la question des congés payés afin qu’il nous permette de les réguler autre- ment. Par exemple, on nous dit : ‘Vous pouvez ouvrir en juillet.’ Or, chez moi, c’est en août que je les donne. Donc je ne peux pas rouvrir. Comment faire pour que les salariés puissent prendre leurs congés, alors que dans le même temps, le nombre de jours de congés s’alour- dit avec le chômage partiel ? Je ne veux pas être perçu comme quelqu’un qui veut enlever des droits aux sala- riés. Ce n’est pas ça. Mais pour l’entreprise, aujourd’hui, c’est un poids. On a besoin que ce soit étudié pour que ce soit correct pour tout le monde, salariés et employeurs .” Q Les opérateurs de la livraison “Il y a un autre secteur que j’ai un peu montré du doigt car on voit se développer la vente à emporter. Je crois qu’il faudrait aussi envisager de rééquilibrer les coûts et les gains entre les services de livraison de repas et les res- taurateurs qui préparent les repas. Quand on voit qu’ils prennent entre 25 et 30 %...” Q La grande distribution “Il faut une vraie solidarité entre les différents secteurs de l’alimentation. La population continue à s’alimen- ter, souvent dans la grande distribution qui n’a pas été impactée par le coronavirus, au contraire. Je pense qu’il faudrait exiger un peu de solidarité de la part de la grande distribution et l’impliquer dans le sauvetage des restaurateurs et des secteurs associés qui dépendent de nous : les maraîchers, les viticulteurs, etc. Elle doit parti- ciper à l’écosystème.” L’ACTUALITÉ #coronavirus Michel Sarran : “On a envie de faire revivre nos maisons, mais rouvrir, ça ne veut pas dire survivre. Ça veut dire relancer l’activité.” © COLLÈGE CULINAIRE DE FRANCE 4 L’Hôtellerie Restauration N° 3705 - 30 avril 2020 “Première conviction : il n’y a pas de bon choix. Qu’on rouvre nos établissements ou pas, dans les deux cas, il y a un risque. Si l’on retarde la réouverture, le risque est économique. Il est aussi sanitaire puisque personne ne peut affirmer que la pandémie aura totalement disparu dans deux, trois ou six mois. Si on rouvre, il y a aussi un risque. Mais le risque sanitaire, nous sommes persuadés que l’on peut le contrôler. Donc oui, nous plaidons pour une réouverture des restaurants. Deuxième conviction : l’autorisation de rouvrir ne doit pas signifier l’obligation de rouvrir. Faisons un peu confiance au sens des responsabilités des uns et des autres. Au Collège culinaire de France, nos restaurateurs artisans couvrent une palette d’établissements considérable, de toutes les catégo- ries, dans toutes les villes et les villages de France. Que ceux qui se sentent prêts démarrent vite. D’autres auront besoin d’un peu plus de temps. On les accompagnera, on les aidera à trouver les bonnes réponses en fonction de leurs contraintes. Il faut également se garder une flexibilité en matière sociale pour adapter nos effectifs en fonction du retour de la clientèle. Et elle doit aller encore plus loin : être prêts à refermer nos éta- blissements si la situation sanitaire l’exige tout en conservant les mêmes garanties de soutien économique. Troisième conviction : le redémarrage exige desmesures sani- taires rigoureusesmais simples et accessibles pour toutes les caté- gories. Il faut que nous tous, les professionnels, avec l’aide d’ex- perts scientifiques, nous définissions par exemple 5 consignes pour nos clients et 5 consignes pour nos collaborateurs. Des comportements simples et efficaces, aisément applicables par tous les établissements – du plus grand au plus petit – et qui ne représentent pas un coût excessif. Naturellement, l’application effective de ces consignes devra être vérifiable et vérifiée. Mais le problème n’est pas insurmontable : n’oublions pas que la restau- ration est un secteur qui est parfaitement habitué à appliquer des consignes d’hygiène et de sécurité. Celles contre le Covid-19 s’intègreront facilement dans ces habitudes. Quatrième conviction : la reprise d’activité des restaurants doit être conçue en intégrant les producteurs artisans – éleveurs, maraîchers, pêcheurs. D’abord parce que la survie économique de la plupart d’entre eux dépend de la restauration. Ensuite, parce que, du point de vue sanitaire, ils doivent être parties pre- nantes des consignes de sécurité des restaurants qu’ils livrent.” Ce qu’Alain Ducasse a dit à Emmanuel Macron Lors de la réunion du 24 avril, Alain Ducasse a porté la parole du Collège culinaire de France dont il est le co-président. Extraits. ©ANNE-EMMANUELLETHION
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