L'Hôtellerie Restauration No 3709

L’ACTUALITÉ Stéphane Manigold contre Axa : la justice ordonne à l’assureur de couvrir la perte d’exploitation Le tribunal de commerce de Paris a rendu sa décision vendredi dernier : Axa France doit indemniser le restaurateur suite à la fermeture administrative d’un de ses établissements. L’assureur va faire appel. “C ’est une victoire collective” , déclare Stéphane Manigold , président du groupe Eclore (auquel appartient Maison Rostang), suite à la décision du tribunal de com- merce de Paris, le 22 mai. Le jugement demande à Axa d’indemniser le restaurateur qui a dû fermer son restaurant sur injonction du Gouvernement pour stopper la propagation du coronavirus. “Nous avons gagné un sursis pour nous, petits patrons, et pour nos salariés. Ils sont tous derrière nous. (…) Pendant deux mois, nous avons bataillé. Le cauche- mar, le harcèlement, la guerre psychologique… aucun chef d’entreprise ne doit souffrir à ce point. La loi doit chan- ger ! Aujourd’hui, la décision est rendue et quand elle sera définitive, je rembourserai l’État. C’est Axa qui paiera les salariés. L’État n’a pas à se substituer aux contrats de droit privé.” Le 16 avril 2020, Stéphane Manigold a transmis au tribunal de commerce de Paris une demande visant à assigner en référé la société Axa France. “Axa refuse d’indemniser les pertes d’exploitation consé- cutives à la fermeture administrative d’un de mes restaurants alors que ma police d’assurance pré- voit expressément ‘une extension pour les pertes d’exploitation en cas de fermeture administrative imposée par les services de police ou d’hygiène ou de sécurité’”, s’insurgeait-il. Cependant, pour Axa, c’est le ministre de la Santé qui a imposé la fer- meture et non le préfet, ce qui l’exempte de payer. Le 22 mai, la justice a suivi Stéphane Manigold. Dans son ordonnance, le tribunal note : “que ce soit le préfet ou le ministre, en droit français, il s’agit dans les deux cas d’une décision adminis- trative et aucune exclusion contractuelle ne vise le ministre.” Maître Anaïs Sauvagnac , avocate de Stéphane Manigold, apporte deux autres précisions : “Dans le contrat, il n’y a aucune exclusion pour pandémie. La seule exclusion pour que la perte d’exploitation ne joue pas, c’est que l’assuré soit à l’origine de l’atteinte qui aurait conduit à la fermeture admi- nistrative. Bien évidemment, mon client n’est pas à l’origine de la Covid-19 ! Le contrat était simple et chacun doit remplir ses obligations contractuelles.” Axa mène des négociations avec d’autres restaurateurs Pour l’instant, la victoire permet au restaura- teur d’obtenir, à titre de provision, la somme de 45 000 € “sous astreinte de 1 000 € par jour, à compter du 15 e jour de la signification de la présente ordonnance, et ce, pendant 60 jours, période au-delà de laquelle il sera fait un nouveau droit.” Aussi, un expert judiciaire a été nommé par le tribunal afin d’évaluer le montant exact “des dommages consti- tués par la perte de marge brute pendant la période d’indemnisation” . Pour Stéphane Manigold, cela représente 70 000 € mensuels à prendre en compte sur la période cou- rant de mi-mars-fin mai. La décision ne concerne que Le Bistrot d’à côté Flaubert, mais le restaura- teur détient trois autres établissements parisiens (Maison Rostang, Substance et Constraste) avec des contrats similaires. Il pourrait donc lancer d’autres procédures pour ses autres restaurants. La perte d’exploitation devrait alors être calculée sur la base d’un total de 500 000 € mensuels, a indiqué le restaurateur. Axa est également condamnée à 5 000 € de dommages-intérêts (art. 700 du code de procédure civile). L’affaire ne se limitera pas à l’évaluation de la perte d’exploitation puisque Axa France a annon- cé qu’elle allait faire appel estimant que “seul un jugement tranchant le débat sur le fond pourra permettre d’aboutir à une interprétation sereine du contrat” . Axa France mène en parallèle des négociations avec des restaurateurs qui ont souscrit le même contrat. “Le cas de Monsieur Manigold concerne un contrat spécifique sous- crit par quelques centaines de professionnels de la restauration auprès d’un cabinet de courtage” , précise l’assureur qui souhaite “une résolution de cette divergence par le dialogue chaque fois que la volonté des deux parties le permet” . Stéphane Manigold a été lui aussi sollicité pour négocier. Il n’a pas donné suite. © CHEZDELAGARE 4 L’Hôtellerie Restauration N° 3709 - 28 mai 2020 Poser une question, ajouter un commentaire Nadine Lemoine > www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR263504 Dans le contrat, il n’y a aucune exclusion pour pandémie.” L’État n’a pas à se substituer aux contrats de droit privé.” Commentaire laissé sur www.lhotellerie-restauration.fr par Gérard Caille “Même si c’est David contre Goliath, cela prouvera une fois de plus qu’il ne faut jamais baisser les bras. Dans ce genre d’histoire ça vaut vraiment le coup et le coût de se battre.’ La justice est le droit du plus faible’ Joseph Joubert” Pour Didier Chenet, “le droit et la morale l’ont emporté” Didier Chenet , président du Groupement national des indépendants (GNI), a salué le jugement rendu le 22 mai dans l’affaire opposant Stéphane Manigold et Axa (lire ci-contre) : “Le droit et la morale l’ont emporté. C’est une belle victoire pour Stéphane Manigold, que le GNI soutenait, et pour tous ceux qui ont un contrat sans clause d’exclusion. Pour les autres, nous réitérons notre demande : que les assureurs qui vont faire des profits exceptionnels au travers du Covid-19 (taux de sinistralité très bas du fait du confinement des Français, encaissement de primes exceptionnelles sur les contrats d’assurance souscrit sur les 10 milliards d’euros que vont emprunter les professionnels) viennent en aide, en reversant une partie des gains à ceux qui n’ont pas de contrat similaire. Je pense d’ailleurs qu’il est important de souligner que les parlementaires viennent de créer une commission pour évaluer le montant des bénéfices que les assureurs vont tirer de cette crise.” Sylvie Soubes Didier Chenet. Stéphane Manigold et son avocate, maître Anaïs Sauvagnac , dans l’attente de la décision du tribunal de commerce en visioconférence. Maître Anaïs Sauvagnac Stéphane Manigold

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