L'Hôtellerie Restauration No 3710

16 L’Hôtellerie Restauration N° 3710 - 5 juin 2020 VANNES À 47 ans, Sophie Reigner ouvrait le 14 février dernier son premier établissement. Un mois plus tard, elle reçoit l’ordre administratif de fermer. Un choc. Mais après trois jours d’abattement, elle a rebondi avec brio. RESTAURATION Poser une question, ajouter un commentaire François Pont > www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR362883 d’activité avait un sens social. J’ai arrêté le pigeon et les Saint-Jacques pour des plats mitonnés, goûteux mais moins chers, d’abord pour des raisons d’hygiène. Je ne livre aucun plat cru. Mes paniers sont au- tour de 20 € mais je livre aussi pour 8 € si ce n’est pas trop loin. J’ai mis en place le paiement sans contact. Je change de gants à chaque livraison. Ma voiture ressemble à une ambulance avec gel hydro-alcoolique et matériel stérile. Ouest France devait faire un article pour l’ouverture de Iodé, ils en ont fait un sur mes livraisons. Les commandes ont explosé. Les clients que je livre, certains chaque jour, seront les fidèles de demain, quand le restaurant rouvrira [la réouverture est annoncée pour le 5 juin, NDLR]. Mes procédures sont très strictes en matière d’hygiène. En protégeant mes clients, je me protège moi-même. Le fait de travailler seule était rassurant pour eux” , explique la chef bretonne. “J'ai le sentiment d'avoir été utile” Sophie Reigner recevra la dotation Gault&Millau pour les jeunes talents 2020 : “Je n’ai pas encore la plaque mais j’ai déjà été informée !” Elle a aussi été finaliste du concours de la Cuillère d’or 2016. Elle reconnaît avoir eu des mo- ments de doute mais aussi beaucoup d’espoir : “Je suis restée en contact tous les jours avec mes salariés, on ne va pas laisser tomber. Le retour à une activité normale va prendre du temps. Mais mon activité a été inespérément soutenue. Et puis j’ai le sentiment d’avoir été utile, en particulier envers les personnes les plus vulnérables, les plus isolées.” Le succès pendant le confinement a été tel que Sophie Reigner va conserver son sys- tème de box vendue à emporter après la réouverture, la clientèle en étant deman- deuse. Elle y voit l’occasion de montrer aux clients qui viendront retirer leur com- mande l’agencement de son restaurant : un espace large et sécurisé permettant de respecter la distanciation sociale. “Je ne suis ouverte depuis février… Beaucoup de gens ne me connaissent pas encore. Il faut les faire venir.” Son restaurant ouvre un mois avant le confinement, il cartonne depuis la fermeture S ophie Reigner était secrétaire avant de se convertir à la grande cuisine auprès du chef étoilé libanais Alan Geaam dont elle fut la chef exécutive au restaurant bistronomique AG Les Halles, à Paris (I er ). Le soir de la Saint-Valentin 2020, elle inaugure le Restaurant Iodé, à Vannes (Morbihan) avec ses cinq salariés : “Dès le premier soir, nous étions complet !” Mais la crise sanitaire lui impose la fer- meture le 14 mars, un mois jour pour jour après l’ouverture à 19 h 45, quinze minutes avant le début du service : “J’ai reçu un message d’un collègue. Il fallait fermer les portes à minuit. Toute l’équipe était effon- drée !” Elle a fermé le restaurant, est restée choquée pendant trois jours puis a rouvert, seule, sa cuisine. Des personnes âgées l'ont contactée, un voisin handicapé l'a sollicitée. Les aides à domicile ne venaient plus, les livraisons non plus. Encore aujourd'hui, les seniors redoutent de sortir. “Il y avait beaucoup de détresse. Les clients parlaient sans fin en passant des commandes. Ma reprise Sophie Reigner : “Les clients que je livre, certains chaque jour, seront les fidèles de demain, quand le restaurant rouvrira.” © SOPHIE REIGNER Je suis restée en contact tous les jours avec mes salariés, on ne va pas laisser tomber. ”

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