L'Hôtellerie Restauration No 3711

“C e n’est pas un renoncement, c’est une parenthèse pour revenir plus fort et atteindre les 3 étoiles .” Dix ans d’installation et deux mois de confine- ment ont fait réfléchir Yoann Conte , 2 étoiles Michelin à La Table de Yoann Conte à Veyrier (Haute-Savoie). Il a remis en perspective ses objectifs et sa vision de chef d’en- treprise, et il a décidé de mettre en pause sa table étoilée. “ Si je veux sauvegarder mon entreprise, mes salariés, avec les nouvelles règles sanitaires, je tombe à dix couverts… c’est du suicide. De plus, je pense que les attentes des clients ont changé. Ils veulent manger plus simple- ment, dans un esprit plus convivial, et passer moins de temps à table .” La situation exceptionnelle de son restaurant, les pieds dans l’eau du lac d’Annecy, avec 500 m 2 de terrasses et 800 m 2 de jardin, l’ont poussé à développer sa table bistrot qu’il ouvrait déjà l’été depuis quelques années. “ Côté Jardin a une marge de 80 % au lieu de 73 % avec le gastrono- mique. Je gagne 7 points. Ce n’est pas rien, c’est du bon sens entrepreneurial. Je conserve 50 employés à l’année et je renonce à porter l’effectif à 70 oersonnes, comme je le faisais en saison. Je peux ainsi garantir les emplois et faire plaisir à beaucoup plus de clients.” Une pause réfléchie Yoann Conte veut accueillir ses clients, jouer un rôle d’aubergiste, au sens noble du terme. “ Je vais laisser les jeunes talents s’exprimer en cuisine et s’ils créent des plats qui plaisent, je mettrai leur nom sur la carte. On pourra aussi manger à toute heure .” Le chef, en association avec un couple de clients, a également ouvert une poissonne- rie-traiteur à Annecy, Les Contes de la mer. “ Ce sont des associés discrets et formidables qui veulent soutenir un commerce de proximité .” “Je veux consacrer plus de temps à ma famille. Ce confinement a été un choc. Être le soir avec ma femme et mes enfants, c’est un vrai bonheur .” Cependant, cet ancien sportif de haut niveau ne renonce pas à la course aux étoiles. Il a contacté le guide Michelin pour les informer de sa décision. “ Gwendal Poullennec, le directeur du guide, m’a rassuré. Je veux que mes confrères le sachent. Le Michelin est là pour nous soutenir, pas pour nous enfoncer. Cette parenthèse n’est pas un renoncement, mais une pause, pour revenir plus fort pour la troisième étoile.” Réouverture : un sentiment d’euphorie éphémère en Espagne BARCELONE (ESPAGNE) Les bars et restaurants espagnols accueillent à nouveau les clients, en terrasse ou en salle selon les règles de déconfinement, mais toujours dans des conditions limitées. Un retour pas tout à fait à la normale. Poser une question, ajouter un commentaire Francis Matéo > www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR463576 Poser une question, ajouter un commentaire Fleur Tari > www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR463358 L e 25 mai, c’était comme un jour de fête à Barcelone (Espagne), avec ses terrasses de cafés prises d’assaut sous un ciel ensoleillé. Ce jour-là, les bars de la capi- tale catalane accueillaient enfin leurs premiers clients après plus de deux mois de confinement. “ La vie reprend vite ses droits ”, constate le patron du Bar La Bota dans le quartier de Poble Sec, où les tables maintiennent leur distance réglementaire de deux mètres, mais où les clients qui s’agglutinent par grappes ont enlevé leur masque. “ Comment veux-tu boire une bière avec un masque sur la bouche ?” , plaisante-t-on à la table d’un groupe d’amis sur la terrasse du Petit D@aniel, l’un des deux bistrots que dirige le Français Daniel Brin dans la capitale catalane. “ Il était temps que l’on reprenne l’activité” , commente le chef originaire de Perpignan, serviette et solution hydroal- coolique en main pour nettoyer précautionneusement chaque table qui se libère : “ Ces semaines de confinement ont été parfois difficile à vivre, avec les charges qu’il fallait continuer de payer sans savoir exactement quelles seraient les aides en Espagne. Mais le simple fait de recommencer à travailler, même si c’est avec la moitié de la terrasse, c’est déjà une façon de revenir à la normalité .” Barcelone et Madrid sont les deux dernières villes à s’ouvrir à cette nouvelle normalité, dans un pays où les injonctions sani- taires ont été parmi les plus strictes de tous les pays ayant décrété le confinement. “C’est tout même assez différent” Car Madrid et Barcelone ont été les principaux foyers d’une épidémie qui a causé plus de 27 000 décès en Espagne. Ailleurs dans le pays, certains bars et restaurants ont pu accueillir à nouveau leurs clients à l’intérieur (jusqu’à 50 % de capacité). C’est le cas en Galice, où le restaurant Tapa Mundo de Pontevedra a dressé le 25 mai une demi-dou- zaine de tables dans une salle désormais surdimension- née. “ On s’est interrogés sur l’opportunité d’ouvrir dans ces conditions, puis finalement, on est contents de reprendre, pour nous, nos salariés et nos habitués” , commente le propriétaire, José Segura , qui a organisé deux services par repas avec un tiers de son personnel. “ Les clients s’habi- tuent sans problème aux nouvelles règles sanitaires”, ajoute le patron derrière son masque, tout en reconnaissant cependant que , “l’ambiance est tout même assez différente, c’est plus calme ”. De fait, le brin d’euphorie de ce retour à la vie courante après plus de deux mois de confinement n’occulte pas les inquiétudes des professionnels. En Espagne, 30 % des établissements du secteur CHR pourraient rester sur le carreau à cause de cette interruption forcée. Plutôt que de poursuivre dans ce climat d’incertitude, Luigi Masala a d’ailleurs préféré baisser sine die le rideau de son res- taurant Madeleine Mon Amour, à Barcelone. Le Français reste propriétaire de l’enseigne, mais choisit de mettre son affaire en sommeil : “ Continuer avec 50 % de la capaci- té d’accueil, cela n’aurait pas été rentable, et nous n’avons pas eu véritablement d’aides en Espagne, juste des reports de charges qu’il faudra régler tôt ou tard. Poursuivre dans ces conditions, c’était comme maintenir un moribond sous perfusion .” La crise du Covid-19 laisse une certitude : elle a sensible- ment changé le paysage de la restauration en Espagne. RESTAURATION Yoann Conte met en pause sa table étoilée VEYRIER Le chef doublement étoilé va, dans un premier temps, développer l’activité de Côté Jardin, sa table bistrot, qu’il ouvrait chaque été depuis quelques années. Yoann Conte : “Avec les nouvelles règles sanitaires, je tombe à dix couverts… C’est du suicide. De plus, je pense que les attentes des clients ont changé.” Sur une terrasse de Barcelone au premier jour du déconfinement, le 25 mai dernier. En Espagne, 30 % des établissements du secteur CHR pourraient rester sur le carreau.” 10 L’Hôtellerie Restauration N° 3711 - 11 juin 2020

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