L'Hôtellerie Restauration No 3711

Didier Chenet : “Le manque de trésorerie est crucial et la peur d’aller dans le mur est réelle” Le déconfinement et les réouvertures d’établissements sont en cours, mais la crise n’est pas terminée. Le point avec Didier Chenet, président du Groupement national des indépendants (GNI-HCR). Nous recommandons d’attendre la deuxième phase de relance, fin septembre, avant de prendre des décisions irréversibles.” Poser une question, ajouter un commentaire Sylvie Soubes > www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR863570 POUR PLUS D’INFORMATIONS, RENDEZ-VOUS SUR : FOODSERVICE.HARRYS.FR L’Hôtellerie Restauration : Les plus pessimistes estiment qu’un tiers des établissements indépendants ne pour- ront pas se remettre du confinement, partagez-vous cette analyse ? Didier Chenet : Dans le sondage que nous avons réalisé début mai - avec près de 2 000 réponses -, 17 % des profession- nels disaient qu’ils n’allaient pas rouvrir immédiatement après le déconfinement, alors qu’ils étaient 11 % lors du sondage précédent, un mois plus tôt. Cette aug- mentation m’inquiète et pose des ques- tions. Il est certain que le manque de tré- sorerie est crucial et que la peur d’aller dans le mur est réelle. Mais je me refuse à faire des prévisions dans le contexte actuel, je pense qu’il faut rester factuel si on veut garder notre lucidité. Des établissements craignent de devoir licencier, que leur conseillez-vous ? Ne va-t-on pas aller vers une perte des compétences ? Tout a été fait par le Gouvernement pour éviter les licenciements. Autant la fermeture a été brutale pour nos établissements, autant la réouverture va être étalée. Ce que nous recomman- dons, dans la mesure du possible, c’est d’attendre la deuxième phase de relance fin septembre avant de prendre des déci- sions irréversibles. La prolongation des exonérations de charges et du chômage partiel - pris en charge à 100 % - au-delà de septembre dans notre secteur sera négociée cet été. Si ces mesures ne sont pas prolongées, je le dis gravement, il y aura des licenciements, car on ne peut pas maintenir son personnel avec 50 % d’activité. Le Gouvernement nous dit que ça lui coûte très cher, mais cela pointe du doigt le poids des charges sociales qui pèse sur nos entreprises à forte densité de main-d’œuvre. L’État touche du doigt ce que nous payons tous les mois. Les forces vives du sec- teur vont, je pense, rester en place ; je crains en revanche que les moins qua- lifiés soient les premières victimes de la situation. Qu’en sera-t-il des établissements qui ne respecteront pas le protocole sani- taire ? Ce protocole est le résultat d’un travail effectué en commun par toutes les orga- nisations professionnelles, sous l’autori- té de Sébastien Bazin [PDG du groupe Accor, NDLR] Ce n’est pas un protocole de chaîne, il résulte de la réflexion de la profession dans son ensemble. C’est le moyen qui est mis à disposition de nos professionnels pour assurer la sécurité sanitaire des salariés et des clients. Il est là pour éviter que la responsabilité civile et pénale des professionnels soit engagée en cas de problème sanitaire. Nous nous sommes battus, avec l’appui de l’interprofession, pour qu’il y ait une obligation de moyens et non de résul- tats. Le fait que le professionnel respecte ce protocole lui permet de satisfaire à cette obligation de moyens qui lui est imposée par le Gouvernement et les autorités sanitaires. La profession va-t-elle pouvoir embau- cher cet été ? Notre secteur embauche l’été autour de 300 000 saisonniers et espère aujourd’hui sauver une partie de la saison. Nous allons embaucher mais sans doute moitié moins, voire encore moins. Mais la clientèle française ne suffira pas pour compenser l’absence de la clientèle étrangère dans certaines branches, comme l’hôtellerie de luxe. La crise a-t-elle un impact sur les demandes d’entrée en école hôtelière selon vous ? Nous constatons une baisse d’inscrip- tions dans notre secteur de 6 à 10 % et jusqu’à 30 % dans nos CFA, signe de l’inquiétude réelle des parents et des élèves. Actuellement, beaucoup d’entre- prises nous disent qu’elles ne prendront pas d’apprentis cette année. Nous avons présenté un plan de relance pour l’ap- prentissage et des aides sont annoncées [lire aussi p. 11]. Il ne faut pas laisser d’apprentis dans la rue, et je rappelle que désormais, les CFA sont rémunérés au coût contrat. Nous étions dans une activité où nous manquions de salariés et nous n’avons jamais cessé d’embaucher ; et là, nous allons entrer dans une période de sureffectif. D’où l’importance pour notre secteur de s’appuyer sur la quali- fication et la formation de nos salariés. Quel est votre regard sur la suite ? Les entreprises ne pourront rembourser leurs emprunts que si la reprise est là. Nos TPE n’ont pas de fonds propres et elles sont fortement endettées, nous proposons un plan d’investissement qui viendrait épauler en capital et pas en dettes. Il y aura un deuxième plan à la rentrée et il faudra une troisième phase d’accompagnement dans lequel ce fonds aura toute sa place. Didier Chenet : “Notre secteur embauche l’été autour de 300 000 saisonniers et espère aujourd’hui sauver une partie de la saison.”

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