L'Hôtellerie Restauration No 3718

LES PIEDS DANS LE PLAT “L es menus sans prix attribués aux dames ? Pour moi, c’est totalement ‘has been’, explique Louis Chabran , qui dirige avec son père la Maison Chabran à Pont-de-l’Isère (Drôme). Ma femme ne l’accepterait pas. Si la situation se présentait dans un restau- rant, je ne serais pas d’accord mais je ne ferais pas de scandale, étant du métier. Je peux comprendre la maladresse.” Le chef étoilé, âgé de 28 ans, propose pourtant En 2020, les menus pour dames sont-ils encore acceptables ? Partagés entre les clients qui exigent des menus sans prix au titre d’une certaine idée de la galanterie et ceux qui voient dans ces cartes ‘muettes’ une symbolique patriarcale d’un autre âge, les restaurateurs ménager les susceptibilités et éviter de froisser une partie de leur clientèle. ces mêmes cartes dites ‘muettes’ dans son établissement, mais uniquement sur demande : “Je ne juge pas. C’est une exi- gence d’un public plutôt âgé que l’on se doit de satisfaire.” À l’autre bout de la France, en Bretagne, l’expérience est différente. “Nous propo- sons systématiquement une carte sans prix aux femmes”, annonce Christophe Le Fur , chef étoilé de l’Auberge Grand’Maison à Mûr-de-Bretagne (Côtes-d’Armor), qui avoue avoir peu de retours sur cet usage et renvoie la patate chaude à Nicolas Le Liboux , son sommelier, qui fait face au quotidien aux réactions des clients. “C’est de la galanterie”, explique simplement ce dernier. Des usages qui heurtent “Ces cartes sans prix sont un sujet de fric- tion rarement pris au sérieux et qui concerne un certain type d’établissements. Une hôte- lière me disait que ce serait une faute si elle n’en proposait pas, et qu’elle avait vu des clientes s’énerver de leur absence. Entre la coutume et ce que l’on envisage être l’élégance, les choses sont entremêlées. En France, c’est compliqué. Ce type de pra- tique est inenvisageable outre-Atlantique. Il ne faut pourtant pas être culpabilisant pour les restaurateurs qui veulent bien faire. Ils ne peuvent pas être plus progressistes que leurs clients”, déroule Estérelle Payany , critique gastronomique à Télérama depuis sept ans et engagée sur la question de l’égalité des sexes, en particulier “dans les lieux de pouvoir” que peuvent être les restaurants : “L’histoire de ces menus, c’est celle d’une domination. En quoi les femmes ne seraient-elles pas en capacité de payer ? C’est encore pire avec la carte des vins systématiquement attribuée aux hommes, arbitrairement considérés comme les uniques sachants !” Un constat que partage Bernard Boutboul et qu’il conforte avec une anecdote. “Une dirigeante d’entreprise s’était vu délivrer ce type de menu alors qu’elle invitait ses trois plus gros fournisseurs. Elle avait vécu cette situation comme une humiliation. Le chef, étoilé, m’a rapporté avoir arrêté les cartes sans prix après cet incident”, raconte le patron du cabinet Gira, dont les enquêtes de consommation concluent à 98 % à l’indécence de cette pratique. “Les restaurateur veulent bien faire. Personne n’est sexiste de façon volontaire, tempère Estérelle Payany. Ma préconisation serait que les cartes sans prix soient un service additionnel à envisager au moment de la réservation. Ce qui me gêne c’est qu’elles puissent être imposées. De la même façon, une addition doit toujours être déposée au centre de la table.” Poser une question, ajouter un commentaire François Pont > www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR863926 Une amende de 60 000 $ pour un menu pour dame En octobre dernier, Rosa Nautiqua, un célèbre res- taurant de Lima au Pérou a été condamné à 60 000 $ d’amende (52 000 € environ) pour discrimination envers les femmes. Les serveurs délivraient des cartes avec les prix pour les hommes, et sans pour les femmes. C’est un organisme public de défense des droits des consomma- teurs qui a obtenu, en plus de l’amende, l’installation d’un écriteau portant la mention suivante : “Dans cet établis- sement, il est interdit de dis- criminer les consommateurs en raison de leur origine, race, sexe, langue, religion, opinion, condition économique, handi- cap, orientation sexuelle, iden- tité de genre ou autre.” 16 L’Hôtellerie Restauration N° 3717 - 30 juillet 2020 Le menu sans prix pour les dames : entre galanterie et sexisme. © PIXABAY Par téléphone : 01 45 48 45 00 Par e-mail : abo@lhotellerie-restauration.fr Votre e-mail pour l’abonnement digital : (vos coordonnées ne sont utilisées que par L’Hôtellerie Restauration) Téléphone : (Facultatif mais utile en cas de problème d’adresse) Adresse : Code postal & localité : Enseigne : Nom et Prénom : Mes coordonnées : Par web ou mobile lhotellerie-restauration.fr N° Date de validité : 3 derniers chiffres au dos de la carte : (à l’ordre de L’Hôtellerie Restauration ) Chèque joint Signature : RIB joint Carte bancaire pour 3 mois 10 € pour 1 an 40 € 2. 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