L'Hôtellerie Restauration No 3732
VIE PROFESSIONNELLE Tribunal de commerce : “Il ne faut pas attendre d'être dans l'impasse” L’Hôtellerie Restauration : Quel constat faites-vous concernant la situa- tion des entreprises qui se présentent au tribunal de commerce de Paris ? Robert Vidal : La situation est déses- pérée pour beaucoup, notamment pour ceux qui ont de gros loyers. Au tribunal, ce sont surtout les grosses entreprises qui sont en négociation financière. Peu d’établissements CHR se placent sous la protection du tribunal. Les indépen- dants ne prennent pas suffisamment de conseils en amont, ce qui les empêche de prendre les bonnes dispositions quand il est encore temps. Il faut impé- rativement suivre sa trésorerie avec son comptable et ne pas attendre d’être dans l’impasse. Quand on atteint la cessation des paiements, c’est là que tout bascule. Le mot tribunal fait fuir les indépendants et c’est un tort. Les chambres de procédures collectives ne sont pas là pour condamner, mais pour aider à sauver les entreprises. Une pro- cédure préventive n’est pas une faillite : elle donne les moyens de rebondir. Quels sont alors les leviers possibles ? Vous avez deux types de procédures : préventives et post-cessation de paie- ments. Les procédures préventives sont le mandat ad hoc, la conciliation et la sauvegarde qui, elle, n’est pas confi- dentielle. Le mandat ad hoc et la conciliation permettent notamment de négocier avec la banque ou les action- naires. Le tribunal va alors nommer un conciliateur ou un mandataire qui va permettre de renégocier un certain nombre d’échéances. Il s’agit d’ai- der le chef d’entreprise à prendre les devants dans les meilleures conditions possibles. La sauvegarde permet de geler tout le passif pendant 12 mois, de voir comment évolue l’entreprise et de présenter un plan de continuation sur un maximum de dix ans. Il ne faut pas hésiter à consulter les administra- teurs judiciaires ou les mandataires judiciaires, notamment via les syndicats professionnels. Un premier rendez-vous confidentiel permet d’y voir plus clair, il ne faut pas avoir peur de se renseigner auprès d’eux. Avez-vous des chiffres sur les procédures ? Les entreprises en sauvegarde ont en moyenne 100 salariés alors que celles en redressement judiciaire ont en moyenne 10 salariés et celles en liqui- dation judiciaire un salarié. Cela montre bien que ce sont les grosses entreprises qui anticipent le plus. En septembre et octobre, nous avions un peu moins d’entreprises à traiter que l’an dernier à la même période. Ceci s’explique par le mécanisme de perfusion mis en place par l’État, mais les choses vont malheu- reusement se précipiter rapidement. C’était le calme avant la tempête. Les indépendants ont peur de se tourner vers les chambres de procédures collectives, alors qu’elles sont avant tout là pour aider à sauver les entreprises, explique Robert Vidal, président de chambre au tribunal de commerce de Paris et restaurateur. © GETTYIMAGES Poser une question, ajouter un commentaire Sylvie Soubes > www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR965123 11 6 novembre 2020 - N° 3732 L’Hôtellerie Restauration E n cas de difficulté, l’anticipation permet d’envisager la mise en œuvre de procédure amiable, d’apporter de véritables réponses et d’ éviter de basculer en état de cessation de paiement , résume Bpifrance Création, qui liste les événements qui doivent alerter tout chef d’entreprise. 1 Les différentes difficultés rencontrées qui doivent conduire à réagir • Financières : défaut de trésorerie, interdit bancaire, arrêt brutal de l’activité. • Opérationnelles : perte de marchés, de clientèles majeures. • Réglementaires : apparition de contraintes. • Sociales : conflit avec un associé, avec un salarié aux prud’hommes. • Cas de force majeur : c’est le cas de la crise sanitaire actuelle avec le Covid-19. 2 Les signaux d’alerte • Une absence ou insuffisance d’accompagnement comptable. • Une menace de résiliation d’un contrat pour impayé ou d’assignation en paiement par un fournisseur . • Une menace de dénonciation de concours bancaire ou refus de financement . • Des engagements disproportionnés par rapport à la rentabilité de l’entreprise. • La survenance d’un cas de force majeur, tel que la crise sanitaire du Covid-19. 3 Demander un entretien avec le président du tribunal du commerce permet au chef d’entreprise : • de faire une analyse de la situation financière, économique et sociale de l’entreprise . • D’ é valuer les moyens dont on dispose pour redresser l’entreprise. • De connaître les mesures mises à disposition de l’entrepreneur. E-mail : prevention@tribunauxdecommerce.fr Utile : une formation en ligne spécifique BPIfrance propose aussi aux dirigeants des petites entreprises et auto-entrepreneurs un ‘E-parcours renfort’, en partenariat avec l’Adie, BGE, France Active, Initiative France et Réseau Entreprendre. Cette formation en ligne a pour objectif de les aider à gérer les effets de la crise, à relancer leur activité et identifier les experts qui pourront les accompagner dans leurs projets. Plusieurs modules sont proposés, composés de vidéos, accessibles gratuitement après inscription sur le portail Bpifrance Université : www.bpifrance-universite.fr . Les procédures amiables et préventives. Quand et pourquoi frapper à la porte du tribunal du commerce ? Lorsque les difficultés se présentent dans la vie d’un établissement, le chef d’entreprise doit anticiper. Mais à quel moment doit-il s’inscrire dans cette logique ? Jean-Luc Adda , président du tribunal de commerce d’Alençon et ancien chef d’entreprise, connaît bien le secteur. Il explique : “Un indépendant n’a pas les moyens d’une grosse structure. Se faire accompagner par un conciliateur de justice ou un administrateur judiciaire dans les négociations avec les banques, les fournisseurs, les services de l’État, est nécessaire quand l’entreprise ne va pas bien et que le rapport de force paraît insurmontable. Dans le cadre des procédures, nous pouvons aller jusqu’à réduire la caution du chef d’entreprise. Beaucoup de choses peuvent être négociées, même fiscalement et socialement. Il est quasiment impossible de s’en sortir seul aujourd’hui. Le dirigeant de TPE doit pouvoir avoir une autre vision de son entreprise et faire le point. Il ne faut pas qu’il hésite à s’adresser à nous, mais aussi aux chambres consulaires et aux institutions régionales.” La région Normandie a ainsi mis en place le dispositif Arme (anticipation, redressement, mutations économiques), destiné à aider les entreprises confrontées à des difficultés économiques pouvant mettre en jeu leur survie et les emplois. “Beaucoup de choses peuvent être négociées, même fiscalement et socialement”
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