L'Hôtellerie Restauration No 3746

Les métiers du service sont particulièrement concernés par la fuite des talents aggravée par la crise sanitaire. “J e suis devenu maître de cérémonie à 1 300 € par mois, au rythme de trois enterrements quotidiens”, relate Hugues , qui fut pourtant un extra heureux depuis 1987 avant que la pandé- mie de Covid-19 le plonge dans la pauvreté. “On m’a refusé le RSA, car j’avais un peu d’épargne pour ma retraite. Je suis retourné chez ma mère, à 56 ans . ” “Avant la crise, les employés avaient la tête dans le guidon et ne se posaient pas vrai- ment de questions”, analyse Jean-Claude Cahagnet , de l’Auberge des Saints Pères à Aulnay-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), qui a perdu la totalité de son personnel de salle. “Tous mes employés sont en CDI sans coupure, alors ils reviendront aussi pour leur salaire de 2 000 à 3 000 € pour un serveur”, modère le restaurateur Xavier Denamur . “Le stress du recrutement varie selon la situation géographique, la présence ou non d’une activité hôtelière, voire d’une terrasse” , décrypte Alban Moreau , du L’ACTUALITÉ Réouverture : pourquoi les talents fuient les métiers de la restauration 8 L’Hôtellerie Restauration N° 3746 - 15 mai 2021 Poser une question, ajouter un commentaire François Pont > www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR767357 service social de l’entreprise de conseil et d’audit Fiteco. “L’inquiétude est forte en province. Dans la capitale, comme l’été dernier, la saison pour- rait être terne avec même un excès de can- didats alors qu’en bord de mer, les restaura- teurs fermaient certains jours ou renonçaient au service continu par manque de personnel. Des gens sont arrivés dans la profession avec un autre métier. Après six mois d’inactivité, ils y sont retournés sans projet de retour en arrière”, explique Alain Fontaine , président de l’association des Maîtres restaurateurs. “On va finir par se faire débaucher nos em- ployés à la sortie de nos restaurants”, pro- voque à peine Jean-Claude Cahagnet. “Cette crise exacerbe des problématiques existantes. Les jeunes ne veulent plus de coupure et des salaires dérisoires”, clame Bernard Bout- boul , du cabinet Gira. Les raisons de cet exode s’expliquent par d’autres raisons. La réforme de l’Assurance chômage n’est pas la moindre, s’emporte Alain Fontaine : “Elle plonge nos précaires dans la pauvreté et un esclavagisme qui refuse de porter son nom, en particulier avec l’auto-entrepreneuriat de type Uber. Il faut choyer nos CDD et nos extras, car ils sont notre meilleure solution.” Pertes de compétences “C’est une situation qui nous préoccupe. Selon une étude d’Akto, nous sommes sans nouvelles de 110 000 salariés. Ils sont allés voir ailleurs, désertent la profession pour un meilleur rythme de vie ou souvent pour des raisons financières comme la perte de droits à l’assurance chômage”, relève Franck Trouet , du GNI. Outre le recrutement, la perte de compétences occupe les esprits. Cyril Lignac s’en inquiétait dans le JDD : “Je redoute les séquelles de savoir-faire. Comme des sportifs, il va falloir s’échauffer, j’ai peur de la perte de rythme . ” Pour Victor Mercier , du restaurant Fief (Paris, XI e ), la vision est pertinente : “Ce sont les plus âgés, en recherche de vie de famille, qui désertent la profession et les jeunes manquent de compétences. Pourtant, il va falloir être bon à la reprise, car ceux qui décevront vont disparaître.” Selon le GNI, 110 000 employés devraient manquer à l’appel pour la réouverture en deux étapes du 19 mai et du 9 juin prochains. Les tensions sur le personnel ne sont pas nouvelles dans le secteur mais le désamour a été renforcé par la crise. Leurs conseils Bernard Boutboul : “Récompenser la cooptation. Un collaborateur qui fait entrer dans l’entreprise un ami qui reste pourrait obtenir une prime de 100 €.” Alain Fontaine : “Réinstaurer le logé-blanchi-nourri avec une prime pour les patrons.” Jean-Claude Cahagnet : “Augmenter les salaires !” Franck Trouet : “Un professionnel me disait vouloir sur-embaucher pour pallier les défaillances.” © PIXABAY

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