L'Hôtellerie Restauration No 3751
RESTAURATION Éric Frechon : “À Primard, nous avons des ambitions d’étoile” GUAINVILLE Le chef triplement étoilé vient d’inaugurer trois tables, dont le restaurant gastronomique Églantine, au sein du Domaine de Primard, 5 étoiles affilié Relais & Châteaux, et dernier-né de la collection les Domaines de Fontenille. L’Hôtellerie Restauration : Vous vous êtes associé à la collection Les Domaines de Fontenille en 2020. Pourquoi cette nouvelle collaboration ? Éric Frechon : Je côtoie les propriétaires, Frédéric Biousse et Guillaume Foucher , depuis l’ouverture de leur premier hôtel, à Lauris. Nous avons vite sympa- thisé. Je les ai vus grandir. Ils m’ont demandé si j’étais inté- ressé pour leur donner un coup de main pour la restauration de leurs hôtels [côté hôtellerie, c’est Laurent Branover qui a pris la direction générale du groupe, NDLR]. Cette association s’est faite naturellement. Je suis un homme de challenge, j’aime bien relever des défis. Vous venez d’inaugurer trois tables au sein du Domaine de Primard, le dernier-né de la collection. Pouvez-vous nous les présenter ? Au sein de la grande maison, nous avons recréé une cuisine avec une table d’hôte, et nous avons conservé la cheminée. On y trouve plusieurs entrées et desserts à partager, avec un plat unique, familial. Ensuite, il y a Octave. Nous avons pris le parti de créer un bistrot, avec une cheminée et la broche à l’intérieur de la salle du restaurant. Cela crée une proximité avec les clients, on peut cuisiner devant eux. C’est l’esprit bistrot, le partage. Quand j’ai construit cette carte, j’ai pensé à tous ceux qui veulent passer plusieurs jours au sein du domaine, donc il fallait cette variété. Et il fallait égale- ment une proposition adaptée aux enfants. Enfin, il y a Églantine. Quand Guillaume Foucher m’a présenté la salle, les idées qu’il avait… tout a été évident pour moi. Le restaurant est entièrement ouvert sur l’exté- rieur, on a l’impression de manger dans la verdure. C’est donc le côté végétal, brut mais élégant, qui est ressorti. Nous l’avons aussi décliné au travers des arts de la table : des éléments très épurés mais nobles, simples tout en étant raffinés, notamment grâce au blanc qui prédomine. Pour ces trois tables, je travaille avec Yann Meinsel , le chef exécutif. L’idée, c’est de faire grandir cette cuisine ensemble, mais pour débuter, j’ai créé la première carte, pour que Yann comprenne l’orientation que j’ai voulu donner. Nous avons des ambitions d’étoile, donc je sou- haitais prendre le moins de risques possible. Quelles ont été vos inspirations pour le restaurant gastronomique Églantine ? Je me suis beaucoup imprégné de l’Île-de-France et des côtes normandes, qui ont été ma référence pour construire la carte. Ici, ce n’est pas un terroir marqué d’une cuisine très forte, on est vraiment entre la mer et l’Île-de-France. Il fallait réussir à jouer là-dessus. Il est important de mettre le produit à l’honneur : avec le plat Oignon paille, par exemple, on est ancré dans la terre, mais il faut rendre le plat élégant, onctueux et original. Quand on voit arriver cet oignon cuisiné avec de la truffe et du lard, c’est très paysan. On cherche à interpeler les gens. Un grand repas, c’est quand on se souvient des choses. À l’occasion de vos vingt ans au sein du restaurant Épicure au Bristol Paris, vous avez écrit un message pour vos clients. Vous disiez notamment : “Il n’y a pas de bonne cuisine sans bons produits . ” L’appliquez- vous aussi au Domaine de Primard ? Nous sommes en effet très axés sur le produit. Il n’y a pas 50 000 choses dans les plats. Le Caviar, c’est : pomme de terre, anguille fumée et caviar. C’est tout. La Sole : sole et girolles. Le Cabillaud, c’est : carpaccio de green zebra et cabillaud. Nos plats sont très lisibles, avec des cuissons justes et une mise en valeur des produits. Nous travaillons avec des fournisseurs locaux, notam- ment avec une productrice qui ne travaille qu’en bio, et qui produit des légumes à la demande, tels qu’on les souhaite. Ensuite, nous avons la chance de travailler près de Paris, donc on fait des compléments. Comment voyez-vous le secteur aujourd’hui, entre la crise sanitaire et celle liée à l’emploi ? Les gens ont vécu à la maison pendant longtemps, ont apprécié les moments familiaux. Être à la maison le soir plutôt que de travailler, profiter des week-ends… Ils ont redécouvert une vie où ils ne devaient pas tout sacri- fier pour leur métier. Aujourd’hui, ils aiment toujours leur métier, mais ils ont envie de vivre autrement. On recrute difficilement. En tant que restaurateurs, on ne peut pas leur offrir de ne travailler que cinq midis par semaine. On peut constituer deux brigades, mais on ne trouve personne à recruter. Nous nous retrouvons contraints d’imposer la coupure à ceux qui restent, pour continuer à faire tourner nos établissements. Mais même quand on aura les équipes, c’est un coût qui se répercutera sur la note des clients. C’est plutôt pour la rentrée de septembre que je suis inquiet, quand tout va rouvrir à plein. L’événementiel pousse, les ban- quets vont reprendre. Et au Bristol, comme Épicure est fermé depuis un moment, on sait qu’on aura une forte demande. Épicure doit justement rouvrir en octobre pro- chain. Comment relancer un établissement 3 étoiles Michelin après presque un an et demi de fermeture ? Nous allons faire des services à blanc, comme si on effectuait une ouverture de restaurant. Quand on a 3 étoiles, c’est comme les Jeux olympiques : on s’en- traîne à longueur d’année, physiquement et psycholo- giquement, pour conserver ces étoiles. Et du jour au lendemain, on nous a dit qu’il fallait tout arrêter. Puis, on nous dit qu’il faut être de nouveau les champions, du jour au lendemain. C’est impossible. Dans un pre- mier temps, nous n’allons rouvrir que le soir, ce qui est plutôt une bonne chose pour se remettre en selle. La salle du restaurant gastronomique Églantine. © BENOITLINERO Poser une question, ajouter un commentaire Romy Carrere > www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR368005 La recette d’ Éric Frechon : L’oignon paille © BENOITLINERO Le chef Éric Frechon (à gauche), et le chef exécutif Yann Meinsel . © BENOITLINERO
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