Julie Garnier L’Hôtellerie Restauration : Comment se passe chez vous le passage de flambeau entre les générations ? Comment gérezvous la répartition des rôles ? Jacques Marcon : Nous travaillons depuis dix-neuf ans ensemble avec mon père, je ne vois donc pas cela comme un passage de flambeau mais plutôt comme un apprivoisement de nos complémentarités. Mon père travaille toujours chaque jour à nos côtés, en cuisine, à l’élaboration des recettes… Cela crée une vraie dynamique d’être deux aux commandes. Pour nommer le restaurant familial, nous avons fait le choix d’une entité en effaçant nos prénoms, cela laisse le champ des possibles plus ouvert pour l’avenir - mon frère, Paul, est lui aussi cuisinier et doit pouvoir venir à nos côtés s’il le souhaite - et cela correspond mieux à notre vision des choses. La répartition des rôles s’affine tous les jours. Je ne gère pas l’établissement seul et la complexité du rôle de chef est son évolution chaque jour. On ne cloisonne pas les rôles entre nous, même si mon père serait plutôt sur la créativité et moi au jardin ou à l’organisation - commandes, choix des produits… -, par exemple. En tout cas, il n’y a pas de rivalité, mais de la complicité. La communication est au centre de toutes nos préoccupations. Quelle est votre définition de la transmission ? En cuisine, nous avons des équipes jeunes - de moins de trente ans en moyenne - avec qui nous travaillons au quotidien. Pour nos apprentis et l’ensemble de notre personnel, l’important est de transmettre les valeurs qui nous semblent les plus essentielles dans le milieu de la restauration, et plus encore, de la gastronomie : la rigueur, la force mentale, le dynamisme et la persévérance. J’aime accompagner mes collaborateurs depuis leur arrivée dans la maison, à différents postes, que ce soit au bistrot ou au gastronomique, et les voir grandir, affiner leurs connaissances, agrandir leur vision du monde et prendre de l’assurance. Tout cela est valorisant. On remet souvent en question notre pédagogie de notre côté aussi. Comment allez-vous mettre cela en pratique pour le Bocuse d’or ? Naïs [Pirollet, candidate représentant la France au prochain Bocuse d’or, NDLR], malgré son jeune âge, a un mental Jacques Marcon : “L’important est de transmettre les valeurs qui nous semblent les plus essentielles” SAINT-BONNET-LE-FROID Désormais coach pour le Bocuse d’or - remplaçant la cheffe Tabata May - aux côtés de la candidate française Naïs Pirollet, Jacques Marcon officie depuis près de vingt ans dans la maison familiale triplement étoilée avec son père, Régis. Au coeur du village, entre forêts et jardins, la transmission prend tout son sens. Rencontre. RESTAURATION Une question, un commentaire sur cet article lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR071831 incroyable. Autour de nous, toute la team France - Cole Millard, Romuald Fassenet, Yohann Chapuis, Davy Tissot… - va se rassembler pour lui transmettre le meilleur de ses connaissances et de sa précieuse expérience. Pour ma part, je vais m’atteler à la mettre dans les meilleures conditions possibles, la rassurer et faire en sorte qu’elle garde cet état d’esprit en gérant au mieux la pression, tout comme je le fais au sein de notre restaurant, avec mes équipes. Le Bocuse d’or pour vous, c’est une histoire de famille ? Depuis la victoire de mon père en 1995, puis de Serge Vieira en 2005 et même de Davy Tissot l’année dernière, nous vivons une histoire d’amour avec ce concours. Lorsque les équipes scandinaves posent leurs valises chez nous, c’est un véritable plaisir que de les accueillir avec professionnalisme. SaintBonnet-le-Froid est bercé par le Bocuse d’or depuis près de trente ans. L’école du village a même pu y participer en venant soutenir les candidats. Pour nous, tout cela est synonyme de convivialité à l’international. Qu’est-ce qui pourrait aider les jeunes dans le monde de la restauration d’aujourd’hui ? C’est une question que beaucoup de monde se pose ! Je ne pense pas qu’il y puisse y avoir une réponse formelle ou magique, mais plutôt des pistes… C’est un problème sociétal et tous les métiers peinent à recruter depuis la pandémie. L’idée, en tant que restaurateurs, est surtout de faire rester les jeunes dans ce métier. Je pense que les conditions de travail sont primordiales : beaucoup d’heures mais trois jours de repos, des vacances au mois d’août, des logements et des salaires confortables… Plus encore que de respecter l’équilibre entre vie privée et professionnelle, on doit se faire plaisir au travail et apprécier l’ambiance qui y règne. Apprendre en continu et ne jamais s’ennuyer sont également des maillons essentiels. Régis et Jacques Marcon.
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