L'Hôtellerie Restauration No 3782

5 30 septembre 2022 - N° 3782 L’Hôtellerie Restauration Malgré un été plutôt exceptionnel, comparable à 2019, le président du GNI fait part de ses inquiétudes pour les mois qui arrivent. Une question, un commentaire sur cet article ? www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR272000 VIE PROFESSIONNELLE Alain Fontaine : “Je veux conserver l’indépendance de l’association des Maîtres restaurateurs” Le président de l’Association française des Maîtres restaurateurs (AFMR) depuis 2019 est candidat à sa réélection lors de l’assemblée générale, qui se déroulera le 17 octobre prochain à Biarritz. Romy Carrere L’Hôtellerie Restauration : Comment s’est déroulé cet été sur le territoire français ? Didier Chenet : La restauration a connu une très bonne saison, même s’il y a quelques disparités en fonction des territoires. Le mois de juin a été exceptionnel, avec des hausses de 9 % à 12 % par rapport à 2019. En juillet, la hausse est comprise entre 4 et 8 % et tout nous amène à penser qu’août sera au niveau de juin. Les clients ont eu envie de se faire plaisir puisqu’on constate une augmentation du ticket moyen. Les touristes étrangers étaient bien là, notamment les Américains, qui ont profité d’une parité favorable. Côté hôtellerie, les taux d’occupation étaient de l’ordre de 72 %. On constate également un chiffre d’affaires en hausse, mais qui est essentiellement dû à la hausse des tarifs. Comment voyez-vous la rentrée ? L’inflation est au plus haut - avec des matières premières qui ont pris 15 % selon Food Service Vision -, il y a le choc énergétique, l’érosion du pouvoir d’achat… sans compter la pénurie de main-d’œuvre. Il faut se tenir prêt à un nouveau round de négociation concernant l’augmentation des salaires, mais qui va être très compliqué. L’absence de signature de l’accord sur la mutuelle est également un gros sujet. Le coût supplémentaire de la mutuelle, c’était une compensation à des choses qui ne sont pas acceptables pour nous. Aujourd’hui, avec notre régime, nous allons droit dans le mur. L’intérêt de la mutuelle de branche, c’est qu’on met tout en commun, elle repose sur un système de solidarité. C’est ce qui permet, par exemple, d’indemniser les victimes des incendies qui ont eu lieu cet été en Gironde ou de la tempête en Corse. Le problème, c’est qu’on ne sait pas ce qui nous attend derrière. Quels sont les grands sujets à venir ? • La hausse considérable de l’énergie. Les prix qu’on nous propose aujourd’hui ont été multipliés par deux ou trois. Le secteur est un gros consommateur d’énergie. Elle représente 6 à 7 % du chiffre d’affaires de nos entreprises pour les semaines qui viennent. Nous demandons à ce que le bouclier tarifaire nous soit appliqué, ou alors il faut revoir de fond en comble la fiscalité de l’énergie. • Les PGE. Il y a des entreprises qui ne pourront pas rembourser. On peut faire appel au négociateur, mais une fois qu’on a étalé le PGE, on ne peut plus emprunter. Quand il va falloir emprunter, notamment pour les efforts énergétiques, on ne pourra pas. On veut participer au plan de sobriété, mais il y a des choses qui vont demander des efforts trop importants. • Les PGE résilience. Nous sommes nombreux à être éligibles à ces prêts, qui viennent en aide aux entreprises qui subissent les effets de la guerre. Certains professionnels ont eu recours à ce type de crédit pour rembourser les premiers PGE, et maintenant ils ont huit ans pour rembourser celui-là. Mais la Fédération de la banque a tout bloqué. Ce prêt est désormais systématiquement refusé. Il y a des entreprises qui ne résisteront pas, qui seront incapables de rembourser. • Les titres-restaurants. Nous avons été pour l’augmentation de la valeur faciale. Mais nous sommes contre le déploiement qu’il connaît, c’est-à-dire en chèque alimentaire. C’est un dévoiement de sa fonction. Le risque derrière tout ça, c’est qu’on perde tout, que leur régime social et fiscal change. L’Hôtellerie Restauration : Quel bilan tirez-vous de vos trois années passées à la tête de l’AFMR ? Alain Fontaine : Nous comptons 3 500 Maîtres restaurateurs, soit 300 de plus qu’il y a trois ans, et ce malgré la crise sanitaire. Près de 60 % d’entre eux sont adhérents à l’AFMR. Nous avons créé fin 2021 le titre de World French Restaurant, qui nous permet de véhiculer à l’étranger l’image de la France dans toute sa diversité. Nous visons 100 restaurants labellisés en Europe en 2023. À titre personnel, je suis beaucoup intervenu dans les médias pour défendre notre profession, notamment pendant le Covid, et je représente l’association lors de grands événements. Avez-vous vu émerger de nouvelles problématiques lors de ces trois années de présidence ? La valeur travail a évolué ces dernières années et la profession a été fortement impactée par le chômage partiel. Le recrutement nous préoccupe tous. L’avenir de la restauration se construira dans la mise en place d’un nouvel environnement contractuel qui englobe à la fois les horaires, les salaires, les avantages comme la mutuelle et une implication des employés au quotidien. L’avenir des Maîtres restaurateurs, c’est aussi la recherche de producteurs engagés dans une démarche raisonnée, de salariés impliqués pour protéger la planète. Quel est votre programme pour les trois prochaines années ? Je veux absolument conserver l’indépendance de l’association, pour que le consommateur puisse continuer à s’identifier à elle. Notre titre de Maître restaurateur a une parole libre et structurée, ce qui nous a permis de nous faire entendre dans de nombreux médias. Nous sommes des chefs d’entreprises défendant les mêmes valeurs, celles du fait maison et des produits de proximité. Je veux également faire progresser le titre, à la fois pour les chefs et les consommateurs, en communiquant davantage dans les médias et sur les réseaux sociaux. Je souhaite aussi servir au mieux nos adhérents en signant des partenariats avec des producteurs, des fabricants de matériel de cuisine et de salle, des courtiers en énergie, mais aussi en matière de digitalisation… Je vais demander à Bercy d’effacer tout ou partie de la dette du PGE pour les restaurants qui l’ont utilisé dans le but de sauver leur entreprise, car certains ne sont pas capables de le rembourser. Je vais également militer pour que l’État diminue les charges afin de permettre aux restaurateurs d’augmenter les salaires. Une question, un commentaire sur cet article ? www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR672094 © DR Didier Chenet fait le point sur les enjeux de la rentrée L’intérêt de la mutuelle de branche, c’est qu’on met tout en commun.” Didier Chenet Didier Chenet : “Nous demandons à ce que le bouclier tarifaire nous soit appliqué ou alors il faut revoir de fond en comble la fiscalité de l’énergie.” © DR © DR Alain Fontaine, président de l’Association française des Maîtres restaurateurs, devant son restaurant, Le Mesturet, à Paris (IIe). Roselyne Douillet

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