Les avis sont partagés. L’exonération d’impôt et de charges sociales sur les pourboires versés par carte bancaire aux serveurs ne fait pas l’unanimité dans les CHR. Votée dans la loi de finances pour 2022, cette mesure - sous condition de niveau de salaire (pas plus de 1,6 smic, heures supplémentaires comprises) - s’applique depuis le 1er janvier 2022 et doit se poursuivre en 2023. L’objectif : renforcer l’attractivité des métiers de la restauration. Le mode opératoire : ces pourboires ajoutés par carte bancaire, au moment du paiement de l’addition, sont inclus dans le chiffre d’affaires du bar ou du restaurant, puis reversés par l’employeur aux salariés, après déduction des charges sociales. “J’ai toujours fait ainsi, avant même l’entrée en vigueur du dispositif”, confie Raphaël Courant, gérant de la Brasserie de la gare à Angers (Maine-et-Loire). “Ça fait plaisir au personnel” “Ça fonctionne bien, poursuit-il. Et ce d’autant que les clients paient de moins en moins en espèces : c’est soit avec une carte de crédit, soit avec le téléphone.” En pratique, il dispose d’une touche ‘tips’ sur sa caisse : “J’ajoute le pourboire sur l’addition et d’un point de vue comptabilité, cela ne me coûte pas grand-chose, mais ça fait plaisir au personnel.” Avis partagé par Mekki Chamkhia, associé du Café de la Butte, à Paris (XVIIIe) : “Plus personne ne paie en espèces dans mon restaurant”, observet-il également. Pièces et billets sont-ils, pour autant, en voie de disparition ? Pas chez Julie Androuin. À la tête de la crêperie La Tablée, à Angers, elle se dit “contre les pourboires par carte bancaire”. Elle a d’ailleurs conservé, sur son comptoir, une tirelire dans laquelle les clients sont invités à glisser de la monnaie “pour le service”. Le montant est ensuite partagé entre les membres de son équipe, chaque fin de semaine : “C’est moins impersonnel qu’avec la carte bancaire. C’est un signe visible d’encouragement pour les salariés, en particulier pour les jeunes. C’est aussi un contact supplémentaire avec le client et, en interne, c’est de l’humain en plus.” “Les commissions sont intolérables” Laurent Poumeyrau, quant à lui, raconte avoir été contacté par une société de solutions digitales pour “une mise à jour de [s]on TPE ou l’ajout d’une application”. Réaction du chef des Chais d’Haussmann, à Cestas (Gironde) : “Commissionner le bon travail de mon personnel est injuste, voire intolérable. Les pourboires étant non imposables, ces pratiques devraient être proposées gratuitement aux restaurateurs, pour les fidéliser et offrir un plus à leur personnel.” Depuis le 1er janvier 2022, les pourboires versés par carte bancaire aux serveurs sont exonérés d’impôt et de charges sociales. Un dispositif qui se voulait attractif, mais qui, sur le terrain, ne fait pas l’unanimité. Enquête. ÉDITO Libérer les pourboires Le code de la Sécurité sociale prévoit que les pourboires perçus par les salariés constituent un élément de salaire et sont par conséquent soumis aux cotisations et contributions sociales. Ils doivent aussi être déclarés par le salarié au titre de l’impôt sur les revenus. En pratique, ces sommes d’argent versées en espèces aux salariés ne sont quasiment jamais déclarées et donc non soumises à cotisations. Mais, aujourd’hui, le paiement des additions se fait majoritairement par carte bancaire (lire p. 2-4). Le client qui veut montrer sa satisfaction au serveur arrondit la note payée par carte, pour laisser un pourboire. Alors que cette pratique se développe de plus en plus, rien n’était prévu dans les textes, et cet état de fait pouvait même se retourner contre le restaurateur. Les pourboires versés par carte bancaire étaient automatiquement intégrés au chiffre d’affaires de l’établissement et devaient alors être déclarés. À la demande des organisations professionnelles du secteur des CHR, le Gouvernement a mis en place, dans la loi de finances pour 2022, un dispositif prévoyant l’exonération de charges et d’impôt des sommes remises volontairement au cours des années 2022 et 2023, soit directement aux salariés soit à l’employeur, et reversées par ce dernier au personnel en contact avec la clientèle. Cette mesure n’est valable que deux ans, car elle n’a pas été reconduite dans la loi de finances pour 2023. En outre, l’administration n’a pas publié de texte quant aux modalités pratiques de la déclaration de ces sommes d’argent, notamment en matière de déclaration sociale nominative (DSN), laissant les entreprises dans l’incertitude. 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