L'Hôtellerie Restauration No 3788

Comment envisagez-vous de réagir face aux potentielles coupures d’électricité ? Il va encore falloir s’adapter. Je vais demander à mes équipes de travailler après le service du midi jusqu’à 18 heures et reculer l’arrivée des clients, puis remettre en route quand l’électricité reviendra… Comment les clients vont-ils réagir ? Cela veut dire que nos collaborateurs vont finir plus tard également. Je me pose beaucoup de questions. Ce qui est sûr, c’est que cela va beaucoup moins gêner l’industrie que l’artisanat. Les préparations, les sauces, les cuissons, c’est ce qui fait la beauté de notre métier mais qui demande du temps et de l’énergie qu’elle soit humaine, électrique ou au gaz… On entend le Gouvernement dire qu’il ne faut pas brandir la peur. Mais comment on fait ? Combien va-t-il y avoir de coupures ? Est-ce une réalité ? Une coupure de 18 à 20 heures, c’est une perte de chiffre d’affaires catastrophique. En parallèle, on devra faire face à la hausse des prix des produits. On a la fragilité induite par le passé et la menace de fermetures ponctuelles en fonction des délestages. Que pensez-vous du bouclier énergétique ? Il s’adresse aux entreprises de moins de 10 salariés avec un chiffre d’affaires de moins de 2 M€, or dans les restaurants gastronomiques, par exemple chez moi, quand on est 30 pour 45 couverts… Le bouclier énergétique n’est pas fait pour nous. Mais l’État a un rôle important à jouer dans la crise énergétique. Il doit agir s’il veut que les entreprises continuent à exister dans la restauration, dans les métiers de bouche et autres. Crise énergétique : lire aussi p. 12 et 18 nos horaires de fonctionnement. Alors, qu’est-ce qu’on fait ? La multiplication par quatre du prix l’électricité va, dans le meilleur des cas, manger notre marge et, dans le pire, on va fonctionner à perte. Augmenter les prix ? Je l’ai fait à la rentrée pour conserver un minimum de rentabilité. On a également revalorisé les salaires, fermé une demi-journée de plus – soit 3 jours en tout -… J’ai aussi limité l’offre. Je ne fais plus de carte, seulement des menus. Tout cela permet d’améliorer les conditions de travail, mais on n’a pas beaucoup de leviers. Et derrière, il y a cette inflation qui se ressent sur le coût des produits. Mais on ne peut pas continuer à augmenter les prix ! Notre modèle économique est précaire. Ce métier est difficile à réaliser dans les conditions économiques actuelles. La fragilisation de notre système remonte à quelque temps maintenant et on ne voit pas le bout du tunnel. C’est alarmant. Il faut un sacré courage pour se lancer aujourd’hui. “Avec les grèves, les gilets jaunes, le Covid, la sécheresse, la guerre en Ukraine, mon établissement est en survie depuis trois ans, et seulement grâce aux aides de l’État. Pour fidéliser mes équipes, j’ai décidé de fermer le week-end, je suis passé de 100 à 60 couverts par jour depuis le Covid, j’ai pris des mesures pour économiser suite à l’augmentation des matières premières… Et maintenant, je suis confronté à des augmentations énormes des tarifs de l’énergie. Ce cumul est épuisant. J’ai reçu une lettre de mon fournisseur il y a quinze jours, qui m’indique une hausse de 400 % en heures pleines hiver, et 250 % en heures creuses hiver. Pour l’été, ce sera + 300 % en heures pleines et creuses. Si l’augmentation est la même pour le gaz, cela représente 80 000 € d’énergie en plus ! C’est la mort programmée. Je ne m’imaginais pas qu’une telle augmentation soit possible. Pour l’absorber, il faudrait que j’augmente le prix des chambres de 15 €, alors qu’elles sont enmoyenne à 70 €, et les repas de 5 à 6 €. Sur une formule du midi à 12 €, c’est impensable ! Je ne sais pas quoi faire à l’heure actuelle.” Une question, un commentaire sur cet article ? www.lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR7873005 Dans son nouveau restaurant Otto, à Paris, Éric Trochon a opté pour le tout électrique à l’exception d’un barbecue à charbon de bois. “Ce qui consomme le plus dans un restaurant, c’est le fourneau. Personnellement, j’aime la précision de cuisson que permet l’induction. J’ai donc choisi un fourneau à induction à 4 zones indépendantes qui permet de les allumer séparément et se l on les besoins. Il est intéressant de regarder la consommation d’électricité, poste par poste. Cela permet de réaliser certaines tâches au tarif heures creuses. Par exemple, le nettoyage des fours est programmé la nuit. Tous les fonds de sauce et les sautés se font aussi la nuit.” Le chef est aussi très attentif à la consommation d’eau : “J’ai mis des réducteurs de pression sur tous les robinets, y compris dans les sanitaires. Il faut vérifier les joints et être vigilant à la moindre fuite, même le simple goutte-à-goutte d’une chasse d’eau peut coûter très cher. Je demande aussi de toujours bien fermer l’eau.” “Regarder la consommation d’électricité, poste par poste” Éric Trochon, Solstice et Otto à Paris “Avec 80 000 € d’énergie en plus, c’est la mort programmée” Gérard Vincent, Hôtel de la Barque, Beaumont-sur-Sarthe (Sarthe) Nadine Lemoine Michel Sarran Il faut faire preuve de résilience dans une période qui dure depuis maintenant trois ans entre les mouvements sociaux, le Covid, la guerre en Ukraine et maintenant l’inflation, la hausse du prix de l’énergie…” 5 23 décembre 2022 - N° 3788 L’Hôtellerie Restauration L’Hôtellerie Restauration : Avez-vous subi des hausses du prix de l’énergie ? Michel Sarran : J’ai une cuisine complètement électrique. Mes tarifs vont être multipliés par 3 ou 4. Et en même temps, on nous explique qu’il faut rouler électrique, on voit un pays qui organise une coupe du monde en climatisant des stades, avec une consommation électrique incroyable ! À moi, on me dit que l’on va augmenter les prix de l’électricité avec la possibilité de coupures à des heures qui correspondent à Crise énergétique > vos témoignages ÉNERGIE Michel Sarran : “Une coupure d’électricité de 18 à 20 heures, c’est une perte de chiffre d’affaires catastrophique” • Facture EDF : quels sont les dispositifs existants pour diminuer la facture • Hausse des coûts de l’énergie : quels recours envisager ? • Aides au paiement des factures de gaz et d’électricité • La checklist énergie : 10 questions à se poser sur son contrat et sa facture... Retrouvez tous nos articles sur le sujet avec le #energie #ENERGIE © DR © DR © DR TOULOUSE Délestage et coupures envisagées, hausse des factures, bouclier tarifaire… Le chef toulousain a répondu à nos questions sur la crise énergétique.

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