Marie-Lorna Vaconsin : “Pour réussir dans l’entreprenariat, il faut que la flamme soit vive” Les Maîtres cuisiniers de France, ou comment transmettre l’excellence Marie-Lorna et Florence Vaconsin se sont lancées dans la restauration par passion et sont aujourd’hui à la tête de trois adresses : Marcello, le Steam Bar et le Blueberry, à Paris. Aléas, difficultés, revers... Marie-Lorna Vaconsin revient sur son expérience et donne quelques conseils pour se lancer dans l’entreprenariat. L’association multiplie les initiatives pour perpétuer l’excellence auprès des jeunes et fournir des clés pour la restauration de demain. L’Hôtellerie Restauration : Vous êtes aujourd’hui à la tête de trois établissements avec votre sœur alors qu’à l’origine, vous ne vous destiniez pas à ce secteur. Entreprendre dans la restauration, est-ce une vraie passion pour vous ? Marie-Lorna Vaconsin : Oui et je pense que si ça n’avait pas été une passion, nous n’aurions pas pu surmonter les aléas, les difficultés et tous les revers que nous avons rencontrés. C’est grisant d’imaginer et de créer un lieu : la plupart des gens que je croise ont déjà une idée de ce qu’ils feraient si, un jour, ils ouvraient leur restaurant. Ce qui est beaucoup plus difficile, c’est de confronter son rêve au prisme de la réalité - économique, administrative, sociale, écologique, etc. - et pour réussir ce parcours du combattant, il faut vraiment que la flamme soit vive ! Quels conseils donneriez-vous à quelqu’un, non issu du secteur, qui souhaite se lancer ? • Ne pas avoir peur d’être débutant, tout s’apprend. • Prendre son temps au moment des travaux. Savoir que ce sont les travaux invisibles qui comptent le plus sur le long terme : l’électricité, la circulation de l’air, la plomberie, l’évacuation des matières grasses... • Prendre le temps de réfléchir : en quoi le restaurant qu’on s’apprête à ouvrir sera différent des autres déjà existants ? Cherchez ce qui fera sa singularité, sa valeur ajoutée. Sinon, il ne sera qu’un établissement parmi d’autres. Parfois, cela peut suffire, mais cela ne permet pas de passer le cap des grosses difficultés. Quels sont les écueils à éviter, selon vous, quand on se lance dans l’entreprenariat ? Le pire écueil est d’avoir peur de se tromper. Il faut accepter, d’emblée, que l’on va commettre beaucoup d’erreurs. Le fait d’être préparé psychologiquement permet de regarder ses erreurs en face et donc, de les corriger plus vite. Quand une erreur se solde par la perte de plusieurs dizaines de milliers d’euros, voire plusieurs centaines, on s’en veut tellement que cela peut être difficile de prendre du recul et comprendre d’où vient l’erreur. Il arrive même que l’on fasse l’autruche, ce qui fait perdre un temps précieux. C’est ce qui nous est arrivé à l’ouverture de Marcello. À l’origine, notre rêve était de créer un lieu capable du grand écart : offrir aux clients la liberté que permet un grand restaurant tout en conservant l’âme d’un petit. Nous faisions tout minute, tout maison, de 8 heures du matin à minuit, en continu, et tout le monde pouvait tout commander à toute heure. C’était génial pour les clients mais, financièrement, c’était dur : couvrir toutes ces plages horaires, et notamment les heures creuses, nécessitait une masse salariale trop importante. Nous perdions donc pas mal d’argent mais nous ne voulions pas renoncer à un mode d’exploitation qui nous faisait rêver. Et les clients étaient tellement contents que nous étions sûres que ça allait finir par devenir rentable. Et le Covid a été comme une claque. Le confinement nous a forcées à revoir instantanément notre fonctionnement pour ne pas sombrer. Finalement, cela a été salutaire : l’entreprise marche beaucoup mieux avec une exploitation plus classique. En 2017, dans nos colonnes, vous aviez évoqué les difficultés liées au fait d’être entrepreneur : “Le management ce n’est pas inné et c’est pourtant la clé.” Avez-vous suivi des formations ? Quels sont les principaux enseignements que vous avez retenus ? D’abord, nous avons beaucoup échangé avec les gens du métier. Ce qui n’est pas toujours facile parce que tout le monde a son idée de ce qu’il faut faire pour être un bon dirigeant. Il faut donc apprendre à trier, savoir ce qui résonne ou pas avec son instinct. Ce n’est pas avec des préceptes généraux préétablis par les gens du métier que l’on manage, mais avec qui l’on est. Ce qui nous a le plus aidées, c’est de travailler avec une coach en management. Elle nous a appris à mieux nous connaître, à définir notre vision à long terme, à construire un cadre, le faire appliquer, à séparer notre rôle de dirigeantes de notre personne. Qu’est-ce qu’un bon manager en 2023 ? C’est quelqu’un qui sait poser les bonnes questions et qui n’a pas peur d’écouter les réponses, en les écoutant vraiment. Il doit savoir lire son équipe, comme un capitaine de bateau sait lire la mer et la météo. Surtout, un bon manager, et pas seulement en 2023, c’est quelqu’un qui montre l’exemple. Une question, un commentaire sur cet article ? lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR073710 © LISA KLEIN MICHEL © DR Le confinement nous a forcées à revoir instantanément notre fonctionnement pour ne pas sombrer.” Marie-Lorna Vaconsin En avril prochain, les Maîtres cuisiniers de France ouvriront les inscriptions pour la 69e édition du concours du meilleur apprenti cuisinier de France. “Notre objectif est de transmettre le savoir par l’apprentissage et de mettre en avant les valeurs des Maîtres cuisiniers de France : la recherche de l’excellence, la perfection du geste et le dépassement de soi”, explique le président de l’association, Christian Têtedoie. Autant de valeurs qui, aujourd’hui, ne sont pas si faciles à défendre. “Le goût du travail n’est pas forcément très populaire actuellement… Mais j’espère que l’être humain réalisera que le travail n’est pas un gros mot et qu’il peut permettre de s’élever. C’est par l’effort que l’on devient un grand chef. Heureusement, il y a toujours des jeunes extrêmement motivés, des compétiteurs nés”, poursuit-il. Depuis quelques années, le concours a évolué pour s’adapter aux jeunes générations. Les candidats doivent désormais réaliser un thème signé par “un parrain vivant” (Michel Roth, Georges Blanc ou encore Marc Haeberlin). “Les jeunes avaient du mal à interpréter de grands classiques de la cuisine française. Ces recettes plus créatives les intéressent plus”, observe Christian Têtedoie. Forger des vocations En parallèle, les chefs de l’association organisent des ateliers pour les enfants de 8 à 14 ans afin de susciter des vocations, accueillent des apprentis dans leurs établissements, et s’investissent au niveau de la formation. “87 chefs ont répondu à l’appel pour donner des cours magistraux dans le premier CFA de la gastronomie que j’ai créé à Lyon en septembre dernier, note Christian Têtedoie. Cette formation donne notamment les clés pour la restauration de demain, en abordant des sujets comme le retraitement des déchets ou le sourcing. Cela répond aux attentes des jeunes, qui veulent donner du sens à leur engagement.” Florence et Marie-Lorna Vaconsin sont à la tête de trois établissements qu’elles ont créés à Paris. 5 31 mars 2023 - N° 3795 L’Hôtellerie Restauration Christian Têtedoie préside l’association des Maîtres cuisiniers de France. Une question, un commentaire sur cet article ? lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR773866 Romy Carrere Violaine Brissart
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