L'Hôtellerie Restauration No 3799

15 26 mai 2023 - N° 3799 L’Hôtellerie Restauration EMPLOI Pénurie de personnel : la charge mentale de l’incompétence La pénurie de personnel dans les CHR est telle que les employeurs doivent baisser leurs exigences, quitte à embaucher, en pleine connaissance de cause, du personnel n’ayant pas les compétences requises. Un non-choix épuisant pour les équipes en place. Une question, un commentaire sur cet article ? lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR274107 Une question, un commentaire sur cet article ? lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR674200 “L’incompétence peut se convertir en compétence avec du temps et des efforts, mais pas le ‘je-m’en-fichisme’. Le problème est surtout en salle, moins en cuisine. Cette absence de conscience professionnelle concerne toute la société. J’ai fait rénover une chambre de l’hôtel. L’électricien a trouvé le moyen d’oublier la terre !”, regrette Brice Sannac, de l’hôtel des Elmes, à Banyuls-sur-Mer (PyrénéesOrientales). “J’ai créé un poste de responsable qui survole toute notre organisation et libère les chefs de secteur en salle et cuisine, mais aussi l’assistante de direction qui avait la mission de vérifier la qualité du travail. Quand on passe son temps à surveiller, on n’avance pas”, ajoute Florence Caruso, du Domaine Les Saules à Favières (Somme). “Je vais envoyer ma responsable de salle en formation pour apprendre à encadrer les personnes peu impliquées. Elle s’épuise de devoir tout répéter 50 fois !”, déplore Jimmy Vialle, brasserie Le Questel à Nîmes (Gard) et délégué restaurateurs de l’Umih 30. Simplification des tâches “Je simplifie les tâches au maximum pour limiter les négligences : plus de tableaux aux murs, car ils sont toujours penchés, plus de rideaux, de nappes mal posées. Les couverts sont sur table pour ne pas être oubliés. Je fais appel à une entreprise de ménage pour assurer la qualité du nettoyage. Il n’y a plus de finition, de perfection. Je mets des choses statiques qui préservent des interventions malheureuses”, liste Catherine Delacoute, du Lancelot à Chilleurs-aux-Bois (Loiret). “Si la jeunesse exprime un tel manque d’enthousiasme, il faut tenter de comprendre pourquoi. Les jeunes ne sont plus comme nous. Ils ne sont pas à cheval sur les horaires. Ils ont besoin de confiance et de respect. À l’inverse, l’excès de compétence peut aussi être un problème. Nous en avons été témoins avec une cadre trop exigeante. Elle était dans la menace. Elle a fait fuir notre équipe. Il faut bien doser les choses. L’Umih formation a des coachs qui apprennent à manager, à savoir motiver ses équipes. J’ai eu une apprentie incontrôlable, avec des problèmes de santé et de famille. Nous l’avons comprise, aidée. Elle est devenue notre meilleure employée”, positive Nathalie Baudoin, de l’Hôtel du glacier à Orange (Vaucluse). L’incompétence est une source de stress et de travail additionnel pour les cadres et managers. “L’incompétence peut être recherchée car elle est un outil de domination”, envisage Isabelle Barth, professeure en management à l’université de Strasbourg, qui achève un ouvrage sur ce thème. “Je me méfie des plaintes des patrons. On n’apprend pas la même chose à un étudiant hôtelier et à un autodidacte. Dire ‘Je veux un service impeccable’, ne veut rien dire. Il faut du sens. L’incompétence est un formidable moyen de se remettre en question, de réviser des schémas rigides. Si l’employé est volontaire, il peut apprendre, s’il refuse de progresser, il doit être réorienté à un autre poste. Je cite souvent à mes élèves le film Jour de fête. L’histoire d’un traiteur entouré de nuls absolus qui, dans un véritable capharnaüm, va parvenir à réussir sa réception avec brio. C’est une véritable contextualisation des surprises que peut réserver l’incompétence”, analyse l’enseignante agrégée. L’incompétence, un fléau dans les CHR ? Metro France renouvelle l’opération Place à l’emploi Dans une lettre ouverte adressée à l’AMF, l’AMRF, les Villes de France, l’APVF, le Sénat, Pôle emploi, CCI France, CMA France, le ministre du Travail et le ministre de l’Économie, Metro France, l’Umih et le GHR proposent aux Pôles emploi, aux maires de France, et à l’ensemble de ces institutions d’organiser à nouveau sur les 99 halles Metro France des salons de l’emploi dédiés à la restauration, aux cafés et bars jusqu’en septembre prochain. Lancé pour la première fois en 2022, l’initiative Place à l’emploi a permis de proposer 3 484 offres d’emploi dans toute la France. Fort de ses 99 halles implantées dans toute la France, Metro France et ses 9 000 collaborateurs, en lien avec l’Umih et le GHR, expriment une fois de plus leur soutien à la profession en apportant une solution concrète. L’enseigne conforte sa position d’acteur majeur du secteur de la restauration hors foyer et confirme ainsi sa proximité avec les restaurateurs. François Pont Isabelle Barth, professeure à l’Université de Strasbourg. Les démissions montent en flèche Le secteur de l’hébergementrestauration est le plus touché par le nombre croissant de démissions. Un phénomène qui s’explique par un taux de chômage en baisse, mais aussi par l’ennui au travail. Selon le ministère du Travail, 472 617 démissions de CDI ont été recensées au dernier trimestre de 2022, contre 387 847 trois ans plus tôt. Si l’Hexagone n’a pas connu la grande démission à l’américaine, dans une moindre proportion, le nombre de démissions y est très supérieur aux chiffres d’avant l’épidémie de Covid-19. L’hôtellerie-restauration est le secteur le plus touché, avec un taux de démission de 31,2 %, contre 27,7 % en 2019. C’est aussi l’activité qui a enregistré la plus forte hausse de démissions, soit + 3,5 points en trois ans. Gare à l’ennui Cette tendance générale est liée à l’évolution du taux de chômage, qui a atteint 7,2 % au quatrième trimestre 2022. Un taux inférieur d’un point par rapport à son niveau d’avant la crise sanitaire. Autre facteur : l’ennui qui s’invite de plus en plus dans la vie professionnelle des Français. D’après une enquête menée par QAPA (la solution digitale d’Adecco), 76 % des Français interrogés jugent leur travail ennuyeux en 2023, contre 63 % en 2019. Parmi les personnes sondées, 44 % trouvent leur métier sans intérêt, contre 29 % en 2019. Enfin, plus de 56 % préféreraient ne pas s’ennuyer au travail, quitte à avoir un salaire plus bas, contre 54 % en 2019. Violaine Brissart Plus de 56 % des Français interrogés préféreraient ne pas s’ennuyer au travail, quitte à avoir un salaire plus bas. © GETTYIMAGES

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