40 L’Hôtellerie Restauration N° 3809 - 13 octobre 2023 SECRETS DE CHEF Bruno Oger : “Ma cuisine est une diagonale entre la Méditerranée et la Bretagne” L’Hôtellerie Restauration : Quel regard portezvous sur votre parcours ? Bruno Oger : J’ai eu la chance de croiser la route de Georges Blanc. J’avais 19 ans : je suis allé le voir à Vonnas, alors qu’il y avait deux ans d’attente pour travailler chez lui. Je lui ai dit : “Engagez- moi sans me payer pendant six mois”… Il a accepté. J’ai fait un prêt bancaire, j’étais déterminé et je suis passé par la meilleure des écoles. Ensuite, il m’a envoyé à Bangkok, dans un restaurant qui cherchait un chef célibataire de 30 ans, polyglotte. J’avais 23 ans, j’étais marié et je ne parlais pas un mot d’anglais, mais j’étais prêt à beaucoup pour le représenter en Thaïlande. À mon retour, quatre ans plus tard, il m’a pris dans sa brigade à Vonnas : mon vœu de gosse était exaucé. L’autre grande rencontre, c’est avec Diane Barrière en 1995. En m’engageant au Majestic à Cannes, elle m’a dit : “Je veux un restaurant étoilé !” Nous avons décroché la première étoile en un an et demi, puis la deuxième en 2005. Cette expérience m’a fait comprendre que monter en gamme, c’est garder un petit endroit destiné à la gastronomie. En 2000, au Majestic, La Villa des lys n’avait que 11 tables et je n’en ai que 10 à La Villa archange. Pourquoi avoir choisi Le Cannet pour ouvrir votre propre restaurant, plutôt que Cannes et son bord de mer ? LE CANNET Le chef doublement étoilé a ouvert, dans une même bastide, La Villa archange et le Bistrot des anges. Formé aux côtés de Georges Blanc, il se dit “aubergiste moderne” et rêve de transmettre ses deux restaurants à son équipe. Je voulais rester dans la région, car j’aime sa luminosité et le soleil même l’hiver… J’ai donc regardé le foncier à Cannes, mais c’était exorbitant. Des propositions sont arrivées, dont celle de la mairie du Cannet, qui me proposait un domaine à 5 minutes de route de Cannes, avec un bail emphytéotique de 70 ans. J’ai dit oui. Et c’était parti pour un an de chantier – je faisais des barbecues pour les ouvriers ! – et un investissement de 3 millions d’euros en solo. Car la liberté a un prix. Comment définissez-vous votre identité culinaire aujourd’hui ? C’est une diagonale entre la Méditerranée et la Bretagne. Avec du beurre demi-sel qui vient de la ferme Nevannen dans le Morbihan, un traou mad en fin de repas et, bien sûr, des ormeaux, le produit identitaire de la carte. Ma cuisine, c’est l’iode, la mer, les salicornes marinées dans un jus de coquillages, les langoustines, du turbot… le tout associé au Sud. Deux fois par semaine, un fournisseur de fruits, légumes, herbes… gare son camion dans la cour du restaurant. Il ouvre les portes de son véhicule et je me sers. Ce n’est pas toujours calibré, ce n’est pas grave : l’important c’est le goût. Ensuite, derrière les fourneaux, on fait une cuisine technique, sans le montrer dans l’assiette. Avec mon bras droit, Jacques Di Guisto, et le chef pâtissier, on pré- “Pour avoir une maison de caractère, le chef doit être présent”, confie Bruno Oger. Anne Eveillard La terrasse ombragée, du Bistrot des anges, loin du tumulte cannois. © LA PHOTOGRAPHE SUCRÉE SALÉE © ANTHONY LANNERETONNE
RkJQdWJsaXNoZXIy ODk2OA==