L'Hôtellerie Restauration No 3810

L’Hôtellerie Restauration : Votre sœur et vous êtes aujourd’hui à la tête de trois établissements, alors que vous ne vous destiniez pas à travailler dans ce secteur. Entreprendre dans la restauration, est-ce une vraie passion ? Marie-Lorna Vaconsin : Oui, et je pense que si ça n’avait pas été une passion, nous n’aurions pas pu surmonter les difficultés que nous avons rencontrées. C’est bien sûr grisant d’imaginer et de créer un lieu. Ce qui est beaucoup plus difficile, c’est de confronter son rêve au prisme de la réalité - économique, administrative, sociale, écologique… - et pour réussir ce parcours du combattant, il faut vraiment que la flamme soit vive ! Quels sont les écueils à éviter quand on se lance dans l’entreprenariat ? Le pire, c’est d’avoir peur de se tromper. Il faut accepter, d’emblée, que l’on va commettre beaucoup d’erreurs. Le fait d’être préparé psychologiquement permet de regarder ses erreurs en face et donc, de les corriger plus vite. Quand une erreur se solde par la perte de dizaines de milliers d’euros, voire centaines, on s’en veut tellement que cela peut être difficile de prendre du recul et comprendre d’où vient l’erreur. C’est ce qui nous est arrivé à l’ouverture de Marcello. À l’origine, notre rêve était de créer un lieu capable du grand écart : offrir aux clients la liberté que permet un grand restaurant tout en conservant l’âme d’un petit. Nous faisions tout minute, tout maison, de 8 heures du matin à minuit, en continu, et tout le monde pouvait tout commander à toute heure. C’était génial pour les clients mais, financièrement, c’était dur : couvrir toutes ces plages horaires, et notamment les heures creuses, nécessitait une masse salariale trop importante. Nous perdions donc beaucoup d’argent, mais nous ne voulions pas renoncer à un mode d’exploitation qui nous faisait rêver. Et les clients étaient tellement contents que nous étions sûres que ça allait finir par devenir rentable. Le covid a été comme une claque. Le confinement nous a forcées à revoir instantanément notre fonctionnement pour ne pas sombrer. Et finalement, cela a été salutaire : l’entreprise marche beaucoup mieux avec une exploitation plus classique. Il nous aura fallu une pandémie mondiale pour l’admettre. Aujourd’hui, seul vestige de l’ancien système, Marcello reste ouvert en continu le samedi et le dimanche. En 2017, dans nos colonnes, vous aviez dit : “Le management, ce n’est pas inné et c’est pourtant la clé”. Pourriez-vous nous expliquer le travail que vous avez mené à ce moment-là ? D’abord, nous avons beaucoup échangé avec les gens du métier. Ce qui n’est pas toujours facile, parce que tout le monde a son idée de ce qu’il faut faire pour être un bon dirigeant. Il faut donc apprendre à trier, savoir ce qui résonne ou pas avec son instinct. Ce n’est pas avec des préceptes généraux pré-établis par les gens du métier que l’on manage, mais avec qui on est. Au final, ce qui nous a le plus aidées, c’est de travailler avec une coach en management. Elle nous a appris à mieux nous connaître, à définir notre vision à long terme, à construire un cadre, le faire appliquer, à séparer notre rôle de dirigeantes de notre personne. Qu’est-ce qu’un bon manager en 2023 ? C’est quelqu’un qui sait poser les bonnes questions et qui n’a pas peur d’écouter les réponses, en les écoutant vraiment. Il reste ouvert et doit savoir lire son équipe comme un capitaine de bateau sait lire la mer et la météo. Et surtout, un bon manager, c’est quelqu’un qui montre l’exemple. Travailler en famille, est-ce facile ? Comment se répartit-on les rôles ? C’est à la fois génial et assez difficile. Génial, parce que la confiance est absolue. Difficile, parce qu’il nous a fallu réapprendre à nous parler, presque à nous connaître. Aujourd’hui, après quinze ans d’association, nous sommes conscientes de nos travers, de nos réflexes et de nos forces respectives. Notre chance est que, étant très différentes, presque opposées, nous avons des champs d’action complémentaires. Florence s’occupe de la technique, de la partie financière et tient la rigueur du cadre culinaire. Moi, je m’occupe de la communication, des ressources humaines et du management. En 2022 vous avez signé une tribune contre les réservations non honorées (les no shows) au restaurant. Quelle est votre stratégie pour lutter contre cette pratique ? Chez Marcello, nous avons mis en place un système d’empreinte bancaire pour les soirs de grande affluence et pour les grandes tables. Cela complexifie évidemment la prise de réservation et cela mécontente certains habitués. Nous avons d’ailleurs hésité à maintenir le système. Mais les no shows ont tellement diminué que cela nous semble être le futur. D’ailleurs, cette pratique se répand dans beaucoup d’établissements désormais. Marie-Lorna Vaconsin : “Pour réussir dans l’entreprenariat, il faut que la flamme soit vive” Retrouvez l’intégralité de l’article lhotellerie-restauration.fr/QR/RTR073710 Les sœurs Marie-Lorna et Florence Vaconsin se sont lancées dans la restauration par passion et sont aujourd’hui à la tête de trois adresses bien différentes : Marcello, le Steam Bar et le Blueberry, à Paris. Aléas, difficultés, revers... Leur expérience permet à MarieLorna Vaconsin de nous donner ses conseils pour se lancer dans l’entreprenariat et sa vision du management. 19 27 octobre 2023 - N° 3810 L’Hôtellerie Restauration Romy Carrere © LISA KLEIN-MICHEL 3 conseils avant de se lancer dans l’entreprenariat Ne pas avoir peur d’être débutant, tout s’apprend. Parfois, le fait d’être un outsider permet de garder l’esprit plus ouvert que les autres. Prendre son temps au moment des travaux. Savoir que ce sont les travaux invisibles qui comptent le plus sur le long terme : l’électricité, la circulation de l’air, la plomberie, l’évacuation des matières grasses. Prendre le temps de réfléchir : en quoi le restaurant qu’on s’apprête à ouvrir sera différent des autres déjà existants ? Cherchez ce qui fera sa singularité, sa valeur ajoutée. Sinon, il ne sera qu’un établissement parmi d’autres. Parfois, cela peut suffire, mais cela ne permet pas de passer le cap des grosses difficultés. 1 2 3 Florence et Marie-Lorna Vaconsin sont à la tête de trois établissements qu’elles ont créés ensemble à Paris. RETOUR D’EXPÉRIENCE

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