L'image de l'amphithéâtre tourné vers la Méditerranée est souvent utilisée pour décrire la géographie du Languedoc-Roussillon, dont la partie haute des 'gradins' s'appuierait (du nord au sud) sur les Cévennes, les Corbières et les Pyrénées. Cette double identité, entre mer et montagne, influence jusqu'aux plans de carrières des professionnels de l'hôtellerie et de la restauration. Laurence Palmowski est bien placée pour le savoir, puisqu'elle est DRH du groupe Rousill'hotel, regroupant 11 hôtels (500 chambres) et 12 restaurants. Un groupe hôtelier à l'identité très régionale, originaire des Pyrénées-Orientales, qui s'est imposé sur le segment de l'hôtellerie haut de gamme et de bien-être, et qui emploie en pleine saison estivale jusqu'à 400 personnes. "Nous recrutons beaucoup de candidats qui ont fait le choix de travailler en tant que saisonniers tout en restant dans la région, l'été sur la côte et les établissements de plage, l'hiver dans l'arrière-pays et les stations de ski", commente Laurence Palmowski : "C'est l'un des avantages du Languedoc-Roussillon, pour ceux qui privilégient ce type d'organisation du travail, notamment en début de carrière."
"Compte tenu de la montée en gamme de la région au niveau de la restauration, l'activité saisonnière peut être une très bonne façon d'entrer dans le métier, confirme le patron du groupe Roussill'hotel, Xavier Lormand. En ce sens, la région ouvre de nombreuses opportunités aux jeunes qui débutent." L'émergence d'une hôtellerie haut de gamme dans la région a même suscité des vocations étonnantes, comme celle de Miguel Espada. Ce Biterrois, qui a fait fortune dans la finance en Asie, est revenu sur sa terre natale pour investir également dans l'hôtellerie de luxe. Ainsi est né le groupe Garrigae, regroupant déjà quatre établissements d'excellence en Languedoc-Roussillon.
Une région carrefour
Comme dans le segment hôtelier, l'amélioration des standards gastronomiques régionaux ouvre de nouvelles perspectives pour les professionnels de la cuisine en Languedoc-Roussillon. Les meilleurs exemples en sont Gilles Goujon (3 étoiles Michelin à L'Auberge du Vieux Puits, à Fontjoncouse, dans l'Aude) et les frères Pourcel (2 étoiles au Jardin des Sens, à Montpellier). À 42 ans, Pascal Borrell a un parcours qui témoigne de la liberté d'expression dont peuvent profiter aujourd'hui les chefs de la région. Après avoir obtenu sa première étoile Michelin en 2001 au Chapon Fin, dans sa ville de Perpignan, le chef a quitté la capitale catalane pour s'installer dans vallée de l'Agly, au restaurant la Maison du Terroir de Maury, où il a récupéré son étoile en appliquant un concept novateur en Languedoc-Roussillon : La Maison du Terroir n'est pas seulement un restaurant gastronomique; c'est aussi la vitrine des vins de Maury (une centaine de références en vente). "J'ai tout simplement suivi l'exemple de Paul Bocuse, à Lyon, avec les vins des côtes du Rhône et du Beaujolais, en proposant une cuisine raffinée qui s'accorde avec la finesse et la diversité des vins de Maury", explique Pascal Borrell. Le chef catalan profite aussi de son implantation au carrefour de l'Ariège, de l'Espagne et de la Méditerranée pour attirer une clientèle très hétéroclite.
Le Languedoc-Roussillon est également un "carrefour de producteurs", pour reprendre l'expression de Matthieu de Lauzun (restaurant M de Lauzun), installé à Gignac, dans l'Hérault : "C'est une région où l'on peut tirer le meilleur parti à la fois de la mer et de la montagne; on peut donc profiter à la fois de l'influence culinaire méditerranéenne, mais également de la richesse du terroir aveyronnais, par exemple, avec ses caractéristiques culinaires un petit peu roborative." Et, sans doute, cette spécificité a-t-elle aidé le jeune chef à obtenir sa première étoile Michelin en 2008... Tout comme il aura profité de l'un des segments qui a le plus évolué - en mieux - depuis quelques décennies en Languedoc-Roussillon : le vin. Pour Georges Gracia, maître sommelier au restaurant de l'Hôtel de la Cité à Carcassonne (5 étoiles), le constat est en tout cas très clair : "En tant que sommelier, je ne vois que des avantages à travailler dans cette région, d'abord parce que nous avons ici le plus grand domaine viticole du monde, donc la possibilité de diversifier au maximum notre carte des vins, en ayant un contact direct avec les viticulteurs qui sont implantés à proximité. Nous avons donc la possibilité d'aller visiter nos fournisseurs, en continuant à rester auprès de nos clients dans le restaurant."
Georges Gracia, qui forme aussi les apprentis sommeliers au CFA de Béziers, conseille cependant toujours à ses élèves de se forger une expérience à l'étranger, avant de s'installer dans la région : "Nous avons ici une forte clientèle internationale de Britanniques, Suisses, Belges, Allemands et Hollandais... Il est donc important d'acquérir cette ouverture internationale, avant de trouver sa place en Languedoc-Roussillon."
Publié par Francis MATÉO