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Trois Français dans le vent à Chicago

Restauration - lundi 29 juin 2009 17:23
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Chicago (ETATS-UNIS) Les chefs aiment Chicago et la ville le leur rend bien. L2O, le restaurant de Laurent Gras a été nominé dans la catégorie ‘meilleur nouveau restaurant’ aux James Beard Awards, les ‘Oscars’ de la restauration. Sepia d’Emmanuel Nony est l’un des endroits favoris de Michelle Obama et Jean Joho culmine toujours au sommet de son magistral Everest. Portraits croisés.



Laurent Gras, le chercheur

Si les chefs français sont légion aux États-Unis, Laurent Gras est unique en son genre. Tout d’abord, il y a son blog : celui-ci reçoit 350 000 visites par an. Il le met à jour trois fois par semaine et livre ses recettes comme l'émulsion d'oursins.

Ensuite, il y a son idée incongrue d'ouvrir un restaurant de poisson dans le Midwest, une région célèbre pour sa viande et où il n'a aucune attache. Avec en tête le modèle du Bernardin, l'établissement new-yorkais de référence pour la cuisine de poisson, il ouvre L2O dont le nom est une association de la première lettre de son prénom et de formule chimique de l’eau (H2O).

Laurent Gras aime les équations : Chacun des six plats du menu “tête à tête” (90 $/64 €) consiste en l’addition de deux ingrédients : radis + soja ou crabe “peekytoe” + foie gras. Le menu à 165 $ (118 €) ajoute des variables multiples : 12 plats conçus autour d'un ingrédient principal (saumon, thon, tofu, shimaaji) parcourus d’accents résolument asiatiques. Les poissons sont importés du Japon, d'Hawaï, du Maine (pour le cabillaud) et d'Espagne (poulpe). Le menu à 110 $ (78 €) se divise selon une typologie inattendue : plats crus, tièdes, principaux. Un menu japonais est servi dans une salle baptisée ‘tatami’ où les invités sont assis sur des matelas.

Laurent Gras n'a pourtant jamais travaillé au Japon. Ce diplômé de l’école hôtelière de Nice a en revanche travaillé pour Alain Ducasse, Guy Savoy et Jacques Maximin en France. Puis direction New York en 1997 quand l’occasion se présente rejoindre le Peacock Alley, au Waldorf Astoria. Après l'effondrement des tours en 2001, il change d'air et saisit l'opportunité d’investir le Fifth Floor à San Francisco. De retour à New York quelques années plus tard, il fomente sa révolution : L2O.

Avec un ticket moyen qui avoisine les 220 $ (157 €), L2O semble anachronique en temps de crise. Mais dans le giron de Lettuce entertain you, grand groupe de restaurants basé à Chicago, le restaurant est bien armé pour affronter la tempête. Il vient de fêter son premier anniversaire et s'est imposé dans le paysage gastronomique américain. Depuis le mois d'avril, L2O réalise environ 90 couverts par soirs. “On a passé la crise”, se réjouit Laurent Gras. Qui a dit que Chicago n'était pas une ville pour les amateurs de poisson ?

Emmanuel Nony, locavore renommé

Qui d’autre qu’un Français pour capturer l’esprit de Chicago ? Sepia est un hommage entier à la 'Windy city' ('la ville du vent', NDLR). Le design rappelle son architecture industrielle et la cuisine est faite à base d'ingrédients de la région. Locavore convaincue, Michelle Obama aime y déjeuner.

Au menu, concocté par le chef Andrew Zimmerman : des plats américains comme le Filet de bœuf grillé, cerises, bouillie de semoule de maïs (26 $/18 €) ou encore la Crêpe de poix chiches, pignons et chutney de harissa faite maison 19 $/13,50 €). La viande provient du Michigan, Wisconsin et de l’Iowa et les légumes bio des fermiers du coin.

De Tokyo au Midwest

Costume italien et allure impeccable, Emmanuel Nony est un légionnaire du groupe Hyatt. Pendant seize ans, il arpente l’Asie (le Japon, Hong-Kong et la Corée) pour ouvrir des hôtels Park Hyatt. Après celui de Tokyo (celui où a été tourné le film Lost in translation), direction le Midwest où le groupe l'envoie il y a neuf ans. Avec Sandro Gamba, un ancien chef du Louis XV et de Lespinasse à Washington, ils forment un tandem de choc à Nomi, le restaurant du Park Hyatt Chicago qui ne tarde pas à se tailler une réputation. Cinq ans plus tard, le groupe lui demande d’aller préparer l’ouverture du Park Hyatt de Washington. Mais Emmanuel Nony est entre-temps tombé amoureux de la ville et décide d’y rester.

Il débourse un million de dollars pour retaper une imprimerie en ruines datant de 1890 dont il laisse les briques apparentes. Sepia compte 85 places et un ticket moyen autour de 70 $ (50 €). Avec aujourd’hui 35 employés, Sepia réalise 3,4M $ (2,5 M€) de chiffres d’affaires net par an. Emmanuel Nony pense rentrer dans ses frais en moins de cinq ans. “Mes années d’expériences chez Hyatt m’ont préparé à devenir un entrepreneur”, explique-t-il. Aucun doute sur ce point : avec son compère Andrew Zimmerman, il travaille déjà sur un nouveau concept de restaurant.

Jean Joho, le pilier

Jean Joho n’est pas Jean Georges. Mais les deux hommes ont plus d’un point commun. Tous deux natifs d’Alsace, ils ont affûté leurs premiers couteaux aux trois étoiles LAuberge de l'Ill. Les compatriotes arrivent à la même période aux États-Unis, Jean Georges en 1985 pour ouvrir Lafayette à Boston, Jean Joho en 1984 pour l’ouverture de Maxim’s à Chicago. 1986 marque un tournant dans leurs carrières respectives : Jean Georges se fait remarquer sur la scène gastronomique new-yorkaise avec Lafayette New York tandis que Jean Joho ouvre son restaurant gastronomique, qu’il baptise Everest.

La plus grande carte de vins alsaciens des États-Unis

Situé au 40e étage de la bourse du Chicago Stock Exchange, Everest (également affilié au groupe Lettuce entertain you) porte bien son nom : il offre un surplomb magistral sur la ville. Cette institution de 60 places et un ticket moyen à 120 $/85 € propose une cuisine française traditionnelle avec des accents alsaciens (Foie gras sauté, ananas, gewurztaminer). Jean Joho se targue aussi d’offrir la plus grande carte de vins alsaciens des États-Unis.

Le chef ne se contente pas d’un restaurant amiral. Il a en outre Brasserie Jo à Chicago, une grosse machine qui réalise entre 300 et 600 couverts par jour (Jean Georges avait ouvert une brasserie à New York baptisée Jo Jo). Il possède également une réplique à Boston et le restaurant Eiffel tower à Las Vegas (Paris Hotel & Resort's collection). De l'Everest à la tour Eiffel, aucun doute : Jean Joho aime l'altitude.

Laure Guilbault

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