L'hôtelier américain Servico prend pied en Europe
En ce tout début octobre devait être confirmée l'opération de vente des six hôtels européens du groupe coté à Bruxelles City Hotels à l'américain Servico Inc, basé à West Palm Beach, Floride, présidé par David A. Buddemeyer et coté au New York Stock Exchange (lire L'Hôtellerie n° 2576 du 27 août 1998). Servico jusqu'à cette date s'est refusé à faire connaître son intervention, qui nous a toutefois été confirmée par différentes sources européennes. L'opération annoncée le 6 juillet dernier sous forme de lettre d'intention a été confirmée début septembre par un engagement ferme et devait être dénouée au plus tard le 30 septembre, indiquait City Hotels le 25 août sans préciser alors qui était son interlocuteur. Mais cette intrusion en Europe n'est qu'un aspect d'une politique de croissance par fusion-acquisition extrêmement rapide. Selon un communiqué de Servico publié à l'attention des analystes financiers et actionnaires américains ce 18 septembre, le groupe de Palm Beach s'apprêtait à fusionner avec une autre affaire américaine, Impac Hotel Group, pour former un nouvel ensemble rebaptisé Lodgian, manifestement animé d'intentions de croissance massives. La fusion, indiquait le communiqué du 18 septembre, était encore sujette à des transactions complémentaires susceptibles de la faire échouer. Ce type de communiqué n'est néanmoins publié que lorsque les conversations sont déjà très avancées. Seule une brutale aggravation de la situation de la bourse de New York serait, semble-t-il, susceptible de remettre en cause l'accord. Les porteurs d'actions Impac devaient au départ recevoir 7,4 millions d'actions Lodgian, pour une action Servico pointée à un prix moyen de 14 dollars. Suite à la dégringolade de la cote, Servico a remonté les enchères à 9,4 millions d'actions, plus une soulte en cash de 15 millions de dollars payée en une seule fois aux porteurs d'actions Impac. Cette dernière décision était publiée le 16 septembre.
A la fin septembre, Servico possédait ou exploitait 84 hôtels pour plus de 17.000
chambres dans 24 Etats des USA et au Canada, et employait près de 5.000 personnes. Si
Lodgian voit le jour, et à périmètre constant des deux sociétés fusionnées, la
nouvelle entreprise possédera ou exploitera 137 hôtels soit 26.000 chambres dans 35
Etats américains et au Canada. Si l'opération belge est confirmée, Lodgian pèsera donc
90 hôtels et plus de 27.000 chambres en Amérique du Nord et en Europe (Belgique et
Pays-Bas). La plupart de ces hôtels sont exploités sous des marques connues telles que
Marriott, Doubletree, Holiday Inn, Crowne Plaza, Hilton, Omni, Radisson, Sheraton et
Westin. Les actifs de Lodgian représenteront plus de 1,2 milliard de dollars. Avec 27.000
chambres, Lodgian ne constituera que le dixième du parc d'Accor, ou 4 à 5% du groupe
Cendant, le numéro un mondial. Mais manifestement, ce nouveau challenger est décidé à
jouer un rôle. Lodgian, si cette entité voit le jour, appartiendra à cette catégorie
d'entreprises hôtelières gérantes de patrimoine, avides d'opportunités immobilières
et tournant le dos à la gestion de marques. Momentanément, une stratégie semble
exclusive de l'autre, ces géants travaillant de manière complé-
mentaire. Il n'en sera pas nécessairement ainsi pendant les décennies à venir. Car les
deux types de multinationales ont en commun de savoir gérer et développer un hôtel, et
de savoir mettre en commun des synergies. Un jour ou l'autre, l'équilibre pourrait bien
être rompu.
A. Simoneau asimoneau@lhotellerie-restauration.fr
L'HÔTELLERIE n° 2581 Hebdo 1er Octobre 1998