« Je dois avouer que j'ai longtemps hésité ne
sachant pas si j'avais tort ou raison de m'intéresser à la loi Robien, confie
Patrick Lagrange, p.-d.g. de l'Hostellerie du Chapeau Rouge (hôtel quatre étoiles
comprenant 30 chambres et un restaurant). Et d'ajouter : J'avais cependant un problème
majeur à résoudre rapidement : parvenir à donner deux jours de repos à mes employés
sans mettre en péril mon affaire. » Alors, malgré maintes hésitations, le
responsable de cet établissement, dont la réputation n'est plus à défendre dans la
capitale de la moutarde, s'en va, un dossier béton sous le bras, rencontrer le directeur
départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Résultat de
cette démarche : le 24 avril 1998, une convention d'aménagement et de réduction
collective du travail est finalement signée, réduisant d'environ 10 % la durée du temps
de travail sur la semaine. Et ce sans diminution de salaire.
L'horaire collectif initial, qui était de 39 heures de travail effectif (soit 43 heures
par semaine avec équivalence pour les cuisiniers, 50 heures pour les veilleurs de nuit et
44 heures pour les autres personnels), passe à 35 heures, soit 38,70 par semaine avec
équivalence pour les cuisiniers, 45 heures pour les veilleurs de nuit et 39,50 pour le
reste de l'équipe. « J'avais donc enfin les moyens d'octroyer deux jours de repos à
mes équipes. Sachant qu'en contrepartie, je m'engageais à embaucher au moins 3 postes et
demi en équivalent temps plein », précise Patrick Lagrange. Dans le cadre de la loi
Robien, notre chef d'entreprise bénéficie, en échange de cette création d'emploi,
d'exonérations de charges sociales patronales s'élevant à 40 % la première année et
30 % les six suivantes.
Tableaux trimestriels de dépassements des horaires
Après avoir planché sur la réorganisation interne de son affaire, les embauches sont
réalisées avant le 30 septembre dernier. Pour commencer, un contrat à temps partiel se
transforme en temps complet. Un veilleur de nuit, un apprenti cuisinier, un commis de
restaurant et un deuxième second viennent ensuite grossir les rangs des 38 salariés de
l'Hostellerie du Chapeau Rouge. « Ce dispositif a été une opportunité pour
améliorer les conditions de travail de notre personnel. Il nous a également donné
l'occasion de réfléchir à de nouvelles façons de tra-
vailler », explique volontiers le patron concerné.
Reste que Patrick Lagrange ne cache pas que cet abaissement du temps de travail engendre
un certain nombre de contraintes. « A commencer par la mise en place de tableaux
trimestriels, sur lesquels on doit indiquer les dépassements d'horaires. Ils sont
difficiles à gérer », raconte le patron de l'hôtel-restaurant.
Cela signifie en effet que l'encadrement doit davantage s'impliquer dans la gestion des
horaires. Le jeu en valait toutefois apparemment la chandelle puisque selon le même
p.-d.g., il parvient mieux aujourd'hui à attirer les candidats en leur offrant deux jours
de repos et en leur garantissant la tenue de tableaux d'horaires de compensation. « Je
me dis maintenant que je suis tranquille avec la loi Aubry. J'ai su anticiper à temps. Et
puis, je sais désormais, après quelques mois, que les exonérations de charges sociales
patronales couvrent, sur la première année, le coût supplémentaire généré par les
nouvelles embauches. Globalement, cette opération ne coûtera guère plus de 2 % à 3 %
de la masse salariale ! », conclut sereinement l'intéressé. Il demeure toutefois
persuadé de l'impossibilité d'appliquer une telle mesure à de très petites
entreprises.
«Donner 2 jours de repos à mes employés est sans risque pour mon affaire».
L'HÔTELLERIE n° 2587 Supplément Emploi 12 Novembre 1998