S'il est une langue que les hommes politiques n'ont pas besoin d'apprendre en cours intensifs chez Berlitz, c'est bien celle de la langue de bois ! Ils la pratiquent, naturellement, avec une telle aisance et un tel talent qu'ils frisent constamment l'indécence. Heureusement pour eux, et surtout pour leurs mandats, les Français ne sont pas souvent au fait de la réglementation et ils n'ont pas toujours le loisir de se tenir informés des décisions politiques que le journal de 20 heures n'aurait pas jugé utile de leur présenter. Les électeurs ont la mémoire courte, une chance pour les politiques qui peuvent, à peu de frais, se refaire une "beauté" à chaque consultation électorale.
Les restaurateurs français auront-ils la mémoire courte eux aussi et oublieront-ils de quelle manière ils ont été traités, depuis de nombreux mois, sur le dossier de la baisse de la TVA en restauration ? La colère de Francis Attrazic est légitime ; en toute honnêteté, il avait cru les promesses des hommes politiques ! De droite, comme de gauche, ils sont individuellement, quand on les attaque sur ce dossier, tout à fait d'accord pour trouver légitime la revendication des restaurateurs concernant la baisse de la TVA, à ceci près que, quand ils assument une responsabilité gouvernementale, ils s'abritent derrière la réglementation européenne qui leur a longtemps interdit une telle générosité. Coup de théâtre quand justement l'Europe assouplit sa position, rend la mesure possible et demande aux Etats membres de revoir le dossier. Alors que certains ministres, face aux restaurateurs, avaient pris une position favorable à une baisse de la TVA, à Bruxelles, face aux autres ministres européens, ils retournent leur veste. Et c'est justement du fait du gouvernement allemand et du gouvernement français que la restauration ne peut bénéficier du taux réduit...
La pilule est d'autant plus amère à avaler qu'elle montre avec quelle hypocrisie les politiques ont toujours traité ce dossier. Après avoir mis en avant le coût élevé de la mesure, ils se sont donné les moyens réglementaires de la rejeter à l'heure où les caisses de l'Etat auraient pu la faire aboutir. Ils avaient d'autres choix en tête et ont préféré privilégier le secteur du bâtiment en décidant d'un allégement de la TVA sur les services et réparations à domicile au motif qu'une telle mesure serait censée faire reculer le travail au noir, très important dans ce secteur. Doit-on en déduire que pour voir aboutir leurs revendications, les restaurateurs auraient dû se montrer moins respectueux du Code du travail et pratiquer davantage le travail au noir ?
Aujourd'hui, les politiques sont sereins, le dossier est clos, ils peuvent le rejeter au nom de l'Europe sans scrupule et sans état d'âme, ils pourront continuer à déclarer que personnellement ils sont favorables à une mesure que l'Europe leur interdit !
PAF
L'HÔTELLERIE n° 2629 Hebdo 2 Septembre 1999