Arnaud Daguin
Après un passage à la faculté de Vincennes et à l'Ecole du Cirque d'Annie Fratellini..., Arnaud Daguin s'est finalement retrouvé en cuisine. "Il m'aura sans doute fallu vivre toutes ces expériences pour que l'évidence éclate..." Après les plus belles brigades parisiennes (Maxim's, Le Vert Galant) du début des années 80, il retourne à Auch chez son père - deux étoiles au Michelin avec l'Hôtel de France - qui le nomme deux ans plus tard chef de cuisine. Il n'y restera pas. En 1988, avec son épouse Véronique, professeur de gym devenue sommelière, il ouvre à Biarritz, dans le quartier Beausoleil, son restaurant Les Platanes, une demeure basque flanquée de gros arbres qui baptiseront l'établissement. "Cette ancienne maison de rendez-vous avait de bonnes vibrations", explique-t-il. Le décor, judicieux mélange de contemporain et du style années 30 a été pensé par Véronique et réalisé par l'agence biarrotte Les Ronds dans l'Eau. Au-dessus du bar, une fresque de Patrick Clairacq, clin d'il au passé de la maison, attire le regard. Pour préserver cette atmosphère intimiste, les Daguin n'accueillent jamais plus de vingt-cinq couverts et ne reçoivent pas de groupes, ni de banquets.
Démystifier le foie gras
En 1993, une étoile au Michelin récompense leurs efforts. Un hommage rendu à
l'intransigeance d'Arnaud Daguin pour la qualité du produit : "Je n'ai pas à
expliquer à mes fournisseurs ce que je veux. Ils connaissent mes exigences." La
maison est réputée pour son pigeonneau désossé à l'ancienne et son foie gras,
tradition du Sud-Ouest oblige. "C'est un produit que j'honore mais je n'en fais
pas quelque chose de sacré. On peut se permettre de l'associer à d'autres produits, y
compris ceux de la mer ou même le mettre dans de l'eau bouillante salée..."
Dans la famille Daguin, on n'a pas peur d'innover. André Daguin, son père, n'a-t-il pas
"inventé" le magret, morceau du canard gras que l'on mangeait saignant, cuit à
la cheminée et servi en casse-croûte aux voisins venus en renfort au moment de
l'abattage des canards ? "Sur toutes les filières du gras, on connaît
l'approvisionnement, on sait goûter : cela s'apprend dès l'enfance."
Arnaud Daguin est cependant très pessimiste : il dénonce en ne mâchant pas ses mots la
"mal bouffe" dont est responsable en grande partie le système de production
industrielle "qui lie le fermier à l'entrepreneur comme un serf". Dans
le Sud-Ouest heureusement, l'individualisme et la tradition des marchés locaux ont permis
de conserver une microproduction de qualité. "Mais tout le monde n'est pas encore
prêt à payer le prix. J'ai réalisé qu'en Espagne, particulièrement en Pays Basque où
existe une grande communauté de pêcheurs, les consommateurs, même dans les couches les
plus modestes de la population, sont davantage sensibilisés à la culture du beau
produit. Ils n'hésiteront pas à débourser 15 francs pour un chipiron de ligne !"
Carte blanche au chef
Quand Arnaud Daguin va au marché, il y va sans idée préconçue et attend de se faire
séduire. Une attitude qu'il aimerait trouver chez ses clients dont il espère
secrètement qu'ils lui disent : "Je vous laisse carte blanche..." La
formule du menu découverte - une dégustation à l'aveugle - autorise cet abandon
implicite : "Mais il faut être prudent et parvenir à étonner tout en
réconfortant. Ainsi, l'assiette de Trois foies gras servie en entrée va rassurer et
mettre en confiance tandis que la Daube de queue de buf désossée sur artichaut
écrasé satisfera l'esprit curieux... J'aime aussi faire goûter le merlu de ligne avec,
en saison, une poêlée de cèpes frais..."
Plus traditionnellement, la carte classique propose quatre entrées, quatre plats et trois
desserts. Et toujours un foie gras chaud en entrée ou en plat principal, selon le choix.
"Je change une chose ou deux chaque jour, en fonction du marché. Ce sont la
plupart du temps les légumes qui font la tonalité de la carte."
Stages d'initiation aux Platanes
Et parce qu'il est tellement attaché à l'éducation du goût, Arnaud n'hésite pas à
consacrer du temps pour faire profiter le public de son savoir-faire. Le lundi, il
organise des stages d'initiation à la cuisine. "La journée commence à neuf
heures au marché avec un café. Puis, après les courses, à 10 heures et demi, c'est
l'heure de la "consolante", une collation prise sur place. Le travail reprend
alors à 14 h 30 jusqu'à 18 h 30 environ. Puis à 20 h 30, c'est la dégustation avec un
invité de son choix. La formule est bien rodée et s'adresse à des petits groupes de
cinq personnes maximum. Seule condition exigée : être sympathique et souriant."
Et si jamais les hasards du calendrier faisaient tomber un lundi l'anniversaire d'Elijah,
18 mois ou de Léa, 8 ans, les filles d'Arnaud et de Véronique, "on reporte la
séance au lundi suivant !". Car chez les Daguin, on a l'esprit de famille...
I. Ativissimo
Les Daguin ont l'esprit de famille.
Les PlatanesUne toque - 15/20 Gault & Millau |
RepèresNombre de couverts : 25 |
L'HÔTELLERIE n° 2637 Hebdo 28 Octobre 1999