Congrès national à Brive-la-Gaillarde
Pourtant, la Corrèze, c'est un peu le Zambèze : pas facile d'accès, en attendant les liaisons autoroutières. En tout cas la France profonde, riche de son patrimoine et de ses terroirs, et des nombreux Logis qui en sont proches. Des vertus que n'a pas manqué de rappeler, en accueillant les congressistes, Bernard Murat, sénateur-maire de Brive-la-Gaillarde, citant tour à tour Georges Brassens et Anthelme Brillat-Savarin, évoquant ces maisons qui ont une âme face à la "macdomination", fustigeant les fast-foods comme les fast-beds, sans oublier les revendications relatives à une TVA compromettant aussi bien la survie des entreprises familiales et des cuisiniers de métier que l'apprentissage qui en constitue la noble descendance et la promesse.
Les maîtres-mots de la prochaine décennie
D'entrée, Renée Ougier, avec son style direct et son franc-parler, a donné le
"la" d'une partition qui n'aurait pu être qu'un concert de louanges sur ces
cinquante ans de travail, d'évolution et d'engagement mais qui s'est vite révélé être
une symphonie de musique contemporaine et concrète. Chef d'orchestre écoutée,
assurément, cette maîtresse femme forgée par la montagne n'est pas du genre à
s'endormir sur ses lauriers.
Donc, après ce premier parcours difficile mais sans faille, elle attaque bille en tête
ce nouveau demi-siècle en martelant les maîtres-mots qui en seront la marque : qualité,
rigueur, remise en cause, adaptabilité, volonté de se former aux nouvelles technologies
et de se préparer aux grandes orientations qui se dessinent. "Plus que jamais, le
client doit être au centre de nos préoccupations, et c'est solidaires que nous serons
performants, une solidarité qui nous vaut d'être courtisés et imités."
Et de citer, en passant du massif de l'Oisans à l'Himalaya, une maxime tibétaine :
"Il y a beaucoup de chemins dans la montagne et ceux qui montent finissent
toujours par atteindre le sommet."
Réinventer les vacances
Outre des réceptions et des festivités de belle allure, organisées de main de maître
par Raymond Fraysse, président des Logis de Corrèze et du Limousin, deux tables rondes
réunissant tant des professionnels des Logis que des techniciens de l'hôtellerie et du
tourisme ont concentré la réflexion et les débats sur deux thèmes évoqués d'entrée
par Renée Ougier.
La première avait pour titre : "la qualité, une stratégie gagnante pour remettre
le client au cur du produit hôtelier", animé par Patrick Viceriat, ingénieur
d'affaires touristiques. "Vaste entreprise", aurait dit qui vous savez,
dont l'ombre plane sur la Corrèze.
Christiane Keller, hôtelière du Haut-Rhin, a fait part de sa propre expérience, à la
fois émouvante et pragmatique, typique d'une culture et de traditions alsaciennes fortes,
exemplaires, mais pas forcément transposables.
Plus dérangeant, parce que prospectif, le regard de Marie-Christine Kovacshazy,
conseillère du directeur du tourisme, sur ce que va être la demande touristique en 2010
: "La clientèle française va s'essouffler, avec une baisse des départs, des
nuitées, des séjours. (...) On doit réinventer les vacances : elles vont avoir un
nouveau sens et faire apparaître une inadéquation de l'offre face à la demande."
Il va donc falloir anticiper plutôt que suivre et les prochains contrats de plans et
schémas de développement devront tenir compte d'une démographie faible en France, d'une
augmentation de la clientèle étrangère déjà présente pour 30 % dans les Logis.
Parallèlement à cette démographie faiblarde, le vieillissement de la clientèle va
s'accentuer. A l'or gris s'ajoutera le nombre des personnes seules (sept millions en 2010)
et de familles éclatées (un ménage divorcé sur deux à la même date). De plus, la
réduction du temps de travail comme celle du nombre des emplois n'entraîneront pas de
retombées bénéfiques pour les vacances : "à travail en miettes, vacances en
miettes". D'où un développement du tourisme de proximité, du tourisme d'un
jour, des excursions.
Les trois-quarts des Logis étant situés dans des villes de moins de 5 000 habitants, ils
vont se trouver face à un nouveau marché : flexibilité dans le temps, mais aussi
flexibilité dans l'espace, avec l'éclatement des familles et l'apparition de tribus.
Les Logis ont leur chance face à ces mixages s'ils savent conserver un label, une image,
tout comme les produits alimentaires quand ils démontrent leur traçabilité et leur
labellisation. D'où une innovation permanente, une fidélisation qui passera plus par le
bouche à oreille que par des messages publicitaires.
L'environnement, au sens large, devient primordial. Il est l'affaire des élus, certes,
soucieux du cadre de vie comme de la préservation de la nature, mais aussi des hôteliers
qui deviennent animateurs, défenseurs et illustrateurs de l'histoire et du patrimoine
locaux, de ses produits du terroir.
Même si, dans l'ensemble, les clients des Logis sont plutôt satisfaits de la
restauration, un peu moins de l'accueil, des chambres et des services, tous ne s'expriment
pas pour autant : si les jeunes espèrent souvent davantage d'espace, les anciens (3e et
4e âges) exigent plus de confort même s'ils n'en parlent pas. Une offre touristique bien
menée aboutit à un développement harmonieux.
Le savoir-être plutôt que le savoir-faire
Pour leur part, Pierre Gauthier, de Tourisme et Qualité et Marcel Livertout, des Logis de
l'Allier, se sont attachés à illustrer la devise des Logis : "Une hôtellerie à
visage humain." Le patron et ses collaborateurs doivent former des équipes
recherchant ensemble l'excellence, le zéro défaut : d'où un recrutement privilégiant
le savoir-être plutôt que le savoir-faire. Une bonne communication à l'intérieur de
l'entreprise fera des employés des partenaires : "Savoir responsabiliser en
déléguant, instaurer des plans de formation à l'interne, voire un intéressement
financier et un management participatif. (...) A personnel heureux, clients
heureux, exploitants heureux."
Autant de leitmotiv rejoignant ceux de Christiane Keller lorsqu'elle affirme vouloir
"partager avec ses clients ce que l'on est, tout partage étant enrichissant entre
son ailleurs et mon ici".
En d'autres termes, Marie-Christine Kovacshazy avait auparavant construit trois scénarios
possibles : une embellie avec une croissance de 4 à 5 % ; une légère progression
limitée à 2,5 % ; une déchirure avec aggravation de la situation économique et
sociale.
Multimedia et cybermonde
La seconde table ronde "les nouvelles technologies d'information et de réservations
au service de la commercialisation des produits hôteliers" a développé des enjeux
que connaissent bien les lecteurs de L'Hôtellerie et que la Fédération des Logis
a mis en application ces dernières années, bon gré mal gré, pour quelques-uns des 3
600 adhérents. Le site créé en 1997 que gèrent Dominique Boitel, directeur, et
Marie-Lou Lopez, gérante de Logis de France Services, a comptabilisé 230 000 clients
entre janvier et septembre 1999, on request. Soit 14 000 nuitées pour 3 millions de
francs, et un tiers de la réservation grand public (9 millions avec le téléphone).
L'Etat, pour sa part, finance Résinfrance, qui recense une offre atomisée, certes, mais
correspondant aussi à une petite hôtellerie très identitaire. En fait, nombre de
systèmes et de réseaux se mettent en place : c'est l'explosion du multimédia et du
cybermonde. Ce nouvel univers est accessible 24 heures sur 24 par 150 millions
d'internautes : 200 fin 1999, 300 fin 2000, 700 en 2005 !
Une révolution irréversible, mêlant l'interactivité, le commerce électronique avec
une meilleure connaissance des produits et une personnalisation impensable avec
l'obsolète minitel.
Avec celui du Suivi-Qualité, le chantier des nouvelles technologies est le deuxième
d'importance qu'ouvrent les Logis de France. Une nouvelle donne qui intègre aussi les
organismes institutionnels, autorise des propositions prospectives, et conditionne le
programme d'action gouvernemental pour la société d'information (PAGSI).
Employés et apprentisAu cours du point-presse qui a suivi le congrès, il fut demandé à Michelle
Demessine si, dans ses études sur l'application d'une part de la réduction du temps de
travail, et d'autre part sur la baisse éventuelle de la TVA, il avait été tenu compte
de la formation d'apprentis par les cuisiniers de métier. |
La militante des 35 heures
Si l'épouse du président de la République, Bernadette Chirac, n'est finalement pas
revenue sur ses terres à l'occasion du congrès national, Michelle Demessine, en
revanche, a honoré de sa présence ce 50e anniversaire. Dans un premier temps, la
secrétaire d'Etat au Tourisme s'est plue à évoquer l'origine du mouvement, "une
démarche volontaire et résolument moderne" ; le Suivi-Qualité sanctionné par
une grille périodiquement remise à jour ; la diffusion désormais gratuite du guide à
600 000 exemplaires en 2000.
Puis elle a surpris l'assistance en demandant aux congressistes de réfléchir à une plus
grande ouverture de l'enseigne à l'hôtellerie traditionnelle des villes afin de contrer
la prolifération de l'hôtellerie de chaîne à la périphérie...
Mais la militante a bientôt percé sous la fonction ministérielle en prônant
l'extension des chèques-vacances dont pourraient bénéficier 7,5 millions de salariés
supplémentaires. Et en affirmant, devant un auditoire d'abord incrédule puis bruyamment
réprobateur que les "35 heures constituent une chance pour le secteur du tourisme".
Le chahut fut porté à son comble lorsqu'elle affirma qu'un panel représentatif du
secteur de l'hôtellerie-restauration dans le Limousin avait fait apparaître que le
passage aux 35 heures ne constituait pas un handicap pour ces entreprises ! Mieux, qu'il
permettait d'augmenter de 20 % le nombre des emplois en diminuant la masse salariale de 1
à 2 %.
C'est peu dire que l'annonce, ensuite, d'un abattement de la redevance des postes de
télévision dans les hôtels, de la suppression progressive de la taxe professionnelle
sur les salaires, de la réforme du Code des débits de boissons, de la sécurité des
parkings d'hôtels ne furent pas entendus comme ils auraient dû l'être. Et quand
Michelle Demessine précisa qu'elle entendait également la demande de réduction de la
TVA exprimée par les restaurateurs, l'éclat de rire fut général.
Les membres - tous volontaires - des Logis de France ne battent pas le pavé, même s'ils
sont frondeurs. La discussion, sans véhémence, s'est poursuivie sur la place du marché,
devant le... théâtre.
C. Bannières
Raymond Fraysse, président des Logis de Corrèze.
Une intervention de Patrick Julien, président des Logis du Loiret.
Les assises du congrès au théâtre de Brive-la-Gaillarde.
Du vélo au reposPaul Dubrûle, cofondateur d'Accor avec Gérard Pélisson, est un grand sportif qui parcourt des milliers de kilomètres à vélo. Dans un entretien paru dans Le Figaro, il précise qu'il choisit souvent un Logis de France pour étape (Sofitel, Mercure, Novotel, Formule... il connaît). Et d'ajouter que la restauration est souvent satisfaisante mais pas la literie. Une critique qui a ému plusieurs congressistes qui, après s'être informés auprès de la commission Suivi-Qualité, ont mis un bémol à leurs protestations. |
Renée Ougier reçoit la Légion d'honneurLe congrès national des Logis de France a connu une émotion intense lorsque Michelle Demessine, secrétaire d'Etat au Tourisme, a remis les insignes de chevalier de l'ordre de la Légion d'honneur à la présidente Renée Ougier. Les six cents congressistes, debout, ont salué cet honneur par des applaudissements d'une durée aussi chaleureuse qu'inhabituelle.
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L'HÔTELLERIE n° 2638 Hebdo 4 Novembre 1999