Le Conseil d'Etat vient, dans
le cadre d'un contentieux pour excès de pouvoir, de juger illégales les dispositions de
l'instruction du 22 avril 1996 qui réservent le bénéfice de la demi-part
supplémentaire de quotient familial aux concubins chargés de famille qui ont vécu seuls
toute l'année d'imposition. Une décision heureuse pour bon nombre d'entre vous.
La loi de finances pour 1996 a accordé le bénéfice d'une demi-part supplémentaire de
quotient familial aux contribuables célibataires, divorcés ou séparés qui ont eu un ou
plusieurs enfants à charge, à condition qu'ils vivent seuls et supportent intégralement
la charge financière de ceux-ci.
Mais cette disposition reprise par l'article 194-II du CGI a été complétée par une
instruction du 22 avril 1996 (5 B-10-96) qui limite l'application de cet avantage aux
personnes ayant vécu seules, sans interruption, du 1er janvier au 31 décembre de
l'année d'imposition. C'est cette exigence complémentaire qui vient d'être contestée
par le Conseil d'Etat.
Selon les juges de la Haute Assemblée, faute de précisions dans l'article 194-II pour
évaluer la situation de parent isolé d'un contribuable, il convient de se référer aux
dispositions générales de l'article 196 bis-1 du CGI et, par conséquent, de considérer
uniquement la situation dudit contribuable au 1er janvier de l'année d'imposition.
Par conséquent, pour les juges, toute personne chargée de famille vivant seule au 1er
janvier de l'année d'imposition peut bénéficier d'une demi-part supplémentaire même
si, dans les mois suivants, sa situation de famille s'est modifiée. Par exemple, si elle
a décidé de vivre en concubinage ou de se marier.
Conséquences pratiques : La décision du Conseil d'Etat n'annule pas l'instruction
administrative contestée mais la rend illégale, ce qui, pour le contribuable, revient
quasiment au même.
De ce fait, si l'administration fiscale vous a refusé le bénéfice de la demi-part
supplémentaire sous prétexte que vous n'aviez pas vécu seul toute l'année de
référence, vous pouvez vous prévaloir de cet arrêt pour obtenir rétroactivement le
bénéfice de cette demi-part sous la forme d'un dégrèvement d'impôt. Les années
concernées étant les années 1996, 1997, 1998 et 1999, les délais de réclamation
expireront le 31 décembre 2002 au plus tard, mais autant ne pas attendre cette date
limite pour réclamer.
Une précision importante : Cette mesure ne concerne pas seulement les concubins ayant des
enfants à charge, mais également les époux faisant l'objet d'impositions distinctes et
les veufs dont les personnes à charge ne comprennent pas d'enfants issus du mariage avec
le conjoint décédé car, aux yeux de l'administration fiscale, elles sont fiscalement
assimilées à des contribuables célibataires.
Un avantage non négligeable : La lecture de la dernière loi de finances permet
d'apprécier pleinement la portée de cette décision. En effet, l'article 2-1/2° porte
de 20 370 F à 21 930 F le plafond des deux premières demi-parts additionnelles dont
bénéficient les contribuables célibataires, divorcés ou séparés ayant un ou
plusieurs enfants à charge, et les élevant seuls, auxquels s'ajoutent 12 440 F pour les
parts additionnelles complémentaires. Ce qui, concrètement, signifie qu'un célibataire
qui vivait seul au 1er janvier 2000 et qui a un enfant à charge (quotient familial : 2
parts, soit 2 demi-parts additionnelles) bénéficie d'un avantage en impôt de 21 930 F
au plus. Cet avantage est porté à 34 370 F (21 930 F + 12 440 F) pour un célibataire
élevant deux enfants (3 demi-parts additionnelles). Des exemples qui confirment
l'intérêt de demander un dégrèvement au plus vite en vous référant à cet arrêt
(Conseil d'Etat du 17 novembre 2000 n° 210953, Danthony) et à ne pas oublier de
spécifier, lors de la prochaine déclaration de revenus, si vous viviez seul au 1er
janvier 2000.
M.-C. Barbier
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L'HÔTELLERIE n° 2702 Hebdo 25 Janvier 2001