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Une journée avec Dimitri Rogoff, marin-pêcheur

Emploi - mardi 20 décembre 2011 18:24
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Port-en-Bessin (14) Depuis vingt-cinq ans, Dimitri Rogoff pêche les coquilles Saint-Jacques dans la baie de Port-en-Bessin, dans le Calvados. Ce patron-pêcheur exerce un métier difficile, mais qui reste attractif en matière d'emploi. Reportage.



13 heures : En ce jour d'ouverture de la pêche à la coquille Saint-Jacques en Baie de Seine, Dimitri Rogoff est 'remonté à bloc'. Ce patron-pêcheur de 51 ans compte beaucoup sur la pêche de ces prochains jours. "La coquille Saint-Jacques trouve toute sa place sur les tables de fêtes. 70 % de notre chiffre d'affaires est d'ailleurs réalisé avec ces mollusques. Autant dire qu'on n'a pas intérêt à se louper à cette période de l'année", concède-t-il sans détour.

13 h 30 : Direction la Baie de Seine. Après une heure de route, Dimitri et ses quatre matelots s'arrêtent là où plusieurs bateaux sont concentrés. Pour dénicher où se cachent les petits mollusques à la chair tendre et au goût raffiné, Dimitri a sa petite technique : "J'essaie de repérer ce qu'on appelle les tâches. Ce sont les endroits où sont regroupées les coquilles. L'expérience et l'intuition font toujours le reste !"

15 h 45 : Toutes les heures, le patron du Sauvage - le bateau de 13 m qu'il a acheté il y a quelques années à Port-en-Bessin -lève la drague. La pêche est vidée sur le bateau. Après la capture, c'est le moment du tri. "Il faut trier les coquilles avec soin, ne garder que les plus belles." Une à une, les coquilles sont examinées : les plus petites (moins de 11 cm) retournent à l'eau. Celles comprises entre 11 cm et 13 cm sont considérées comme de taille moyenne. Et les mollusques de plus de 13 cm sont les gros calibres. Une fois séparées, toutes sont scrupuleusement lavées et dépourvues de leurs crépidules (petits parasites). Elles sont ensuite stockées à plat dans des coffres à criée. "C'est la meilleure manière de conserver leur eau, et ainsi de garantir leur fraîcheur."

18 h 30 : Après quatre heures de pêche, il est temps de retourner au port. Pendant le trajet, les quatre matelots nettoient le bateau à grandes eaux. De son côté, Dimitri en profite pour remplir son journal de bord européen. "Il s'agit d'un document officiel qui reprend des informations importantes comme le lieu de pêche, le temps passé sur place, ainsi que la quantité pêchée." La pêche à la coquille Saint-Jacques est en effet très réglementée : le quota maximum autorisé par bateau est d'une tonne et demie en quatre heures. En route, Dimitri passe également plusieurs coups de fil à ses confrères. "Souvent, je me renseigne auprès d'eux pour connaître leur lieu de pêche. C'est un peu le jeu du 'Poker  menteur' ! Parfois on s'entraide, parfois on garde nos petits secrets."

21 heures : Une fois au port, l'équipe du Sauvage s'active de plus belle. Les bacs à criée sont pesés. Les coquilles sont étiquetées une à une. Les plus belles pourront bénéficier de l'étiquette Label rouge.

22 h 10 : Les coquilles sont ensuite conditionnées dans la halle à marée. La pêche étalée, on entend presque les coquilles 'claquer'. "On dit qu'elles chantent. Ce sont des produits vivants, sauvages", se félicite Dimitri. Celles-ci seront mises à disposition des mareyeurs le lendemain matin, pour être vendues aux enchères à la criée de 6 heures.

9 heures (le lendemain) : Dimitri jette un oeil à sa feuille de vente du matin. Résultat : 4 000 € de chiffre d'affaires. "Sachant qu'on ne travaille que quatre jours par semaine et que j'ai quatre matelots, ce n'est pas mal du tout. De toute façon, je ne sors pas à moins de 2 000 € en mer." Si cela peut paraître abrupt, il faut dire que les pêcheurs détiennent le triste record de métier le plus dangereux. "La Manche est particulièrement dangereuse. Les bateaux cassent et se démantèlent régulièrement. En à peine dix heures, le temps peut se lever et la mer se déchaîner."

10 h 25 : Dimitri se rend à Normandie fraîcheur mer, un groupement qualité, dont il est le président. Cet ancien étudiant en architecture est très impliqué dans la gestion durable de la ressource. Il jette un oeil critique sur ses contemporains, notamment au travers de ses blogs (www.finemaree.com et www.rogoff.fr). "Ce groupement qualité me permet de me renseigner sur les grandes tendances du marché. En fonction des résultats, nous pouvons décider d'agir en modulant les heures de pêche, voire en diminuant les quotas de pêche par bateau. Nous avons une biomasse de coquilles : il faut donc veiller à ne pas dilapider les stocks, et à faire en sorte qu'elles se reproduisent. Pour cela, je milite en faveur d'une pêche durable et responsable." Autre cheval de bataille de ce patron engagé : le Label rouge, obtenu en 2002, puis de nouveau en 2009. Une manière de bénéficier d'une meilleure reconnaissance du métier : "Notre produit et le soin qu'on lui apporte sont mieux valorisés. Tout le monde s'y retrouve, pêcheurs comme consommateurs."

11 heures : Peu avant de prendre le large, Dimitri s'amuse des résultats d'un récent sondage, annonçant que 89 % des Français ont une bonne image des pêcheurs. Jugé - à une écrasante majorité - peu rémunérateur et dangereux (à 95 %), seuls 22 % des sondés estiment par ailleurs que c'est un métier d'avenir.
 "Et pourtant, conclut-il, le secteur s'est beaucoup modernisé ces dernières années et reste très attractif en matière d'emploi." Effectivement, les lycées professionnels rencontrent un vif succès auprès des jeunes. Et selon le Comité national des pêches maritimes et des élevages marins (CNPMEM), la rémunération serait supérieure aux autres secteurs comparables, avec un salaire moyen de 2 500 € nets par mois.

Mylène Sacksick

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