Page 26 - L'Hôtellerie Restauration No 3337

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De la vigne au verre
PAR SOPHIE SENTY
Myriam Huet, œnologue conseil et consultante pour la maison Richard, répond à plusieurs questions essentielles qui se posent
lors de l’élaboration d’une carte.
Bien façonner sa carte des vins
pour mieux vendre
MOMENTS DE CONSOMMATION
L’Hôtellerie Restauration :
Comment déterminer le
nombre de références sur sa
carte des vins ?
MyriamHuet
:
Cela dépend
de l’établissement, du style
de restauration, de la variété
des plats, du ticket moyen. En
général, pour une brasserie, on
propose entre 8 et 15 références.
Mais les choses ne doivent pas
être figées : certains patrons,
passionnés par le vin, souhaitent
avoir une offre plus large. Dans
tous les cas, il faut inclure une
sélection de vins au verre. Et tant
qu’à ouvrir des bouteilles, autant
proposer également des carafes
de 25 cl et de 50 cl.
Comment choisir les
appellations ou les types de
vin ?
À cuisine sophistiquée, vins
sophistiqués. Pour une carte
plus simple, des vins connus.
Pour une brasserie classique,
par exemple, mieux vaut éviter
les références extravagantes,
mais plutôt privilégier quelques
flacons consensuels, qui
rassurent le client, ainsi que
des vins découvertes. Il faut
aussi de la complémentarité :
des prix variés et des structures
pour tous les goûts. Des rouges
frais - des vins de soif -, d’autres
plus charpentés, du Sud-Ouest
ou de Bordeaux par exemple,
indispensables avec les viandes
rouges, des vins soyeux comme
les bourgognes et des vins
charnus et ensoleillés. En blanc,
des vins vifs, type sauvignon, et
des vins plus tendres comme les
chardonnays. En rosé, des vins
croquants et frais, mais aussi
des vins ayant plus de matière.
Comment déterminer la
gamme des prix ?
On se base sur le ticket moyen de
l’établissement. Le prix du plat le
moins cher - ou du plat du jour -
déterminera le premier prix de la
carte des vins. Lorsque la formule
entrée + plat ou plat + dessert
est à 12 €, il faut proposer un
verre de vin entre 3 € et 3,80 €,
ou une bouteille autour de
15
€. Pour un établissement
de cuisine traditionnelle avec
des premiers plats à 15 € et un
ticket moyen au-dessus de 23 €
,
on va proposer des verres allant
de 4 € à 6,50 €. Par exemple :
un rouge facile entre 15 € et
18
€ la bouteille, un rouge
fruité de Loire par exemple,
mais aussi un rouge du Sud,
plus ensoleillé. Puis on monte
en prix avec un vin structuré,
par exemple un satellite de
Bordeaux entre 18 € et 20 €,
un vin soyeux de Bourgogne,
un peu plus cher, entre 24 et
30
€. Le prix de la bouteille
la plus chère ne doit pas être
déconnecté du reste. Pour une
gamme comprise entre 15 € et
30
€, un vin à 70 € serait trop
isolé. Mais, pour une carte de
20
références, on peut proposer
une gamme supérieure : trois
vins coûtant de 12 à 15 €
plus cher. Par exemple, un
chateauneuf du pape, un joli
second vin de Bordeaux et un
gevrey-chambertin.
Comment déterminer les
marges et les coefficients ?
Il faut prendre en compte le lieu,
les charges, la qualité du service,
le standing de l’établissement. Le
vin peut rapporter beaucoup, à
condition d’être raisonnable. Un
coefficient élevé sur une bouteille
qui reste en cave ne rapporte
rien. En région parisienne,
une bouteille achetée entre 4
et 6 € HT est généralement
revendue entre 15 et 24 € TTC.
Sur des vins plus chers, il vaut
mieux appliquer un coefficient
plus faible. Par exemple, un vin
acheté 5 € HT peut être vendu
20
€, alors qu’un vin acheté
10
€ HT se vendra mieux si son
prix n’excède pas 35 €. Le travail
pour ouvrir et servir la bouteille
sera le même et vous gagnez
dans un cas 11,70 € HT et dans
l’autre 19 €.
Première carte, règles d’or
CLARTÉ ET ATTRACTIVITÉ
La carte des vins doit être claire,
structurée et répondre aux attentes
des consommateurs”,
affirme
Olivier
Rainon
,
responsable commercial de
Distriboissons. Il faut une tarification
attractive, une offre variée (bouteille,
pichet, verre, ficelle…). Il est important
de
mettre en valeur des coups de
cœur, à savoir des vins au très bon
rapport qualité-prix qui seront des
refuges. Le consommateur ne peut
pas être déçu qualitativement, le prix
de vente est attractif, et le gain est
intéressant pour le restaurateur.”
PRÉSENTATION
Illustrer la carte avec des photos des
bouteilles ou des étiquettes, en affichant
les notes de dégustation souvent
imprimées sur les contre-étiquettes, les
accords mets et vins”,
conseille Olivier
Rainon. Cela aide pour le choix et le
service.
CIBLE
Pour une clientèle jeune et féminine par
exemple, réserver une bonne part aux vins
rosés et blancs”
,
explique
André Josse
,
responsable formation chez France
Boissons. Généralement, une clientèle
novice cherche des appellations connues,
des vins plaisirs et abordables.
RÉGION
La région où se situe
l’établissement conditionne
l’origine des vins présents
à la carte. Ne pas proposer
de saumur ou de brouilly en
région parisienne serait une
faute ; tout comme ne pas
avoir une surreprésentation
des vins de bordeaux à
Bordeaux, ou d’y proposer
des rosés de Provence au lieu de rosés
bordelais
”,
souligne Olivier Rainon.
TICKET MOYEN
Olivier Rainon recommande : “
Les
boissons - vins et eaux minérales -
accompagnant un repas ne devraient pas
dépasser la moitié de l’addition. Sauf à
prendre en compte les consommations
additionnelles type apéritifs, digestifs…”
ANIMATION DE LA CARTE DES
VINS
Il faut proposer des accords mets-vins,
des soirées dégustation. Cela crée une
vraie valeur ajoutée”
,
conseille André
Josse.
Myriam Huet
,
œnologue conseil et
consultante pour la maison Richard.
Le vin ne se vend pas tout seul”
,
rappelle
Corinne Richard-Saïer
,
directrice
associée des achats de la maison
Richard.
Il faut une carte pertinente, bien
présentée, que les vins correspondent aux
mets et que le personnel en salle sache
en parler.”
La clientèle consomme du vin
surtout avant et pendant le premier plat.
Quand les clients arrivent à la table, il
faut leur présenter la carte, mais aussi
faire des propositions, par exemple :
Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? J’ai
un joli rosé…’ Et ce, avant que les clients
commandent leurs plats.”
Le vin est un
produit plaisir : il faut donner envie.
VIN À TOUTE HEURE
Il y a une consommation de vin à toute
heure
,
affirme Corinne Richard-Saïer.
L’après-midi, on peut suggérer des vins
frais et gourmands ou des cocktails
à base de vin faciles à réaliser. Nous
proposons une sangria maison dans une
carafe d’un litre, à vendre au verre ou à la
carafe. On ajoute au vin un sirop maison
à base d’arômes naturels, quelques fruits
pour la décoration et éventuellement
une petite tombée d’eau gazeuse. C’est
simple, frais et ça titre 12°.
Le coût de
revient est de 2,80 € HT.
Une sangriamaison est une proposition intéressante
et simple à réaliser.
Corinne Richard-Saïer
,
directrice associée des
achats de la maison Richard.
À Bordeaux, il est plus pertinent de
mettre un rosé bordelais à sa carte plutôt
d’un rosé de Provence.