Willy Rosier, directeur général du Comité du Tourisme des Iles de Guadeloupe, connait bien les difficultés rencontrées par la destination et elles ne sont pas seulement liées à l'image ternie renvoyée par la médiatisation des grèves. «La Guadeloupe est confrontée à plusieurs éléments structurels qui compliquent la santé du secteur touristique. D'une part, des destinations proches qui proposent des séjours à bas coût, avec des offres agressives et très attractives, qui concurrencent directement l'offre guadeloupéenne. Et d'autre part, la montée en gamme du parc hôtelier de certaines îles voisines bien positionnées sur les clientèles émergentes à fort revenu.» Pour remédier à cela, l'île, qui était positionnée depuis plusieurs décennies sur un développement moyen de gamme a revu sa stratégie et a entrepris une montée en gamme de l'offre hôtelière. Mais Willy Rosier sait que « la présence d'une enseigne reconnue à l'international est indispensable pour attirer de nouveaux marchés et donc de nouvelles clientèles. Il est difficile d'attirer les investisseurs mais notre parc hôtelier aurait besoin d'une locomotive internationale.»
Une revalorisation de l'image nécessaire
Le CTIG appuie son plan de développement sur deux grands axes de clientèles, qu'il continue de rassurer et auprès desquelles il doit revaloriser l'image de la Guadeloupe. L'une qui dépend du marché national : avec 80% des nuitées, les touristes venant de l'hexagone constituent « un marché énorme, mais pour nous le défi reste d'aller chercher les vacanciers en région ». Le CTIG, qui possède une antenne Europe à Paris, entend également aller chercher les touristes des pays frontaliers de la France, «l'Allemagne et la Suisse étant des marchés porteurs ». A ce titre, « l'ouverture de la ligne Roissy-Pointe-à-Pitre fin 2011 constitue une belle opportunité qui apporte déjà des retombées » constate le directeur général du CTIG. En 2011, la Guadeloupe a attiré plus de 23 000 visiteurs étrangers, et bien qu'ils soient encore minoritaires, ils ont été aussi nombreux en 2011 qu'en… 2008. Résidents suisses, belges et italiens représentent la moitié d'entre eux, suivis par les allemands et les anglais. Enfin, il existe un marché caribéen interne, mais très concurrentiel, et une destination Guadeloupe « qui fonctionne bien chez les Québécois ». Alors que le transit vers les Etats-Unis reste long et compliqué, une liaison aérienne vers le Québec est assurée trois fois par semaine. Quand au marché américain, la Guadeloupe subit la concurrence des iles anglophones de la Caraïbe alors que «les budgets de communication aux Etats-Unis restent inaccessibles» pour le CTIG. Côté croisières, « grâce à une bonne coordination du CTIG, de l'aéroport et du port », les nouvelles sont bonnes : alors qu'en 2010-2011 l'ile recevait 95 000 croisiéristes, la saison 2011-2012 en a vu arriver 150 000 et les prévisions pour 2012-2013 sont très encourageantes avec 250 000 croisiéristes attendus.
L'hôtellerie accueille 39% des visiteurs
Si de nombreux établissements hôteliers ont disparu, conséquences économiques et financières des annulations dues aux mouvements de grève de 2009 et aux saisons moroses qui ont suivi, ceux qui ont réussi à passer la crise voient le regain d'activité amorcé en 2010 se poursuivre et renouent avec les chiffres de 2008, avec un taux de remplissage de 58% sur l'ensemble de l'année. La hausse de la fréquentation a profité en premier lieu aux établissements de 3* et plus, alors que la petite hôtellerie à connu une légère baisse (-2%). Avec une offre hôtelière restreinte - l'île ne compte que 45 établissements homologués - l'offre d'hébergement s'est vue enrichie ces dernières années de très nombreux gîtes, de toutes catégories. En 2011, les hôtels ont accueilli 39 % des visiteurs, les gîtes et locations 34 %, l'hébergement chez des proches 31 %. S'il est difficile de connaître exactement le nombre réel de gîtes, Willy Rosier estime « qu'il y a deux fois plus de gîtes que de chambres d'hôtels. Toutefois, c'est une activité moins stable, qui s'auto régule par l'économie et ses crises, amenant ainsi les moins qualitatifs à disparaître.» Il semble que la personnalisation de l'accueil, la proximité avec la population et la culture locale, mais aussi des prix attractifs et des tables d'hôtes qualitatives soient les critères affichés par les gîtes. De quoi redorer l'image de la destination, face à des défauts qui lui ont été longtemps reprochés.
Des commercialisations en direct
Pour faire face aux difficultés économiques qu'ils ont rencontré et compenser la haute saison très courte aux Antilles, les hôteliers tentent de nouvelles solutions. Ainsi, le groupe Des Hôtels et des Iles, seul groupe hôtelier indépendant aux Antilles, qui commercialise 5 hôtels en Guadeloupe (La Toubana Hotel & Spa, La Créole Beach Hotel & Spa, Le Jardin Malaga, Le Bwa Chic Hotel & Golf et Le Mahogany Hotel & Residence) a clairement segmenté ses offres et vend ses propres packages transport et hébergement depuis un an. Une manière d'augmenter ses marges sans être entièrement dépendant des tours opérators, avec qui le groupe continue cependant de travailler. Une dynamique en basse saison a aussi été instaurée en proposant des offres attractives à la clientèle locale. Une basse saison qui semble être un lourd enjeu pour de nombreux professionnels. Ainsi Sylvie Carreyre-Clément, propriétaire d'un établissement de charme, le Tendacayou, reconnait que «la difficulté est de ne pas absorber tout le bénéfice de la haute saison pendant la basse saison où les taux de fréquentation chutent». En renforçant leur plan de commercialisation et de communication, en proposant des packages attractifs en basse saison, les propriétaires du Tendacayou s'attendent à « une belle année 2013 ».
Une nouvelle dynamique qui s'appuie sur des démarches qualitatives commence à donner de bons résultats, mais les professionnels reconnaissent que l'équilibre reste fragile. Face à un positionnement géographique qui soumet l'île à une très forte concurrence, le travail sur l'image de la destination et la définition d'une identité propre à la Guadeloupe restent des éléments clés à renforcer. Malgré les nombreux atouts de l'île, le problème reste : comment attirer et faire venir les touristes ?
Publié par Marie TABACCHI