Le Canada fait les yeux doux aux professionnels qualifiés

Canada Le secteur touristique canadien, qui manque cruellement de main d'oeuvre, a recours à une immigration choisie.

Publié le 11 septembre 2013 à 17:33

L'exemple de Jérôme Ferrer, l'une des toques les plus connues de Montréal, laisse rêveur. Arrivé au Québec il y a douze ans, sans un sou en poche et avec deux associés, le chef est aujourd'hui à la tête du restaurant Relais & Châteaux Europea, de l'espace boutique Europea, du bistrot Beaver Hall, du restaurant méditerranéen Andiamo, de deux cafés, d'un service traiteur... Il faut dire que la "bonne bouffe", comme on dit ici, commence à occuper le devant de la scène. Selon le ministère de l'Agriculture, des Pêcheries et de l'Alimentation du Québec, les Québécois iraient de plus en plus au restaurant, soit un repas sur trois.
 

34 800 postes non pourvus en restauration

Tandis que le guide Frommer's a inclus Montréal dans son palmarès 2011 des dix meilleures villes au monde 'où il fait bon manger à l'extérieur', l'organisme Tourisme Montréal cherche à positionner la cité comme une destination gastronomique internationale, à grand renfort de communication et d'événements (dont la Restaurant Week locale, baptisée MTL à table). Toronto n'est pas en reste. "Ces dernières années, la ville a explosé à tous les niveaux : sa population, de plus en plus multiculturelle, ses infrastructures et bien sûr sa cuisine", juge le restaurateur Jean-Jacques Texier. Plus de 1 300 nouveaux établissements ont ouvert en 2012, traduisant une effervescence qui attire des professionnels réputés : David Chang a dupliqué son concept new-yorkais, Daniel Boulud a inauguré une enseigne au coeur du quartier huppé de Yorkville... Idem dans l'hôtellerie, où on assiste à une floraison récente d'hôtels de luxe (Shangri-La, Ritz Carlton, Four Seasons…).

Face à un tel essor, "la main d'oeuvre qualifiée et le professionnalisme font défaut", déplore Didier Leroy, Maître cuisinier de France et chef du restaurant Didier à Toronto. Le Conseil canadien des ressources humaines en tourisme prévoit plus de 34 800 postes non pourvus en restauration en 2015, et jusqu'à 137 000 en 2030. Les pénuries les plus inquiétantes devraient concerner les serveurs, les aides de cuisine, les cuisiniers, les barmans et les directeurs de la restauration et des services. Résultat : "Un cuisinier qui arrive avec de l'expérience trouvera un poste dans la journée s'il a fait quelques recherches avant", estime Jean-Jacques Texier.

 

Un contexte plus délicat

Le Canada, un Eldorado pour expatriés qualifiés ? Même si ce pays offre toujours des opportunités - de Vancouver à Québec -, la concurrence s'aiguise. Sur place, les Français (50 000 à Montréal et 15 000 à Québec selon les registres consulaires) continuent d'affluer. Le nombre de restaurants a explosé avec près de 20 000 établissements dans le seul Québec (dont le quart environ sur l'île de Montréal). La restauration commerciale et les débits de boissons possèdent d'ailleurs le plus bas taux de survie parmi les entreprises québécoises. Le contexte n'est donc pas rose, souligne François Meunier, vice-président de l'Association des restaurateurs du Québec (ARQ) : "La performance touristique a été modeste ces dernières années. Les restaurateurs voient depuis quelques années leur rentabilité décliner : les hausses des coûts de main-d'oeuvre et de nourriture en sont les principales responsables. L'industrie croule aussi sous un fardeau fiscal, administratif et réglementaire de plus en plus lourd." Côté salaires, "beaucoup de chefs français déchantent", assure Christophe Geffray, chef gérant de Christophe, car les rémunérations sont souvent moindres qu'en France. En revanche, les serveurs peuvent gagner jusqu'à 200 dollars canadiens (près de 150 €) par soir, grâce aux pourboires généralement fixés à 10 ou 15 % du montant de l'addition. Enfin, tous les types de restaurants n'ont pas forcément le vent en poupe. "C'est le règne du bon et du pas cher. Les bistrots ou les tapas ont la cote, mais la restauration gastronomique reste très marginale", conclut Didier Leroy.


Publié par V.B



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