"En 2015, si 3,5 restaurants ont été créés chaque jour à Paris, six
fermaient leurs portes dans le même temps." Antoine Ménard donne le
ton. Cet ancien de Savignac (Dordogne), aujourd'hui président associé d'APM
Invest, admet qu'il n'existe pas de "barrières" pour ouvrir ou reprendre
un restaurant, "à condition de valider les étapes clés dans le montage d'une affaire". Dans le cas d'un fast-food,
il reconnaît que le projet peut paraître plus simple sur le papier, "car ce
type de restaurant peut se passer d'extraction et l'on peut solliciter un
personnel moins qualifié". Mais il prévient : "on ne peut pas
influer sur les prix de vente, par définition peu élevés. Il faut donc
jouer sur le volet volumétrie pour s'assurer un chiffre d'affaires minimum. Et
là, ni la conjoncture ni la concurrence ne vont faciliter le travail".
"Un hôtel doit se battre pour fidéliser une clientèle"
Avis partagé par Sophie Audubert-Todorovic, coach chez Restarto. "L'hôtellerie-restauration
connaît de profondes mutations, rappelle cette ancienne élève de l'École
hôtelière de Lausanne. Avec la numérisation, on ne vend plus et on ne
consomme plus comme avant. À cela s'ajoute une hyper compétition : aujourd'hui,
un hôtel même face à la mer doit se battre pour fidéliser une clientèle." Sylvette
Lebeau en sait quelque chose. Ancien professeur de français, elle est
devenue hôtelière en 2010 à La Rochelle (17). Un changement de vie qu'elle
voyait sous de bons auspices. Mais, depuis, elle déchante : entre taxes,
charges, salaires versés au personnel et concurrence des chambres d'hôte ou
autres appartements de particuliers, "j'ai du mal à me payer". "L'hôtellerie
fascine, constate Valérie Bisch, fondatrice du cabinet de
recrutement Tovalea. Ce secteur attire aussi bien des professionnels de la
finance en quête d'opérationnel que des salariés qui en ont assez de la vie de
bureau. Or, l'hôtellerie n'aime pas tant que ça les profils atypiques. Le
secteur recherche des gens qui connaissent le terrain. Quant aux salaires, la
directrice de la communication d'un célèbre maroquinier a quitté son poste
rémunéré 140 000 € par an pour un travail équivalent, dans un hôtel,
payé 30 % de moins."
"Avant une reconversion professionnelle, il faut en mesurer toutes les
conséquences, notamment sur la vie privée", souligne Sophie Audubert-Todorovic.
"Le conjoint, lui aussi, doit être porteur du projet de reconversion,
renchérit Valérie Bisch. Surtout s'il y a perte de salaire."
Être accompagné et savoir s'entourer
Autres conditions de réussite : se former ou au moins savoir s'entourer,
voire "être accompagné durant le montage du projet", suggère Antoine
Ménard. Lorsqu'en 2013 Agathe Audouze a créé son premier Café Pinson,
dédié à la cuisine bio, végétarienne et sans blé, rien n'était gagné pour cette
diplômée d'école de commerce qui venait de passer dix ans dans la mode et les
cosmétiques. "Dès le départ, j'ai travaillé avec deux associés : l'un
en charge de l'aspect financier et l'autre à la direction des opérations", confie-t-elle.
Son autre atout : "une ancienne contrôleuse de gestion qui venait de
décrocher un CAP de cuisine à Ferrandi et se sentait proche du type de cuisine
que je proposais". Trois ans plus tard, Paris compte déjà quatre Cafés
Pinson.
Publié par Anne EVEILLARD
vendredi 19 février 2016