Avec Michael Ellis à sa tête, Michelin prend un nouveau virage

Directeur international des guides Michelin depuis le début de l'année, Michael Ellis va négocier le passage au numérique. Rencontre avec un passionné de cuisine qui répond à toutes les questions que se posent aujourd'hui les professionnels.

Publié le 03 mai 2012 à 17:30

Adolescent, dans le Colorado, Michael Ellis travaille tous les week-ends et les vacances dans un restaurant. Il débarrasse les tables. Toujours à cette époque, avec son école, il fait un rapide tour d'Europe et fait escale à Paris. "Je me souviens encore des escargots et de la crème caramel de ce restaurant de la place du Tertre. Pour moi, ce fut une révélation." En 1979, il revient en France prendre des cours de cuisine au Cordon bleu et à La Varenne. Son amour de la gastronomie et de la France s'amplifie. Il embraye avec un stage de cinq mois en cuisine au Bistrot 121 (Paris, XVe) auprès de Jean Moussié, un restaurant 1 étoile Michelin. "Vider les volailles, éplucher les légumes, décortiquer les crustacés… j'ai effectué toutes les tâches dévolues au commis",confesse-t-il. Son incursion dans le métier s'arrêtera là. Il bifurque ensuite vers de longues études : un master en relations internationales de l'université américaine Johns Hopkins et un MBA à l'INSEAD (école de management à Fontainebleau), qui le mènent à des postes de management dans plusieurs secteurs dont le packaging agroalimentaire. Michael Ellis a choisi la France, où il réside depuis plus de vingt ans, et il a continué à assouvir sa passion pour la cuisine en étant un client gourmet et gourmand des bonnes tables, avec un guide Michelin en poche, bien avant d'y travailler. C'est en 2007 qu'il intègre le groupe clermontois, en tant que vice-président marketing et vente de la division deux roues. Comment est-il devenu directeur international des guides Michelin ? "Michelin a un système de gestion de carrière fantastique qui vous fait évoluer. Lors d'un entretien, j'ai évoqué ma vraie passion pour le monde de la restauration. Très rapidement, on m'a proposé ce poste. J'ai eu du mal à le croire. Je vis un rêve", confie-t-il.

Son métier comporte deux grandes missions : le management des équipes et le contrôle de la qualité de la sélection des différents guides. Aussi voyage-t-il beaucoup. En ce moment, il rencontre toutes les équipes, accompagne les inspecteurs sur le terrain. "Être un salarié anonyme qui paye ses additions, c'est un métier unique au monde", souligne-t-il au passage. Michael Ellis enchaîne déplacements et réunions. "Nous souhaitons consolider nos positions à l'international. Il n'y a pas de lancement de guide prévu en 2013. Nous étudions les possibilités pour la suite."

 

À la rencontre des professionnels

Ses voyages le mènent aussi à la rencontre des professionnels français (assemblée générale des Maîtres cuisiniers de France à Perpignan, des rendez-vous individuels….) afin de répondre aux interrogations suscitées notamment par le récent lancement de la version bêta du site internet http://restaurant.michelin.fr. "Tout le monde me dit : "On serait déboussolé sans Michelin", "vous êtes les seuls crédibles". Croyez bien qu'il n'est pas question de mettre en péril notre crédibilité. Mais le guide a 112 ans et on doit s'adapter pour qu'il soit encore là dans 112 ans. Nous devons adopter un business model viable. La valeur du guide, c'est son contenu. Ce dernier a un coût. Tous les professionnels que j'ai rencontrés ont bien compris que pour être pérenne, le guide doit trouver des ressources [Michelin se refuse à intégrer de la publicité dans le guide papier ou sur internet, NDLR], d'où l'offre de mise en avant des établissements sur le site internet, pour 69 € par mois", argumente Michael Ellis. "Je précise aussi qu'il y a une totale étanchéité entre le service commercial et les inspecteurs du guide. Souscrire à cette offre ne procure aucun avantage par rapport à la sélection comme l'inverse n'entraîne bien sûr aucune sanction", souligne-t-il.

Rappelons que le référencement de tous les établissements sur le nouveau moteur de recherche restaurant.michelin.fr est gratuit. Il est automatique pour ceux qui font partie de la sélection du guide. Ces derniers sont marqués du sceau Michelin de façon évidente. "Lorsque je présente le site aux professionnels, ils voient concrètement qu'il n'y a aucun risque d'amalgame et ils sont rassurés", commente Michael Ellis.

 

Traçabilité des avis

Reste la question des avis des internautes sur les établissements. "Notre cible, c'est le consommateur qui, lui, veut connaître bien sûr la position du guide parce qu'il lui fait confiance, mais qui veut aussi prendre connaissance des avis des clients, comme cela se pratique sur tous les autres sites, explique le directeur international des guides Michelin. Nous mettons en place un contrôle qualité des avis. Cela passe par un enregistrement du nom et de l'adresse de celui qui dépose un avis, ainsi que la date de son repas. Cela permet une traçabilité des avis mis en ligne et donc de déjouer les abus. Nous avons aussi un système de modération pour supprimer les commentaires diffamatoires ou injurieux. Les clients et les professionnels nous font confiance. Ils savent bien que nous n'allons pas faire n'importe quoi." Quant à la question d'une éventuelle confusion entre les commentaires du guide et ceux des internautes, Michael Ellis est formel : toutes les précautions sont prises pour que les clients ne puissent pas confondre.

En juin, une nouvelle version du moteur de recherche sera mise en ligne. Comme tout site internet, il évoluera encore. La possibilité de réserver son restaurant sur le site est un projet en gestation. "Plusieurs systèmes existent et nous avons aussi des équipes pour développer notre propre système. Nous voulons le meilleur, donc nous étudions posément ce dossier. Une chose est sûre, c'est que ce service ne sera pas soumis à une quelconque commission. Nous ne voulons pas nous interposer entre le restaurateur et le client." Mais si le client a réservé via le site Michelin, son avis déposé sur le site après le repas sera évidemment crédibilisé. Une nouvelle façon d'accroître la traçabilité, ce qui n'est pas pour déplaire au nouveau patron des guides Michelin.

Et Michelin tiendra-t-il compte des avis laissés par les internautes ? "Ni plus ni moins que les courriers que nous recevons de la part des clients. Lorsque nous avons beaucoup de courriers positifs ou négatifs, cela nous donne un indice. Nous étudions alors l'éventualité d'une nouvelle visite. Vous savez, lorsque nous enlevons une étoile, c'est sur la base d'un long processus avec plusieurs visites. Ce n'est jamais facile, mais nous devons être crédibles. Et nous ne souhaitons qu'une chose, c'est que les restaurateurs la regagnent."


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Publié par Nadine LEMOINE



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