L'éolien en mer, un danger pour le tourisme et la pêche selon le président de la FED

Jean-Louis Butré, président de la Fédération Environnement Durable (FED), dénonce le développement des éoliennes en mer entrainant avec elles le saccage de sites historiques et touristiques. Les plages du débarquement, la Baule ou encore la baie de Saint-Brieuc sont directement concernées.

Publié le 17 avril 2012 à 11:06
L'Etat vient d'annoncer, le 6 avril, les résultats de l'appel d'offre de 3000 MW offshore, pour la création de cinq parcs éoliens, soit 500 à 600 éoliennes, au large des côtes normandes et bretonnes. Alors que votre association défend l'environnement durable, vous vous élevez farouchement contre les éoliennes en mer ?

Jean-Louis Butré : L'éolien, dit offshore, en réalité à quelques kilomètres, est une aberration parce qu'il s'agit de machines gigantesques, de 180 mètres de hauteur, qui sont de véritables plateformes industrielles. Ca tourne, ça flashe la nuit et les coûts de production ne sont pas compétitifs au regard des quantités produites… Le prix de revient de cette électricité n'apparaît nulle part dans l'appel d'offre, ce qui n'est pas normale. Aujourd'hui, l'offshore produit une électricité qui coûte environ quatre à cinq fois plus chère que le reste. Or, l'investissement annoncé est de 10 milliards d'euros. Cette somme, prise sur la facture d'électricité des français va être « engloutie » pour fabriquer 1,5% d'une électricité intermittente dont la France n'a pas besoin puisqu'elle exporte déjà 15% de sa production actuelle. Il ne faut pas oublier que le coût de cette production va être répercuté sur le tarif de l'électricité des français. Les tarifs vont grimper de 15 à 20% à cause de cette dépense. Quand on sait que plus de 4 millions de ménages sont en situation énergétique précaire…

Les défenseurs de l'éolien mettent aussi l'emploi en avant. Quelle est votre position ?

J.-L. B. : Ce sont des promesses d'emplois, qui oublient de parler des emplois détruits. Prenons le cas du Tréport, avec ses 950 familles de pêcheurs. La pêche fait vivre entre 3 et 4 personnes. Si vous faites le calcul, ce sont plus de 3 000 emplois potentiellement perdus… Je suis stupéfait aussi quand les promoteurs disent que les personnes touchées vont être indemnisées. Un petit bateau de pêche vit en équilibre et en harmonie avec le milieu marin. Là, on saccage le site, l'environnement et on détruit une filière. Je voudrais revenir sur ce que représente une éolienne terrestre. Celle-ci est composée d'un socle de béton armé de 1 500 tonnes, d'un mat en acier ou de béton de 100 mètres, d'une nacelle de 70 tonnes contenant le générateur d'électricité entrainé par une hélice tripale, chaque pâle pouvant atteindre une dimension de 55 mètres. Les éoliennes offshores sont encore plus gigantesques. L'aménagement d'éoliennes est associé à la construction de centrales thermiques. On met en avant « l'éolienne pure » et on oublie de vous préciser que l'on va construire à proximité des habitations des lignes à haute tension, des transformateurs et des centrales thermiques qui fonctionnent au gaz et crachent beaucoup de CO2,  parce qu'il faut faire tourner les éoliennes quand il n'y a pas assez de vent ! Je vous rappelle que l'éolienne ne stocke pas l'énergie.  On est dans le mensonge. Ce projet va industrialiser des sites qui étaient encore à l'état naturel.

Vous appelez à une mobilisation des acteurs du tourisme, des professionnels de la mer et des associations de l'environnement. Dans quel esprit ?

J.-L. B. : Notre lutte sur terre et le long des côtes est triple : écologique, économique et contre toutes les nuisances. En Corbières, nous avons des exemples où l'implantation a fait chuter le prix de l'immobilier de 20 à 40%. Le tourisme est en danger. Le Mont-Saint-Michel, contrairement à ce qui est dit, n'est pas sauvé. Si une zone de protection de 40 km a été déterminée, elle laisse l'accès à une bande géographique qui place les éoliennes à seulement 20 km de distance. C'est rien. Vouloir installer des éoliennes au large des plages du débarquement est une atteinte à l'histoire. J'ai été frappé par les milliers d'appels d'anglais, de canadiens et d'américains qui sont scandalisés par ce projet. C'est un cimetière marin. Combien de milliers soldats ont péri en mer durant le débarquement ? Choisir ces lieux relève du sacrilège. Sans parler là encore des pêches côtières. C'est toute la filière du tourisme et les productions locales qui vont être touchées. Vous croyez vraiment que les gens vont venir sur la plage pour voir des éoliennes ? La Baule, la Baie de Saint-Brieuc, d'Arromanches à Courseulles-sur-Mer, le paysage va être massacré et l'écho-système mis à mal. Nous appelons tous les professionnels de la mer, du tourisme, de la restauration, de l'hôtellerie à se mobiliser au plus vite. Nous demandons aussi à l'Unesco que les plages du débarquement soient classées définitivement au patrimoine mondial.

Publié par Propos recueillis par Sylvie Soubes



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