de mars 2004 |
PORTRAIT |
Hôtel Les Airelles à Courchevel (73)
Madame Fenestraz, reine de Courchevel, comme l'ont baptisée les habitués de la station, ne porte pas ce nom par hasard. Propriétaire de 3 hôtels à Courchevel, elle a ouvert, il y a 11 ans, Les Airelles, luxueux palace, dont la particularité est d'être l'hôtel dont le revenu par chambre est le plus élevé de France, loin devant les plus beaux palaces parisiens.
Fleur Tari
Quand on rencontre Raymonde Fenestraz, c'est son style et son élégance que l'on remarque au premier abord. Puis vient le regard, déterminé et opiniâtre, et l'on devine la volonté, la pugnacité, voire le talent, qui ont conduit cette fille de paysan à diriger un royaume. Remontons 40 ans en arrière. Raymonde Fenestraz a 17 ans. Chaque jour, en gardant les vaches dans les champs de la vallée de la Tarentaise, elle compte les voitures portant des skis en bois, qui se dirigent vers les sommets. Le nombre de skieurs ne cesse de s'accroître dans les alpages. Les 'gens de la ville' viennent de plus en plus nombreux découvrir cette belle région, et si ses amis de l'époque pensent à descendre 'à la ville', elle préfère viser les sommets enneigés. Visionnaire et pragmatique, elle croit, dur comme fer, que l'or blanc n'est pas un mythe inventé par quelques journalistes. Dans les années 60, dans cette région pauvre, une fille de paysan se marie en général avec un fermier pour agrandir l'exploitation. Raymonde, qui veut échapper à sa condition, n'a qu'une alternative : partir. Son père lui donne une vache pour tout pécule. Raymonde vend la vache pour s'offrir des vêtements plus citadins et rejoint Paris, puis l'Angleterre. Jeune fille au pair pendant 2 ans et demi, elle apprécie le raffinement et la distinction des grandes familles anglaises. Un petit tour en Italie pour parfaire la langue, encore une fois dans des familles aisées, et Raymonde Fenestraz rentre au pays. De retour en France, parfaitement trilingue - fait extrêmement rare à l'époque -, elle n'a aucun mal à trouver un poste de réceptionniste dans un hôtel. Moment important de sa vie : elle découvre un métier qui la marquera à jamais. De retour à Courchevel, elle accepte un poste de vendeuse en immobilier à Courchevel 1650 et se révèle être une redoutable négociatrice. Vendre bon marché ne l'intéresse pas. Ses résultats sont si impressionnants que moins d'un an après son arrivée, elle rachète l'agence immobilière qui l'emploie. Une rencontre va sceller cette réussite : son mari André, issu du bâtiment et des travaux publics. Ensemble, elle en est sûre, ils vont "soulever des montagnes". Courchevel 1650 est saturé, ils s'imposeront donc à Courchevel 1850. Raymonde Fenestraz a remarqué que les grandes familles de l'industrie française, les familles titrées du Royaume-Uni, apprécient les pistes, exceptionnelles à cette altitude. Les 2 hôtels, le Zénith et Le Carlina, drainent une clientèle très fortunée. "L'important était d'oser créer des produits exceptionnels, et de relever le challenge de la vente", dit-elle. Pari tenu : les plus luxueux chalets des Hauts de Bellecôte, le Jardin Alpin et les ailes du Byblos sortent de terre sous la direction d'André. La commercialisation est bien sûr réalisée par son épouse, polyglotte, et sachant s'adapter à tous : prince arabe, lord anglais ou Sud-Américain expansif.
Le hall de réception propose un design chaleureux.
Les Airelles, naissance d'un rêve
Tout lui
sourit, mais Raymonde Fenestraz souhaite réaliser son rêve. Elle adore le métier de
l'hôtellerie et veut construire son hôtel, une 'maison de famille'. Quand elle était
jeune, Sissi Impératrice et les vieux films sur l'Autriche l'ont fait rêver.
C'est cette ambiance qu'elle veut recréer. Les Jeux olympiques de 1992 lui en fourniront
l'opportunité. Le président Antonio Samaranche a besoin d'un hôtel pour les VIP et le
Comité olympique. La mairie a peur de voir s'installer une chaîne de type Le Meridien.
Les Fenestraz proposent donc de construire un établissement qui sera prêt pour les Jeux.
L'affaire est conclue. Les Airelles ouvrent donc en 1992. On
parle dans la station d'un investissement colossal de l'ordre de 30,49 Me. Les balcons
ouvragés, les fresques sur les façades, les plafonds peints sont réalisés par des
artisans venus de toute l'Europe. Raymonde Fenestraz, dans sa lancée, reprend 2 hôtels
plus simples : la Loze et l'Alpen Ruitor. Madame sillonne tous les grands palaces et
n'hésite pas à distribuer sa carte pour faire venir les clients. Charmeuse, excellente
commerciale, elle séduit une clientèle très riche à la recherche de nouveauté.
Raymonde Fenestraz connaît leurs besoins, et très vite Les Airelles ne désemplissent
pas. Il faut dire qu'au-delà du cadre, Raymonde Fenestraz institue un service très
recherché. Le personnel est nombreux pour satisfaire les clients les plus difficiles.
"Nous employons plus de 112 salariés pour 59 chambres et suites, explique
Séverine Petilaire, directeur des 3 établissements du groupe. C'est cette présence
de tous les instants, pour satisfaire ses moindres désirs, que le client apprécie."
A l'arrivée des pistes, devant l'hôtel, un valet skieur aide le client à se déchausser
et propose boisson chaude et charentaises. Autre attention très appréciée : les
clients, tout le long de leur séjour, et surtout au moment de leur départ, reçoivent
des cadeaux comme de la confiture d'airelles, des serviettes d'invités, des trousses de
toilette... aux couleurs de l'établissement, bien sûr. Admis dès la 1re année au rang
des Leading Hotels of the World, ce palace des Alpes accueille le monde entier. La plus
belle suite, à 6 000 e, est sur liste d'attente. Les réservations sont complètes avant
le début de la saison. "Il est parfois difficile de dire aux grands de ce monde
que notre hôtel est complet", explique Séverine Petilaire. En fait les clients
adorent ce 'côté exclusif' et réservent d'une année sur l'autre. 11 ans après leur
ouverture, Les Airelles connaissent un revenu par chambre bien supérieur aux plus grands
palaces parisiens. Raymonde Fenestraz est ravie, le succès lui va si bien. Travailleuse
infatigable, elle continue à sillonner les plus grands établissements du monde pour en
rapporter des idées. La Grande Dame de Courchevel a réalisé son rêve. Au fronton des
Airelles, Raymonde Fenestraz a retiré les étoiles qui classifiaient son établissement.
"Ce n'est pas un 4 étoiles luxe, mais un hôtel de luxe et de charme",
dit-elle. Madame Fenestraz a raison. La seule star qui brille aux Airelles, c'est bien
elle. < zzz36v
Hôtel Les Airelles Rue du Jardin Alpin 73120 Courchevel-Saint-Bon Tél. : 04 79 00 38 38 |
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L'Hôtellerie n° 2862 Magazine 4 mars 2004 Copyright © - REPRODUCTION INTERDITE