Page 26 - L'Hôtellerie Restauration No 3351

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J’ai gagné du temps en profitant de l’expérience de mes mentors”
Le salon Equip’Hôtel a lancé l’an dernier un programme d’accompagnement opérationnel présidé par Alain Ducasse. Le
principe : repérer les talents de demain et les escorter dans la mise en œuvre de leur projet de la réflexion à la concrétisation.
À leurs côtés, des mentors aux profils très différents, dont l’expertise va permettre de mieux appréhender les questions que
les ‘talents’ se posent et les difficultés rencontrées. Des atouts précieux, comme le confirme Pierre Lambinon, chef et patron
du Py’R à Toulouse, et premier des quatre candidats ‘talent’ de la promotion 2014 à avoir atteint son but.
Talent Équip’Hôtel : Pierre Lambinon est un candidat heureux
P
ierre Lambinon
,
c’est d’abord
l’insolence de la jeunesse. BTS en
poche (obtenu à l’école hôtelière de
Toulouse), il effectue un stage dans les
cuisines du Louis XV à Monaco sous la
conduite de
Franck Cerutti
.
Il travaille
ensuite pendant deux ans auprès de
Daniel Gonzalez
à Rouffiac-Tolosan (31),
fait l’ouverture du Dorchester à Londres
(
l’un des restaurants d’
Alain Ducasse
)
et se perfectionne une dernière fois chez
Gérald Passédat
à Marseille, avant
d’ouvrir, le 5 novembre 2009, son propre
établissement dans la Ville rose : Le Py’R.
Le chef, et désormais patron, a tout juste
23
ans. Ce fils de médecin n’a pas froid aux
yeux, il aime ce qu’il fait ! En 2011, il reçoit
le prix Lucien Vanel, dans la catégorie
Gastronomie. Une
gastronomie qu’il a su
rajeunir”,
commentent les organisateurs
du trophée. Il œuvre alors dans un tout
petit établissement. Le coude à coude est
de rigueur, l’assiette précise et généreuse,
l’originalité séduisante.
Très vite cependant, notre cuisinier
se sent à l’étroit. Il veut pouvoir
s’exprimer davantage. Pierre Lambinon
se met alors en quête d’une nouvelle
affaire, plus grande, dans laquelle il
pourrait aménager ‘sa’ cuisine. Le rêve
de beaucoup de chefs. Equip’Hôtel
2012,
sous l’impulsion de sa directrice
générale,
Corinne Menegaux
,
dévoile le
programme Talent Equip’Hôtel, présidé
par Alain Ducasse. Des professionnels
qui ont entre 25 et 35 ans vont pouvoir
bénéficier d’un accompagnement
spécifique dans la réalisation de leur
projet d’entreprise. Equip’Hôtel a
constitué une équipe de mentors
et parrains qui aidera, encadrera,
conseillera. Mais attention, pour
participer, les dossiers présentés par
les ‘talents’ potentiels doivent déjà être
solides. Outre cette véritable machine
à réussir mise à leur disposition par
Equip’Hôtel, en 2014, une bourse
récompensera le meilleur des ‘talents’. Le
candidat Pierre Lambinon est sélectionné.
Nous sommes face à un double challenge,
résume alors Equip’Hôtel,
avec la
reprise d’un restaurant plus grand et la
vente du premier, et passer aussi d’une
surface de 180 m
2
à 450 m
2
.
Ce nouvel
établissement, situé dans le même quartier
que le précédent, reprendra le nom : Le
Py’R. La reprise porte sur un ancien
restaurant - situé à 500 mètres du premier
Py’R - avec travaux et notamment un
certain nombre d’autorisations à obtenir
auprès des Monuments historiques
-
brique toulousaine, façade classée...
Pierre Lambinon intègre une démarche
environnementale notamment dans
le traitement bio du bâtiment. Ses
objectifs pour mars 2013 : revoir tous les
aménagements, y compris l’isolation et
la toiture, et l’installation d’une cuisine
entièrement repensée.”
Ses attentes du
programme Equip’Hôtel concernent
le financement (la vente du premier
établissement correspond à l’apport du
second), l’expertise sur les travaux et la
démarche environnementale, celle en
management et recrutement, et enfin
celle en communication et réseau.
Plusieurs rencontres sont organisées
par Equip’Hôtel entre les différents
intervenants à Paris. Pierre Lambinon
peut également joindre directement
l’équipe d’experts.
DU CHEF DE CUISINE AU CHEF
D’ENTREPRISE
Le Py’R, version 2013, est finalement
inauguré fin avril. Qu’est-ce qui a été
le plus dur ou le plus compliqué ? Que
retenir de l’accompagnement ?
Sans
doute les candidats des ‘talents’ ont-ils
une vision ou une approche différentes,
estime Pierre Lambinon
.
En ce qui me
concerne, toutes les personnes que j’ai
rencontrées et sollicitées, comme
Laurent
Plantier
[
directeur général d’Alain
Ducasse Entreprise, NDLR],
Frédéric
Vardon
[
chef du 39V],
Jérôme Crépatte
[
propriétaire du Domaine de la corniche]
ou
Thierry Guérin
[
administrateur des
Designers’Days]
,
m’ont ouvert les yeux
sur ce que doit être un chef d’entreprise.
Par exemple, l’établissement est en
partie en sous-sol, cela fait partie de son
charme, mais il a été mal conçu à l’origine
et il y a de vrais soucis d’humidité.
Il a fallu déjointer, sabler, refaire,
installer une climatisation réversible,
aménager un système de
déshumidification qui
fonctionne quotidiennement,
mais en dehors des heures de
service. Il a fallu que je prenne
conscience des impératifs
techniques et des conséquences
de mes choix… Au début,
je ne voyais que l’aspect
cuisine. Cette plongée dans
le programme m’a obligé à
prendre du recul par rapport à la cuisine,
elle m’a appris à penser à mon business
plan, à me détacher, à me souvenir d’hier
pour faire bien aujourd’hui, à regarder
toujours un peu plus loin, à avoir une
dynamique d’entreprise. J’ai gagné du
temps en profitant de l’expérience de mes
mentors. J’ai pu limiter les erreurs parce
qu’ils m’ont alerté ou fait des suggestions.
Je suis quelqu’un de terrain et ils m’ont
permis de prendre la mesure des risques.
Je suis réellement heureux d’avoir pu
construire dans ces conditions-là.”
SYLVIE SOUBES
Vie professionnelle
Retrouvez la liste complète des mentors et parrains des Talents Equip’Hôtel et un
focus sur le Py’R version 2013 sur
BERNARD BOUTBOUL : “VOIR PLUS GRAND
EST TOUJOURS PASSIONNANT”
Le directeur général de Gira Conseil, auteur du Blog des Experts ‘Idées simples pour
doper les recettes de votre restaurant’ sur
, fait partie
de l’équipe des mentors. Trois questions pratiques à partir du cas Py’R.
Propos recueillis par Sy. S.
L’Hôtellerie Restauration :
Pierre Lambinon a choisi de passer d’un très petit
établissement à une structure nettement plus grande, permettant l’accueil de
groupes, par exemple. Quels conseils donner à un professionnel qui se trouve
dans cette position ?
Bernard Boutboul :
Voir plus grand est toujours grisant et passionnant. En plus de
vérifier, précisément, s’il y a unmarché pour agrandir la capacité d’accueil, il faut
toujours être vigilant sur ces autres aspects : la gestion humaine d’un volume plus
important, la gestion d’une clientèle auxmultiples attentes et enfin l’énergie à porter sur
telle ou telle activité du nouvel établissement en fonction de leur rentabilité respective.
Quand il y a changement d’établissement, êtes-vous favorable ou non à un
changement d’enseigne ?
Si l’enseigne que l’on reprend a une certaine notoriété due à son ancienneté et que
son image est positive, il vaut mieux la garder. Cela dit, on relance un établissement
et on attire l’attention quand celui-ci change de nom. Avant de prendre sa décision,
Pierre devait se poser notamment cette question : l’enseigne qu’il souhaite garder va-
t-elle correspondre à ce qu’il veut faire de son établissement dans les années à venir ?
Vous qui avez un recul certain sur la profession, qu’est-ce qui fait le succès
d’un restaurant, aujourd’hui, dans une ville comme Toulouse ?
Ce qui fait le succès d’un restaurant aujourd’hui est bien différent de ce qui le faisait y
a dix ou quinze ans. Les excès dans un sens ou dans l’autre ont fait que nous revenons
aux fondamentaux dumétier de restaurateur pour satisfaire et fidéliser des clients dans
lesmeilleures conditions de rentabilité. Ces fondamentaux sont au nombre de trois :
une assiette de qualité régulière, que l’on ne sait - ou que l’on ne peut - pas se faire à la
maison ; un personnel qui prend du plaisir à faire plaisir ; et des prix que seuls les deux
fondamentaux précédents pourront justifier. Cette équation paraît simple,mais dans la
réalité, elle est très complexe à résoudre au quotidien.
Pierre Lambinon
,
devant la plaque
Châteaux & Hôtels Collections de son
établissement.
Une étonnante cuisine en sous-sol, entièrement
conçue par le chef.
Un établissement en blanc et noir,
avec tables nappées et fauteuils.
© ARMELLE RAZONGLES