"J'ai entendu parler de yield management – aussi connu sous le nom de 'revenue management' - pour la première fois en 1995. Nous n'en étions alors qu'aux balbutiements de cette nouvelle façon de gérer des capacités disponibles, que ce soit dans le transport aérien, ferroviaire ou l'hôtellerie." Myriam Kournaf, directrice générale de l'hôtel Montalembert à Paris, se souvient avoir été, d'emblée, "très intéressée par ce dispositif : pourquoi aurait-on une carte de tarifs figée selon les saisons alors que l'on peut, à certaines périodes de la basse saison, vendre des chambres aux tarifs de la haute saison ?" Présenté comme cela, aucun hôtelier ne peut résister à la tentation de réviser sa gestion des réservations. Mais est-ce aussi simple que cela ? A-t-on toujours le temps d'appliquer à la lettre les préceptes du yield management ? Peut-on s'en sortir tout seul ? À qui faut-il demander de l'aide ?
Être titulaire d'une licence, d'un master ou sortir d'une école de commerce
Dans les grands groupes hôteliers, recruter un yield manager est devenu incontournable. Quel est le profil de ce pro du calcul ? "À Paris, sur 15élèves récemment devenus yield managers, les deux tiers avaient une licence ou un master de gestion hôtelière et le tiers restant sortait d'une école de commerce", précise Pierre Chevallier, directeur du programme 'tourisme et hôtellerie' au MBA de l'ESG Paris et professeur d'hébergement à l'école Grégoire Ferrandi. Le diplôme a donc son importance et il s'accompagne souvent de deux à trois années d'expérience dans le domaine de l'hébergement. Car un yield manager n'est un réceptionniste qui saurait se débrouiller avec un ordinateur. C'est une autre culture, une autre façon d'appréhender la gestion et surtout la rentabilité d'un hôtel. Pas question de faire du bricolage. À partir d'une méthode rationnelle de calcul des prix, le yield management permet d'apporter une solution optimale à la mise en adéquation de l'offre avec la demande. Il se base sur une tarification différenciée, autrement dit, une augmentation du chiffre d'affaires obtenue en contrôlant le volume vendu à chaque niveau de prix, pour chaque segment de clientèle. Il permet donc de valoriser le prix en période de forte demande et de tirer parti du volume en période de faible activité. Chambres et suites invendues ou manque de disponibilité pour les tarifs les plus élevés : ces sources de revenus peuvent être exploitées en analysant, puis en anticipant les comportements de demande de la clientèle.
Pour un yield manager, les perspectives d'évolution passent par le consulting dans un cabinet de renom, l'intégration d'un grand groupe hôtelier ou encore par la création de sa propre société. À l'image de Nicolas Kalpokdjian. Diplômé de l'Edhec Business School, il a enchaîné avec trois années d'expérience dans le contrôle de gestion, le management opérationnel et le yield management dans plus d'une vingtaine d'hôtels en France et à l'étranger. Aujourd'hui, il est à la tête de NK Hôtels, une société de conseils spécialisée dans le secteur de l'hôtellerie-restauration, qui accompagne des investisseurs désireux d'acquérir des hôtels, gère des établissements hôteliers via des contrats de gestion, mène des audits ou encore optimise des revenus d'hôtels liés au room service. Le 10 février dernier, il a également organisé, à l'Edhec de Nice, un colloque sur le yield management, avec Horatiu Tudori, directeur du programme Bachelor et professeur de revenue management à l'École hôtelière de Lausanne.
Miser sur une fédération de compétences
Si les grands groupes hôteliers et autres chaînes peuvent s'offrir les services d'un yield manager, alourdir leur masse salariale peut poser problème aux hôtels indépendants ou de petites taille. Au Montalembert - hôtel de 54 chambres appartenant à la famille Soldvila-, Myriam Kournaf a résolu la difficulté : "Nous gérons cela avec le responsable des réservations, qui est supervisé par le directeur adjoint de l'établissement." Et cette fédération de compétences fonctionne sans écueil : "Notre stratégie est affinée, le prix moyen de chaque chambre maximisé et notre taux d'occupation revu à la hausse." Quant aux hôtels de moins de 20 chambres, eux aussi peuvent imaginer 'yielder' leur établissement en formant et informant une partie de leur personnel à la différence entre RevPAR (revenu par chambre disponible), pick-up (nombre de nuitées prises entre deux dates), point mort (prix en dessous duquel une chambre ne peut être vendue) et prix rack (prix au-dessus duquel une chambre ne peut être vendue). À condition, toutefois, que ce ne soit pas à l'aide d'un système informatique ruineux. Car il n'y a pas d'avantage à adopter le yield management si sa mise en place ne peut être rentabilisée en l'espace de six mois.
Un premier salaire attractif
Dans un tel contexte, il y a donc fort à parier qu'à l'instar des compagnies aériennes, dont près de 80 % recourent à ce jour au yield management, l'industrie hôtelière soit le prochain secteur de prédilection pour le développement de cette activité. Si ce n'est pas déjà le cas aujourd'hui. Au Centre d'information et de documentation jeunesse (CIDJ) à Paris, on en est bien conscient. La preuve : lorsqu'ils évoquent le métier de yield manager, les conseillers du centre parlent d'une profession "qui a le vent en poupe". D'autant plus que celle-ci affiche un salaire brut mensuel de débutant plutôt attractif, estimé entre 2 300 et 2 900 €, selon le CIDJ.
Publié par Anne EVEILLARD