Bail à l'américaine : quelle est la valeur locative de renouvellement ?
Question posée sur la fiche pratique :
Faire baisser son loyer : les différentes possibilités
Le loyer d’un bail commercial 3-6-9 provient d’un accord entre le propriétaire et le locataire. Le commerçant peut toutefois faire baisser son loyer en cours de bail, tous les trois ans (révision) ou à son terme, au bout de neuf ans (renouvellement). Des clauses initialement prévues peuvent également faire baisser le loyer à une échéance plus courte (un an, 6 mois...)
Le principe : une révision indexée sur l’ILC
Tous les trois ans, le locataire peut demander la révision à la baisse du montant de son loyer. En principe, celle-ci est plafonnée : elle est indexée sur l’indice des loyers commerciaux (ILC). Cet indice de référence remplace celui du coût de la construction (ICC), qui était trop fluctuant et au détriment du locataire.
La demande de révision peut être faite dès le lendemain de l’expiration de la période triennale par acte d’huissier ou lettre recommandée avec accusé de réception. Le locataire doit vérifier que le loyer plafonné du bail renouvelé n’excède pas la valeur locative. Si tel est le cas, il peut réclamer la fixation du loyer à la valeur locative plus basse. Cet aspect est intéressant pour demander une baisse des montants des loyers.
La dégradation de facteurs locaux de commercialité (exemple : l’absence de tourisme dans de nombreuses villes) pourra permettre ainsi d’obtenir ces baisses de loyer. Le juge devra aussi opérer cette vérification (Cass. 3e civ., 12 nov. 2020, n° 18-25.967).
Si l’ILC est en baisse au moment de la demande de révision, alors il devra s’appliquer ; aucune clause contraire n’est possible (Ccass. 3e civ. 14 janvier 2016, n° 14-24.681 rappelé par CA Paris, 7 février 2018, n° 16-07.034). Si tel était le cas, elle serait nulle (Cass. 10 septembre 2020, Cass.11 mars 2021, Cass.12 janvier 2022, 3e civ, pourvoi n° 21-11.169, CA Versailles, 12 janvier 2023, n° 21/01893).
La loi interdit par ailleurs qu’une clause indexant le loyer sur la variation d’un indice se réfère à une durée de variation de l’indice supérieure à la période de révision (article L-112-1 du Code monétaire et financier - Cass. 3e civ., 6 févr. 2020, n° 18-24.599).
Les exceptions
La clause d’échelle mobile et la clause recettes
Une clause d’échelle mobile ainsi qu’une clause recettes peuvent être conclues avec le propriétaire des murs afin de réviser le loyer à tout moment.
Dans ces deux situations, le locataire peut obtenir la baisse de son loyer, soit parce son montant réel actuel a diminué de plus d’un quart (clause d’échelle mobile), soit parce qu’il subit une diminution de son chiffre d’affaires (clause recettes). Le contexte économique favorise ce type de clauses. Celles-ci peuvent néanmoins se retourner contre le locataire en cas d’augmentation des recettes, car elles peuvent faire baisser comme augmenter le loyer.
Lorsque le bailleur accepte finalement de renouveler le bail au preneur alors qu’il l’avait initialement refusé, il ne peut pas modifier substantiellement les modalités de fixation du loyer.
Dans cette affaire, le bailleur avait exercé son droit de repentir et proposé dans son offre de renouvellement de bail, le remplacement de la clause recettes faisant varier le loyer en fonction du chiffre d’affaires réalisé par le locataire, par une clause de loyer fixe. Le juge a refusé ce remplacement en énonçant que “l'exercice par le bailleur de son droit de repentir emporte renouvellement du bail et ne peut comporter la proposition d'un nouveau bail incluant une modification substantielle des modalités de fixation du loyer” (Cour de cassation, Civ. 3e, 12 septembre 2019, n°18-18-218).
La baisse du loyer en l’absence de clauses dans le bail
-La baisse du loyer possible du fait de la dégradation des facteurs locaux de commercialité Il est aussi possible de faire baisser le loyer au bout de 3 ans (et même tous les 3 ans) si les facteurs locaux de commercialité se dégradent. Les facteurs locaux de commercialité sont des éléments commerciaux locaux. Ils correspondent à la situation du commerce et à l’intérêt qu’il représente, en fonction des autres commerces, de l’attrait du quartier, de la rue ainsi que des moyens de transport disponibles. Ainsi, la baisse des facteurs locaux de commercialité peut être prouvée par la baisse substantielle du nombre d’habitants autour du local ou du nombre de bureaux, la disparition d’un commerce de grande notoriété, d’un service administratif, d’une grande entreprise ou encore la suppression de lignes de transports publics…
La baisse importante du tourisme liée aux mesures gouvernementales prises face à la crise du Covid-19 justifie une demande de baisse de loyer si le commerce est situé dans une ville touristique et que le tourisme dans cette ville a disparu, même provisoirement, ou si le tourisme a baissé.
Si cette dégradation a entraîné une baisse de fréquentation du commerce considéré et a un impact direct sur l’activité du locataire, il peut s’en servir afin de faire baisser son loyer. Le locataire pourra demander à un expert, par exemple inscrit sur la liste des experts judiciaires de la Cour d’appel dont il dépend, d’évaluer la valeur locative civile dégradée. Cette évaluation, destinée à donner aux locataires commerçants une fourchette du montant actuel du loyer, peut aussi être faite par des agences spécialisées. Elle pourra être le moteur d’une demande de baisse par le locataire à titre amiable de son loyer. Elle pourra aussi être un élément pour le juge pour ordonner une expertise. Mais, elle pourra moins fréquemment servir à ce que le montant du loyer soit provisoirement fixé au montant qu’elle retient.
Par exemple, dans un cas où le bail prévoyait seulement une clause de révision tous les trois ans de fonction de la variation de l’indice du coût de la construction, le locataire a effectué une demande de renouvellement du bail à son terme, en demandant la baisse de son loyer qu’il jugeait excessif. La cour a rappelé qu’il convenait de maintenir le loyer en attendant l’issue de l’expertise judiciaire au montant appliqué à la date de la demande en renouvellement effectuée par le preneur, et non à la date du congé donné par le bailleur (cour d'appel d'Aix-en-Provence, Pôle 01 ch. 07, 30 septembre 2021, n° 19/06743).
La modification des facteurs locaux de commercialité doit entraîner une variation de plus de 10 % de la valeur locative afin que le bailleur puisse voir déplafonner le loyer au-delà de l’indice ILC. À défaut, il ne pourra pas y avoir déplafonnement du loyer. La hausse du loyer résultant de l’amélioration des facteurs locaux de commercialité est aussi plafonnée et ne peut conduire à des augmentations supérieures pour une année à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente. Toutefois, ce lissage prévu par la loi Pinel n’est pas d’ordre public (cour de cassation, 3e civ. avis n° 15004 du 9 mars 2018, n° 17-70.040).
Le locataire devra être vigilant car s’il fait des travaux, le bailleur peut faire augmenter le loyer du bail renouvelé sur la base d’une amélioration des caractéristiques des lieux loués (exemple : création d’une surface de vente nouvelle).
En l’espèce, au cours du bail, des lieux loués destinés initialement à l’activité de vente à emporter, snack-bar, débit de tabac, presse, loto et jeux, les locataires avaient ajouté une activité de restauration servie à table. La clause du bail prévoyait l’accession par le propriétaire, des travaux en fin de jouissance, mais lui interdisait de déplafonner le loyer à la valeur locative. La cour a considéré que le bailleur pouvait se prévaloir de l’amélioration des facteurs de commercialité du fait de l’augmentation de la population de la commune (Cass. 3e civ, 13 avril 2022, 19-24.068).
Le locataire commercial devra donc être vigilant, car le bailleur peut être tenté de lui imposer des clauses ou un avenant à cette augmentation plafonnée. Le bailleur peut aussi être tenté de lui imposer des dérogations déguisées pour contourner la règle des 10 % maximum par an : ainsi, exiger du locataire, à la signature du bail, un pas-de-porte constituant un supplément de loyer déguisé supérieur à une hausse de plus de 10 % par an sur 9 ans.
De même, il conviendra que le commerçant locataire fasse attention aux travaux qu’il réalise dans les locaux en cours de bail. Non seulement ils peuvent devenir la propriété du bailleur si une clause du contrat le prévoit, mais aussi servir à une amélioration de facteurs locaux de commercialité pouvant entraîner une augmentation du loyer lors du renouvellement du bail (ou avant si une clause le prévoit).
Ainsi, les travaux réalisés par le locataire commerçant sont la propriété du bailleur lorsque : - une clause d’accession le prévoit dans le bail ; - en cas de cession de fonds de commerce, lorsque l’acte ne comporte pas de manière détaillée tous les éléments corporels et incorporels inclus dans la cession. En l’espèce, l’acte ne ventilait le prix de cession qu’entre éléments corporels et incorporels, sans référence à des travaux immobiliers ; - la cession par le professionnel (SCP) de son fonds à une société (SELARL), même composée des mêmes salariés, professionnels et matériels, a entrainé une fin de jouissance du locataire précédent (SCP) et donc l’accession du bailleur à la propriété des travaux réalisés par le commerçant en vertu de la clause d’accession figurant au bail ; - les travaux effectués par le preneur portent sur des améliorations significatives. En conséquence, le régime des améliorations doit prévaloir sur celui des modifications en cas de demande de déplafonnement du loyer (Cass. 3e civ, 7 septembre 2022, n°21-160613).
Pour fixer le montant du loyer d’un bail renouvelé, le juge doit prendre en compte le loyer initialement convenu entre les parties lors de la signature, et non celui révisé trois ans auparavant par décision judiciaire (au cours du précédent bail). Ce loyer révisé au cours du bail précédent et fixé par le juge ne justifie pas le déplafonnement du loyer à la valeur locative (Cass. 3e civ, 11 avril 2019, n° 18-14,252).
Ainsi, si le locataire commercial ne peut pas obtenir la baisse de son loyer auprès du juge du seul fait que les commerces voisins aient renégocié à la baisse leurs loyers avec le même bailleur (Ccass. 3e civ. 25 octobre 2018 n° 17-22129), il peut s’assurer, tout d’abord, que l’augmentation du loyer déplafonné n’excède pas la valeur locative.
Le commerçant exploitant peut aussi et surtout obtenir une baisse de son loyer lors d’un bail renouvelé en prouvant la baisse de la valeur locative. À cet égard, il n’existe pas de limite légale quant à la baisse du loyer susceptible d’intervenir. L’absence de limite quant à la baisse de loyer susceptible d’intervenir est (Cass. 3e civ., 12 nov. 2020, n° 20-15.179). C’est intéressant pour le locataire, car il peut, par exemple, faire baisser le loyer de moitié si cela s’y prête.
- Le déplafonnement du loyer à la valeur locative aux termes des 12 ans Le locataire doit demander le renouvellement de son bail au propriétaire six mois avant son terme, soit huit ans et demi après sa conclusion par acte d’huissier, et peut le faire après son terme.
Il faut cependant faire attention à cette date afin d’éviter le déplafonnement du loyer à la valeur locative quand le bail atteint douze ans sans avoir été renouvelé, c’est-à-dire quand le locataire a laissé passer les douze années.
Lorsque la durée du bail commercial excède douze ans, par tacite reconduction, la loi prévoit ainsi un déplafonnement possible du montant du loyer, aussi bien à la hausse qu’à la baisse.
De même, si des activités complémentaires ont été ajoutées (générant du chiffre d’affaires) ou supprimées (pouvant entraîner une baisse de chiffre d’affaires). Ainsi, si la valeur locative des locaux loués a augmenté, il est déconseillé au locataire d’attendre douze ans sans faire de demande de renouvellement de bail, car il s’exposerait à un déplafonnement à la hausse du loyer.Cependant, il pourra effectuer lui-même une demande de baisse de loyer si la valeur locative a baissé.
Compte-tenu de l’impact de la crise sanitaire liée au covid-19, le locataire de locaux d’une ville touristique a intérêt à faire une demande de baisse de loyer actuellement si ses pertes sont importantes.
- Le cas des hôtels La branche hôtelière connaît une spécificité due au local d’affectation de l’hôtel. En effet, l’hôtel peut être considéré comme monovalent, c’est-à-dire que le local ne peut pas être affecté à un autre usage sans des travaux importants et coûteux au sein de l’immeuble.
Lors du renouvellement du bail, le montant du loyer sera calculé en fonction du chiffre d’affaires théorique de l’hôtel, soit par la méthode hôtelière (utilisée par le juge) associant le taux d’occupation maximal puis réel de l’hôtel avec les valeurs locatives brutes et nettes, soit par la méthode immobilière associant le chiffre d’affaires avec le coût d’investissement pour le locataire. Le montant du loyer des baux hôteliers est soumis à des hausses qui peuvent être importantes. Le prix du bail renouvelé à usage hôtelier doit être fixé à la valeur locative selon la méthode hôtelière dite actualisée, c’est-à-dire que l’on applique un taux sur la recette théorique maximale déterminée à partir d'un prix moyen praticable (rappel du TJ Paris, 23 janvier 2020, n° 17/10268).
Il sera alors dans l’intérêt du locataire commercial de démontrer le caractère polyvalent de son local, afin de ne pas subir d’augmentation de loyer automatiquement fondée sur la valeur locative. La polyvalence des locaux sera notamment caractérisée lorsque les deux activités seront importantes et autonomes. Par exemple, un hôtel et un restaurant disposant d’entrées distinctes dans l’immeuble. Le restaurant avait sa clientèle propre et les locaux pouvaient tout à fait servir à l’exploitation d’un bar ou d’une boutique (CA Aix-en-Provence, 25 avril 2019, n° 15/18290).
Compte-tenu de la crise sanitaire liée au covid-19 et des mesures qui en ont découlé, l’hôtel peut demander la baisse de son loyer du fait de l’absence d’occupation des chambres (suite aux mesures gouvernementales prises en 2020 et 2021), puisque le calcul du loyer sera basé sur ce taux d’occupation souvent quasiment inexistant.
Fonds de Commerce |
jeudi 3 mai 2018
vendredi 10 mars 2023
Bonjour,
Lors du renouvellement du bail dit à l'américaine, c'est à dire sans droit de bail versé lors de la conclusion initiale, quelle est valeur locative du bail au terme des neuf années ?
Faut-il considérer que le surloyer payé pendant les neuf années du bail a compensé l'absence de versement du droit d'entrée auquel cas le loyer sera minoré lors du renouvellement ou bien que le surloyer est pérenne compte tenu du modèle retenu au départ ?
En vous remerciant de votre éclairage
Bien à vous
Yves
lundi 27 mars 2023
Fonds de Commerce