Azmina Goulamaly : Depuis 2012, la moitié des poissons destinés à la consommation humaine sont issus de l'élevage. Selon The Economist, la production aquacole dépasse celle de viande dans le monde. Mais elle est peu diversifiée : 50 % des volumes reposent sur seulement 18 espèces. C'est l'Asie, en particulier la Chine, qui domine la pêche et l'élevage avec 60 % de la production. Avec actuellement 800 millions d'êtres humains souffrant de malnutrition chronique et 2 milliards d'humains de plus en 2050, il est essentiel de développer une aquaculture qui préserve les ressources de la planète, pour éliminer la faim, promouvoir la santé et la réduire la pauvreté.
Il y a une vraie opportunité pour la France qui, avec plus de 11 millions de km2, dispose de la deuxième surface maritime exploitable après les États-Unis, grâce aux territoires d'Outre-mer. Le pays est le deuxième producteur européen en aquaculture, avec 146 000 tonnes pour la conchyliculture et 40 000 tonnes pour la pisciculture en eau douce. Le secteur emploie 17 000 personnes, mais il est fragile.
Quels seront les défis de l'aquaculture pour contribuer à nourrir la planète ?
Ils sont nombreux : la qualité nutritive, la faisabilité technique, la qualité écologique liée au maintien de la biodiversité et la viabilité économique. La qualité nutritive est le premier enjeu. Les poissons sauvages sont exposés à divers contaminants qu'il est difficile de contrôler. Pour les poissons d'élevage, la qualité nutritionnelle dépend essentiellement de leur nourriture. Les acides gras viennent de l'huile de poisson dont ils sont nourris ; l'aquaculture consomme 75 % de l'huile de poisson produite à partir de la pêche de poissons sauvages. Réduire cette proportion pour préserver la ressource halieutique risque d'aboutir à une production avec une teneur en acides gras moins bénéfique. Une consultation d'experts réunie par l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'Organisation mondiale de la santé en 2010 a conclu que les bénéfices l'emportent de loin sur les risques d'éventuels contaminants alimentaires, même avec une consommation quotidienne.
L'aquaculture doit préserver les écosystèmes…
C'est un enjeu majeur. Une aquaculture mal conçue devient vite un menace pour l'environnement parce qu'elle détruit les écosystèmes, appauvrit les sols et rend les terres inutilisables. Une aquaculture de mauvaise qualité peut être un vecteur de diffusion de maladies ou de pollutions génétiques : par exemple, des saumons OGM qui s'échappent des parcs. Ces enjeux posent la question de la faisabilité technique : saurons-nous lutter contre la propagation des maladies ? Comment développer la reproduction en captivité de quelques espèces tout en maintenant la biodiversité ?
Il y a donc un modèle économique à trouver ?
Le prix de l'aliment intrant sera déterminant pour le développement de l'aquaculture. Il va s'agir de remplacer l'huile de poisson par des substituts végétaux moins onéreux et bénéfiques pour la ressource halieutique. Pour l'instant, le résultat n'est pas équivalent. Le développement de l'aquaculture nécessite aussi l'attribution de zones spécifiques qu'il faut rendre compatibles avec les autres usages comme la pêche et le tourisme. La valeur de l'eau et sa répartition sont aussi à prendre en compte.
Le poisson surgelé génère moins de gaspillage que le poisson frais…
En 2012, 46 % des produits ont été gérés en frais, 12 % séchés, salés ou fumés, 13 % en conserve et seulement 29 % surgelés. Notre préférence pour le poisson frais est une source importante de gaspillage alimentaire. Les techniques actuelles de surgélation permettent de proposer des produits de qualité au moins équivalente au frais.
Publié par Jean-Luc Fessard, Transition Verte et Bleue, Auteur du Blog des Experts