La clause d'exclusivité directe permet à un fournisseur n°1 d'imposer à un exploitant de CHR de s'approvisionner uniquement chez lui, donc de lui interdire de s'approvisionner chez un fournisseur n°2 (ou DA). Cette exclusivité ne peut pas dépasser 10 ans, et elle va d'ailleurs de moins en moins souvent jusqu'à cette durée. L'exploitant du CHR doit respecter cette obligation, sauf si le fournisseur ne peut plus livrer le produit de référence réclamé par la clientèle.
L'exploitant du CHR évitera de laisser au libre choix du fournisseur de boissons (ou DA), la désignation des produits qu'il achète, et a fortiori le volume. Le professionnel a besoin de vendre des bières ou autres boissons (alcool ou non) variées et surtout adaptées aux besoins de sa clientèle (envies qui peuvent évoluer au fur et à mesure du temps). Ainsi, au moment de la négociation, il doit donc mettre les diverses marques en concurrence.
Par la suite, l'exploitant peut :
- renégocier le contrat, notamment au regard des offres de la concurrence, ou
- en cas d'échec de la négociation avec son fournisseur de boissons, faire reprendre par un fournisseur n°2 ou distributeur, les obligations qu'il a contractées avec le fournisseur n°1 : cette possibilité est offerte si le contrat de bière contient une clause le lui permettant ou si le fournisseur n°1 (ou DA) est d'accord. L'exploitant du CHR renégociera alors avec le fournisseur n°2 de nouvelles clauses notamment le prix librement.
► Les volumes d'approvisionnement
L'exploitant doit faire attention à ne pas s'engager sur des volumes d'approvisionnement dépassant ses capacités financières et la capacité du CHR de vendre ces boissons à sa propre clientèle.
La proportion du volume d'approvisionnement s'apprécie notamment par l'antériorité de l'exploitant : il faut examiner combien de volume de bière ou d'alcool, il a vendu les années précédentes.
Le fournisseur (ou DA) peut également consentir un prêt à l'exploitant à taux d'intérêt rémunéré : le fournisseur agit alors comme une banque.
Dans ces cas là, il peut être judicieux pour l'exploitant de CHR de mettre en concurrence les banques et les fournisseurs (ou DA également) sur les taux d'intérêt. Un taux d'intérêt de 1 à 2,5 % est généralement pratiqué par les banques.
Un nantissement sur le fonds de commerce peut être exigé de l'exploitant, comme d'ailleurs d'une banque, avec des frais. L'exploitant doit être vigilant quant à l'étendue et le montant de la garantie qu'il donnera au fournisseur (tout comme s'il passait par une banque).
► Le prix et la faculté pour l'exploitant de faire baisser le prix des boissons
L'exploitant du CHR peut faire insérer dans le contrat d'approvisionnement une clause indiquant que le fournisseur (ou DA) lui fournira son barème de prix et ses conditions générales de ventes avec les mêmes clients de même nature dans la région.
Il faut veiller à ce que :
- le prix des boissons soit raisonnable par rapport à ses concurrents,
- il ne puisse être modifié unilatéralement par le fournisseur (ou DA),
Il n'a pas le même poids qu'une centrale d'achat qui va négocier en masse les tarifs avec le fournisseur (ou le DA) de boissons pour s'approvisionner à des prix ultra préférentiels. Cependant, il a intérêt à être aussi compétitif que lui. À ce propos, lire l'article sur l'intérêt de passer par une centrale d'achat en cliquant ici.
Pour rester compétitif, le professionnel a intérêt également à mettre à disposition de sa clientèle des marques de bière ou de boissons qui ne sont pas vendues au supermarché d'à côté. Par exemple, une bière régionale.
Une autre solution consiste à changer ses sources d'approvisionnement, à savoir : s'approvisionner en bière ayant un degré d'alcool réduit ou s'approvisionner auprès de fournisseurs (ou DA) agréés moins importants.
• L'approvisionnement en bière avec un degré d'alcool réduit : les droits d'accise (douane) sont fixés par arrêtés (cf. arrêté du 27/12/2016 applicable du 1/1/17). En pratique, ils sont réglés par l'exploitant du CHR au fournisseur (ou DA) qui les reverse à l'État. Ils passent inaperçus parce qu'ils sont inclus dans le prix de vente de la bière ou de l'alcool que va payer l'exploitant du CHR au fournisseur (ou DA).
• L'approvisionnement auprès de fournisseurs (ou DA) agréés moins importants : dans ce cas, les droits d'accise seront en principe, divisés par deux. Il en sera ainsi lorsqu'un fournisseur ne produit pas plus de 200 000 hectolitres par an. Il y aura ainsi une minoration du droit d'accise à 3,70 euros (au lieu de 7,41 €) l'hectolitre quel que soit le degré alcoométrique de la bière.
Par exemple, pour une bière à 6 degrés d'alcool, l'exploitant d'un CHR paiera, en principe, un droit d'accise à son fournisseur de 22 centimes (au lieu de 44 centimes) le litre de bière. Soit 3,70 euros X 6 degrés = 22,2 /100 litres = 0,22 euro le litre (au lieu de 7,41 euros X 6 = 44,46/ 100 litres =0,44 euros le litre). Ce qui est une économie de 6 600 euros par an pour un Bar PME ayant une consommation moyenne de 300 hl/an.
Ainsi, le fournisseur (ou DA) n°1 acceptera donc la plupart du temps, de renégocier ses tarifs à la baisse pour ne pas subir la concurrence du fournisseur n°2, et fidélisera donc son client.
En l'absence de réduction du prix par le fournisseur, l'exploitant du CHR peut négocier un nombre offert de bouteilles, de manière à combler une remise commerciale faible au niveau du prix. Les offerts sont souvent utilisés par les fournisseurs (ou DA) pour combler les différences de prix d'achat entre les centrales d'achat et les exploitants de CHR.
► Autres conditions
L'exploitant doit avoir en tête que le fournisseur peut imposer :
- des frais d'entretien, de nettoyage, l'assurance et les réparations de la pompe à bière ou des fûts, ou du matériel mis à disposition,
- une utilisation exclusive de co2 ou d'un mélange d'azote tiré du co2, le stockage des fûts dans un endroit propre et aéré, le respect des dates limites de mise en perce, le rinçage à l'eau au moins une fois par semaine.
Enfin, dans les contrats d'approvisionnement, le fournisseur (ou DA) peut mettre, dans certains cas, à la charge de l'exploitant du CHR l'obligation de faire respecter par son acquéreur ou son futur locataire gérant, les obligations issues du contrat qu'il a lui-même signé au départ.
Publié par Maître Sophie Petroussenko, Avocat à la Cour, cabinet d'avocats Petroussenko
jeudi 30 mars 2017