La photo en noir et blanc du Restaurant de La Réserve a fait rêver Marc Dussoullier comme des milliers de Niçois. Mais de la gloriette et de la goélette où les dames de la Belle-Époque venaient prendre le thé et se restaurer, perchées à plus de 6 mètres au-dessus de la mer, il ne reste rien hormis un bout de coque sur le rocher. "Je n'ai connu que le plongeoir de l'architecte Livieri. C'une belle oeuvre de style Art déco bâtie sur le site en 1942 et aujourd'hui et classée aux Bâtiments de France. Tous les Niçois venaient y plonger", raconte Marc Dussoullier, co-gérant du restaurant La Tonnelle de l'île Saint-Honorat et fondateur du Jardin des chefs, une société d'organisation de réceptions. Il y a cinq ans, décidé à monter un projet de restauration à Nice - "ce ne pouvait être que là !", il s'était rapproché des propriétaires du site, également propriétaires de La Réserve voisine, pour en étudier la faisabilité.
"Le défi était de d'intégrer une exploitation dans un lieu historique, avec des techniques adaptées et dans le respect des nouvelles normes, raconte Marc Dussoullier. J'ai imaginé deux espaces de restauration confortables sur les principaux rochers, un bar qui ferait la liaison entre les deux, un espace lounge posé sur l'eau en lieu et place du vivier initial et une cuisine centrale ouverte sur la mer et sur le passage pour créer un premier lien avec le client. Avec l'architecte cannois Yann Priou, j'y ai consacré deux ans. Le projet allait être soumis à des autorisations spécifiques et j'ai voulu prendre le temps nécessaire pour ficeler un dossier recevable. Un bon travail en amont avec les personnes concernées est un précieux gain de temps et d'argent, surtout quand le projet est atypique."
De nombreuses contraintes réglementaires
Parmi ses interlocuteurs : les Bâtiments de France, les Affaires maritimes et la mairie de Nice. "Les premiers défendent l'idée que les lieux historiques doivent garder leur âme. Je suis du même avis, précise le professionnel. Le plongeoir historique a donc été intégré au projet. Nous lui avons rendu sa beauté initiale. Par contre, son accès a été condamné et il ne joue plus qu'un rôle décoratif. Ensuite, le projet, même s'il relève du domaine privé, est directement sur la mer et a donc nécessité des autorisations spécifiques comme pour la réfection des passerelles entre les différents espaces. Il n'en subsistait rien et il n'était pas question d'échafauder dans l'eau. Nous avons donc travaillé depuis le bord de mer via des grues et par la mer, sous contrôle."
Autre réflexion d'importance liée à la situation marine du projet : le choix des matériaux. "L'air salin est très corrosif. J'ai donc choisi des matériaux qui vont durer, comme pour un bateau. Bien sûr, cela triple les prix." Bois traité et inox 316, ferraillages et bétons spéciaux, mais aussi luminaires, appareils technologiques, mobilier : au-delà des normes, Marc Dussoullier a aussi joué la carte de l'esthétisme et a privilégié le bois et les couleurs claires et marines. Même l'ascenseur, construit pour être aux normes d'accessibilité, est transparent pour ne pas dénaturer le site.
"Quand nous avons débuté les travaux, il s'est passé quelque chose d'extraordinaire, souligne Marc Dussoullier. Les gens sont venus nous encourager, nous féliciter de redonner vie au site, ils ont pris des photos et cela a été une source de motivation supplémentaire pour nous. Le chantier, géré par l'Entreprise générale monégasque, s'est très bien déroulé et a été livré dans les délais, fin mai. Les corps de métier ont fait leur travail correctement. Tous ces témoignages gratuits, c'est sûr, ont suscité une certaine fierté auprès des équipes et l'envie d'être à la hauteur."
Publié par Anne SALLÉ