Les nouvelles contraintes réglementaires ont donné un coup de frein aux projets de créations d'hôtels neufs. Du coup, le profil des investisseurs a changé. Les spéculateurs sont allés voir ailleurs en laissant la place à des hommes d'affaires impliqués par l'exploitation et conscients des risques de la profession.L'hôtellerie en France s'est vu changer les règles du jeu de la création d'hôtels neufs depuis un an et demi, avec la suppression des possibilités de défiscalisation pour les non exploitants intervenue en janvier 1996 (hors Dom-Tom) et l'extension de la loi Raffarin sur l'hôtellerie en juillet 1996. Dès lors, les choses ont effectivement changé à l'échelle des candidats à l'investissement en hôtellerie, sachant que les banques ne sont pratiquement plus là pour les aider et que le secteur est victime d'une image publique (à tort ou à raison) de "cimetière financier". Mais s'il y a toujours des investisseurs en hôtellerie, c'est surtout leur profil qui s'est modifié. Il y a schématiquement deux types de personnes (morales ou physiques) qui financent l'hôtellerie : les investisseurs purs cherchant à placer leur argent ou à réaliser une plus-value financière et les personnes qui souhaitent exploiter elles-mêmes un hôtel et qui raisonnent en principe sur du long terme. Chez les premiers, autant dire que la disparition des avantages fiscaux a du coup éliminé du marché les spéculateurs de tout poil. "Beaucoup de promoteurs, mais surtout de grands contribuables sont allés rêver ailleurs que dans l'hôtellerie", explique un responsable du tertiaire d'une grande banque. Exit les professions libérales qui jusque-là considéraient le secteur comme un bon placement financier. Bien qu'il en existe encore, il semble que les marchands de biens achetant un hôtel pour le revendre quelques mois après à un exploitant, se sont calmés sur ce marché. "On rencontre à présent chez les investisseurs non exploitants des sociétés et des hommes d'affaires qui ont une forte notion du risque que représente l'hôtellerie, commente Gwenaël Garçon, directeur du développement de Choice. Ils sont non seulement sensibles aux prix de revient mais regardent de près la situation du marché et l'existence réelle de possibilités de rentabiliser l'exploitation. Ils sont également très impliqués par l'exploitation même s'ils ne gèrent pas directement l'hôtel."
Pour les exploitants cherchant à faire l'acquisition d'un hôtel, on trouve de plus en plus d'anciens cadres de grands groupes hôteliers ou non, qui se lancent dans l'exploitation. Pour eux, c'est un moyen après un licenciement par exemple, de repartir à zéro et de se lancer dans un nouveau métier, en y investissant son temps et son argent. Mais ce sont moins des amateurs en recherche de grandes sensations, comme on en a croisés souvent, que de véritables entrepreneurs qui associent leur projet à une affaire comme une autre. Cela marche surtout pour les hôtels-bureau. La restauration décourage la plupart des investisseurs-exploitants, jugée trop risquée ou trop compliquée à gérer. Les chaînes hôtelières superéconomiques reçoivent également des demandes marginales mais réelles, d'investisseurs à la recherche d'un emploi et qui voient là un moyen de se créer leur propre job. L'idée que ce type d'hôtel nécessite peu de personnel et qu'il n'y a pas de restaurant, leur semble faire passer l'hôtellerie comme un métier très accessible. Bien des gens sont restés également sur le préjugé que ces hôtels rapportent beaucoup d'argent, que l'hôtellerie est un secteur profitable et qu'ils peuvent y réussir de bonnes opérations. "Il y a aussi des investisseurs qui veulent offrir un hôtel superéconomique à leurs enfants, histoire de les sortir du chômage. Ce sont en général des gens qui ne connaissent pas bien le milieu", évoque Jean-François Martinez, de la direction du développement de Hôtels et Compagnie. Plus globalement bien sûr, on trouve toujours les fantaisistes, comme celui qui possède 500.000 francs et qui veut construire un hôtel ou encore celui qui croit que le seul fait de poser une enseigne de chaîne connue va lui remplir immédiatement son hôtel toute l'année, sans rien faire. Pourquoi pas. Mais, tout le monde s'accorde pour dire que ces utopistes ne sont plus légion. L'hôtellerie est enfin prise au sérieux chez les investisseurs et on y joue de moins en moins au Monopoly.
"Ceux qui lancent des démarches pour entreprendre dans l'hôtellerie, sont ceux qui ont mûrement réfléchi à leur projet et ont passés la plupart des caps et des obstacles préalables. Ils ont absorbé également les conseils de ceux qui disent qu'il faut éviter l'hôtellerie !", dit un assistant au tourisme et à l'hôtellerie d'une chambre de commerce. Il y a beaucoup d'hôteliers qui sont arrivés au terme de leurs remboursements d'emprunt contractés il y a 10 ou 15 ans et qui cherchent à réinvestir dans une nouvelle affaire. "Les investisseurs actuels sont à l'affût des opportunités de reprise d'hôtels en difficulté, surtout que les réouvertures d'hôtels ne sont pas soumis à la CDEC", analyse Jean-François Martinez. "La plupart des transactions que l'on observe actuellement se font sur des affaires en difficulté, mais qui ont des qualités intrinsèques. Ces difficultés sont liées soit à des hôtels qui avaient un fort taux d'investissement qui n'était plus supportable pour l'exploitation, soit liées à des affaires qui n'avaient plus les moyens d'investir", observe Gwenaël Garçon. Reprendre un établissement, le rénover et le relancer en le déclassant d'une catégorie sur son marché est en effet parfois profitable et économiquement intéressant. Mais, d'une part, la plupart des repreneurs d'hôtels ne sont pas prêts à réinvestir pour une remise à niveau du produit dont le coût peut atteindre celui de l'acquisition, et d'autre part, beaucoup d'établissements n'ont définitivement plus aucun avenir, même déclassés. "Certains bateaux ne tiennent plus que par la peinture." Pour autant, la plupart des receveurs de projets (banques, chaînes hôtelières...) qui rencontrent des investisseurs hôteliers, leur reprochent souvent de ne parler que de prix de revient, de montants de redevances, de coût d'achat, etc., en oubliant la réalité du marché hôtelier local. "Ce n'est pas parce qu'un terrain ou le rachat d'un hôtel est bon marché, qu'il y a des clients potentiels pour l'hôtel en suffisance. D'ailleurs, souvent le prix de revient bas est lié à l'inexistence d'un marché porteur", développe un responsable d'études de marché.
Il est clair que l'obligation pour les maîtres d'ouvrage d'hôtels neufs de présenter un dossier devant la CDEC, selon la loi Raffarin, en refroidit plus d'un. Et on ne sait toujours pas sur quelles volontés et sur quels critères ces commissions portent leur jugement. Cela demande un professionnalisme accentué que tous les candidats à l'investissement ne possèdent pas. Alors que depuis ces dernières années, on se contentait d'études de marché flash et légères, cernant à peine le poids économique d'un site, les investisseurs vont être à nouveau obligés de se lancer dans des études de faisabilité poussées, qui devraient indiquer sans détour quand un projet hôtelier est bon ou pas. Il est probable que les nouvelles contraintes réglementaires vont avoir un rôle déterminant d'assainissement du marché et qu'elles obligent déjà les investisseurs et ceux qui les soutiennent à se montrer sérieux. C'est vrai pour les rares créations neuves, mais cette tendance s'affirme aussi en ce qui concerne les reprises. Du côté des banques et des crédit-bailleurs, les stocks d'hôtels se réduisent et une reprise de la demande hôtelière est sans doute lente, mais effective. Gwenaël Garçon y voit d'autres aspects positifs : "Si le nombre de créations d'hôtels se restreint, cela nous permet de travailler sous des aspects désormais plus qualitatifs. Nous oeuvrons ainsi avec des gens qui ont plus de professionnalisme et cela nous apporte en tant que franchiseur des garanties supplémentaires, pour nous et pour le réseau". Pour ce qui est de l'image de l'hôtellerie, elle restera en revanche encore longtemps déplorable à l'échelle des financiers et des investisseurs. Une image et une rumeur publiques mettent des années avant d'évoluer dans le bon sens. Chat échaudé craint l'eau froide...
M. Watkins
Avec l'été, les familles reprennent la route et s'arrêtent dans des hôtels pour une étapes ou plus. Leur problème est de loger tout leur petit monde dans les meilleures conditions. Du côté des hôteliers, il y a deux camps opposés pour accueillir les familles : ceux qui en sont ravis et les autres.
Pierre et Martine sont partis en Val de Loire pour un week-end très attendu. Ils ont une petite tête blonde de 7 ans. "Il est adorable", disent-ils. On ne demande qu'à les croire. Aimant l'imprévu, Pierre et Martine ont recherché sur place un hôtel où se loger. "La recherche d'un hôtel au gré du chemin n'a pas été une sinécure. Soit les chambres étaient trop petites, soit les hôteliers nous accueillaient sans sourire quand ils voyaient notre fils, soit tout était facturé au prix fort (le lit, le petit déjeuner et le dîner de l'enfant)." Combien d'autres personnes comme Pierre et Martine se sont retrouvées dans ce cas. "En fait, les hôteliers aiment les familles, parce que cela représente une recette intéressante, mais ils n'aiment pas vraiment les enfants, quand ce ne sont pas les leurs", ironise un agent de voyages. Et c'est là le principal problème. "Les hôteliers de tous bords craignent les enfants plutôt qu'ils ne les détestent. C'est surtout au restaurant que c'est mal vécu. Pour eux les enfants crient, risquent de tirer la queue du chien d'un autre client, courent partout...", observe Jean Forest, directeur marketing du groupe Envergure.
Accueillir des familles ne concerne pas, évidemment, tous les hôteliers, selon la nature de leur hôtel et son emplacement. Mais certains s'y consacrent et d'autres pas. Pour autant, tous les hôteliers ne considèrent pas ce marché comme nuisible. Les chaînes hôtelières s'y sont jetées depuis pas mal d'années maintenant. Mais celle qui en parle le plus, et en a même fait un prétexte à communiquer, est Novotel. Elle en fait depuis 30 ans son véritable cheval de bataille. On dit même que les enfants accueillis hier, y emmènent leurs enfants d'aujourd'hui. Chaque année, arrivé le printemps et les premiers beaux jours, Novotel bat la campagne pour rappeler qu'elle fait tout pour que les enfants soient heureux dans ses hôtels. Tout a été pensé pour l'accueil des enfants très jeunes et plus âgés. La chambre et le petit déjeuner sont gratuits chez Novotel pour les enfants jusqu'à 16 ans, logeant dans la chambre de leurs parents ou grands-parents. La chaîne a mis en place des aires de jeux, des jeux de sociétés, des tables Lego. Il y a également tout le nécessaire pour s'occuper des bébés (rehausseur de chaise, chaise haute, chauffe-biberon, table à langer...). Enfin, outre les menus enfants, Novotel dispose d'objets, de cadeaux et de souvenirs spécialement créés pour les jeunes. Et enfin, chaque année elle offre de nouvelles figurines de Dolfi, la mascotte de l'opération. Il faut dire que Novotel a des facilités que ses consoeurs n'ont pas toutes. On peut héberger très confortablement dans ses chambres de près de 25 m2, jusqu'à quatre personnes. Enfin, pour marquer sa volonté, Novotel a fait signer à ses équipes une charte "Accueil des familles" qui les engage vis-à-vis de la clientèle. Et l'opération marche, car Novotel estime avoir accueilli en 1996 près de 450.000 enfants dans ses hôtels en Europe.
Si Novotel est globalement la seule chaîne hôtelière à communiquer largement sur son opération au travers de son réseau et des médias, elle n'est pas la seule à afficher une envie de bien accueillir les familles. Du côté des chaînes superéconomiques, 0 et 1 étoile, le problème est résolu. On paie un prix unique pour loger de 1 à 3, voire 4 personnes. Chez B & B, les chambres sont mêmes conçues d'origine pour les familles, avec une mezzanine pour les enfants et une salle de douches. Amusement garanti. Dans les autres catégories, presque toutes les chaînes hôtelières intégrées pratiquent la gratuité des enfants de moins de 12 ans, hébergés dans la chambre de leurs parents. Le petit déjeuner est en revanche moins souvent offert. Mais quelques enseignes se distinguent encore comme Sofitel, qui fait monter la gratuité jusqu'aux moins de 18 ans, ou encore Holiday Inn qui la lève jusqu'aux moins de 19 ans durant les week-ends et accorde la gratuité du petit déjeuner pour les moins de 12 ans. Chez Millenium Copthorne ou chez Intercontinental, la barre est fixée aux moins de 14 ans ; chez Bleu Marine et chez Mercure, c'est gratuit jusqu'à 16 ans et chez Climat de France, les moins de 13 ans paient zéro franc. Mais au-delà de ces règles, certaines chaînes recommandent à leurs hôteliers de ne pas facturer la deuxième chambre attribuée pour des enfants, si aucune chambre familiale n'est disponible. Pratiquement toutes les chaînes hôtelières ont un menu enfant, des jeux de coloriage pour les plus jeunes clients et certaines ont leur mascotte, comme Campanile avec Campi. La chaîne met également en teste des coins de jeux, avec téléviseur et cassettes de dessins animés pour les petits, dans un angle du restaurant. "Nous ne sommes pas les spécialistes des enfants, mais nous voulons au moins que les enfants ne refusent pas d'aller chez Campanile", commente avec un sourire Louis Crémèse, président de Campanile. Chez Mercure aussi on se dit moins spécialistes des enfants que Novotel peut l'être, ne serait-ce que parce que les hôtels sont tous différents les uns des autres et n'ont pas tous des chambres en suffisance adaptées à recevoir des familles. C'est d'ailleurs le principal problème des hôteliers indépendants aussi, qui disposent d'hôtels anciens, aux configurations très hétérogènes. Pour autant, certains hôteliers croient aux familles et ont cassé des chambres pour en faire des "familiales", spécialement aménagées. "Nous sommes près du Futuroscope et nos chambres familiales sont celles qui sont les plus demandées, toute l'année", dit un hôtelier de Logis de France qui a investi dans son établissement pour l'accueil des familles.
Les chaînes intégrées, même avec des hôtels non standardisés (à partir des deux étoiles), ont certainement plus de facilités pour recevoir des familles de par la taille de leurs hôtels. "Sur une capacité de plus de 50 chambres, il y a toujours au moins 10 chambres plus grandes que les autres", analyse Jean-Christophe Brugnon, directeur d'un hôtel de chaîne. Avec des hôtels plus petits, c'est plus difficile. C'est ce que vivent les hôteliers de Logis de France, par exemple, où la taille moyenne des établissements tourne autour de 18 chambres. La souplesse est en moins. Mais souhaiter la bienvenue aux enfants est avant tout une question de volonté et d'état d'esprit. "Si je commence à offrir le lit supplémentaire pour les enfants, j'ai un sérieux manque à gagner", s'indigne un hôtelier du côté de Saint-Malo. Mais on a entendu également ailleurs : "Ici, nous préférons les chiens aux enfants". Si l'hôtelier est maître chez lui, tous ne sont pas d'accord entre eux : "Ceux qui refusent les enfants, sont pourtant les mêmes à courir après les banquets de mariages et de communions où il y a entre un quart et un tiers des convives qui sont des enfants", fustige l'un d'entre eux... Ces dispositions rendent tendu le travail des chaînes volontaires pour mettre en place pour leur enseigne une politique cohérente et attractive commercialement. Si des chaînes comme Inter Hôtel, Arcantis, ou Elysées West Hotels ont obtenu de leurs adhérents la gratuité des enfants de moins de 12 ans, c'est moins avancé dans beaucoup d'autres réseaux où cela doit encore mûrir. La mise en place de conditions spéciales pour les familles est fortement recommandée chez Relais & Châteaux, mais en aucun cas imposée. Chez Logis de France, si proposer des menus pour enfants est obligatoire dans tous les restaurants de la chaîne (le prix tourne autour de 45 francs), il n'y a pas encore de politique globale pour l'hébergement des familles, en dehors des quelque 600 hôtels (tout de même) adhérant à Logis de France Service, la structure de commercialisation de la chaîne. "Les clients bénéficient de la gratuité pour l'hébergement des enfants de moins de 7 ans dans tous les Logis de France qui sont commercialisés par nous et inscrits dans notre centrale de réservations", explique Marie-Lou Lopez, directrice commerciale de Logis de France. On comprend que pour convaincre 3.700 hôtels indépendants, que regroupe la chaîne en France, à ouvrir leurs bras aux enfants de leurs clients, il faut une sacrée panoplie d'arguments. La gratuité des enfants est donc en général laissée par les chaînes volontaires à la discrétion des hôteliers, ce qui agace furieusement les tour- opérateurs, notamment anglo-saxons et nordiques, qui pour inscrire des hôtels dans leurs brochures ont besoin d'avoir cette garantie. Il paraît évident que les hôteliers ne savent pas sur quel pied danser dans l'accueil des familles. Il y a les adeptes de la chose et les frileux. Méconnaissance du fonctionnement de cette clientèle ? Préjugés ? On ne le sait pas. En tout état de cause, "mal accepter les enfants, c'est mal recevoir leurs parents". Le risque est grand de perdre des clients déjà si volatiles.
M. Watkins
La chaîne aux 363 hôtels remet au goût du jour sa prestation pour les enfants. Elle lancera à compter du 1er juillet prochain, de nouveaux menus pour ces chères têtes blondes, comprenant des croustillants de poisson ou de volaille et surtout un accès vers le buffet de desserts, ce qui est nouveau et était attendu. Le menu Campi pour les enfants sera vendu 39 francs, boisson comprise. La carte de menu de grand format pourra être coloriée et présentera des jeux sur le monde de l'informatique et d'internet.
L'HÔTELLERIE n° 2515 Economie 19 juin 1997