Attention, les apparences sont parfois trompeuses ! Discret derrière sa jolie moustache à la gasconne, ce diplômé de l'école supérieure de commerce de Toulouse, fils d'hôtelier et petit-fils de cuisinier, est en fait un de ces baroudeurs de l'hôtellerie économique capables de vous réciter sur le bout des doigts la liste des meilleurs sites français pour implanter un hôtel bon marché. A force de sillonner l'Hexagone, Jean-Jacques Daurat, la quarantaine séduisante, n'a de fait plus grand-chose à apprendre en la matière. Après avoir bourlingué durant près de sept ans en France pour commercialiser le «Ticket Restaurant», notre homme prend la direction des opérations France-Ouest de Formule 1 en 1990. La chaîne, lancée par Jean-François Bourgeois et Jean-Claude Luttmann six ans plus tôt, ne compte alors que 120 établissements. Reste qu'à raison d'une quarantaine d'ouvertures par an, le réseau croît à la vitesse grand «V». A tel point d'ailleurs qu'il totalise actuellement 306 hôtels dont 281 sur le territoire national.
Acteur dynamique dans cette grande aventure, Jean-Jacques quitte cependant le pionnier de l'hôtellerie très économique en 1995 pour aller «battre le fer» du côté de chez Ibis. D'abord directeur général des opérations de l'enseigne 2 étoiles pour l'Ile-de-France et le Benelux, il se voit confier douze mois plus tard, dans le cadre de la création du pôle Accor Hôtellerie Economiques, la responsabilité opérationnelle des trois marques (Formule 1, Ibis et Etap'Hôtel) en région parisienne. Aujourd'hui, ces dernières tâches se sont étendues à l'Europe du Nord et à la Normandie.
Mais, Jean-Jacques Daurat assure également la direction générale de la marque Formule 1. Une nomination qui tombe à pic pour ce passionné de l'hôtellerie zéro étoile. D'autant qu'il ne cache pas ses ambitions quant à l'avenir de la chaîne. «Formule 1 va traverser une vague de croissance soutenue hors du territoire national au cours des cinq prochaines années», explique le patron de l'enseigne. Et d'ajouter, «60 ouvertures sont d'ores et déjà prévues d'ici l'an 2000». S'il reste certes quelques niches dans l'Hexagone, notamment autour de la capitale, Formule 1 a maintenant bel et bien bouclé son tour de France. Il y a en revanche effectivement encore fort à faire à l'étranger où l'enseigne ne regroupe encore que 25 unités. Grande-Bretagne, Allemagne mais aussi Espagne et Afrique du Sud figurent bien sûr dans la ligne de mire de la marque très économique. Un programme qui n'empêche pas pour autant Jean-Jacques Daurat de garder les pieds sur terre et de gérer efficacement le parc existant. Car, sans en avoir l'air, les Formule 1 ont évolué se dotant d'espaces verts fleuris, de nouvelles moquettes, de nouveaux dessus-de-lit, de parkings fermés (près de 150 fin 1998)... «Nous investissons plus de 5% du chiffre d'affaires dans la rénovation afin d'apporter plus de confort à nos clients», explique le directeur général. Une démarche, qui associée à une politique tarifaire plus judicieuse (avec un prix basse saison et un prix été), semble séduire pleinement la clientèle. La preuve ? En 1997, le taux d'occupation de la chaîne a atteint 71 % et son prix moyen a grimpé de 2 francs s'élevant à 135 francs.
Plus réservé que ses deux autres compères, Gilbert Martinelli, directeur de région des trois marques (Ibis, Etap Hôtel et Formule 1) pour PACA, le Grand-Ouest et le Benelux, et également directeur de la chaîne Etap Hôtel, n'en a pas moins ses «bottes secrètes» personnelles. A quarante- huit ans, cet ancien élève de l'Ecole hôtelière de Nice, n'en est effectivement pas à son premier galop d'essai au sein du conglomérat français. Après treize années passées chez Novotel, où il initiera d'ailleurs avec succès les fameux cercles de qualité, il prend en 1987 les commandes opérationnelles de la chaîne Formule 1 pour la région parisienne.
Et puis chemin faisant, voilà notre homme engagé dans le lancement du concept Etap Hôtel. Un produit dont la particularité consiste, contrairement à celle développée par Formule 1, à offrir dans ses hôtels une salle de bains privative (douche et sanitaires) à un prix en général inférieur à 200 francs (variation selon les sites). «Certains ont pensé que nous allions cannibaliser Formule 1», indique Gilbert Martinelli. Et d'ajouter, «mais, il n'en a rien été ! Car, nous avons répondu aux attentes d'un autre type de clientèle prêt à dépenser un peu plus pour s'assurer un plus grand confort.» Avec un taux d'occupation s'élevant à 71,6% (+3 points) et un prix moyen chambre égal à 172 francs en 1997, la chaîne connaît de fait un belle réussite. A tel point d'ailleurs qu'au fil des ans, le réseau Etap Hôtel a grandi pour frôler aujourd'hui la barre des 100 établissements en France et franchir celui des 60 à l'étranger. Les choses ne devraient pas s'arrêter en si bon chemin, puisque selon les dires du patron de la marque, la chaîne envisage sans mal un parc de 200 unités dans l'Hexagone et une bonne centaine en Allemagne.
Un développement qui se réalisera dans l'Hexagone principalement par la reprise et la mise aux normes d'hôtels existants. A noter sur ce point qu'Etap Hôtel investit en moyenne entre 45.000 et 50.000 francs par chambre pour intégrer un établissement à son réseau. Autre fait important, la chaîne bénéficie également du repositionnement de certains hôtels du groupe comme celui du Relais Mercure à Dardilly, de l'Ibis de Dieppe ou bien encore de plus de la moitié du Ibis Bagnolet. «Ces repositionnements redynamisent les unités. Celle de Bagnolet a ainsi augmenté son prix moyen de manière assez sensible», commente Gilbert Martinelli.
Enfin, toujours à l'écoute du terrain, en collaboration avec les gérants des hôtels (tous gérants mandataires), le responsable d'Etap Hôtel a récemment mis en place une charte «d'engagement client» portant sur les prestations de base (fonctionnalité, propreté, confort, accueil et sobriété de présentation), les avantages concurrentiels (réactivité, découverte, petit déjeuner) et les attentes spécifiques de la clientèle. De quoi canaliser les énergies de tous au profit d'un seul : le client.
«L'expérience des uns nourrit celle des autres», lance André Witschi en parlant de la nouvelle organisation du pôle Accor Hôtellerie Economique. Le tout ponctué bien sûr d'un charmant accent suisse, pays dont il est d'ailleurs originaire puisque né à Zurich en 1951. Des propos qui, à première vue, peuvent paraître assez surprenants dans la bouche de celui qui fut l'homme clé du conglomérat français en Allemagne au cours des sept dernières années. Directeur général des opérations Ibis outre-Rhin, mais aussi en Autriche, Italie, Pologne et dans le Sud de la France de 1990 à fin 1996, ce fils de restaurateur, diplômé à la fois de l'Ecole de commerce de «Juventus» et de l'Ecole hôtelière de Zurich, n'a en effet a priori plus grand-chose à apprendre.
D'autant qu'il s'est véritablement battu sans relâche pour imposer la chaîne deux étoiles au pays du chancelier Helmut Khol. A noter au passage que le réseau allemand regroupe aujourd'hui 51 établissements et réalise un chiffre d'affaires de 250 millions de DM contre un chiffre d'affaires de 50 millions DM sept ans auparavant. Sans oublier également que notre homme a été récemment sacré «Meilleur Hôtelier» en Allemagne. Et qu'il a en outre effectué un passage fort remarqué au sein de la société Mövenpick tant dans sa fonction de responsable régional des restaurants Cindy que dans celle concernant la restauration rapide et d'autoroutes.
André Witschi n'en demeure pas moins cependant prêt à apprendre de nouveau. Installé en France depuis sa nomination au poste de directeur général de région pour Etap Hôtel, Ibis et Formule 1 (Nord-Ouest en France, Grande-Bretagne, Suisse, Italie et Asie) et de la marque Ibis, notre Helvète avoue ainsi : «ce type de structures multimarques permet à la fois d'être proche du terrain tout en renforçant l'analyse marketing de chacun.» Et d'ajouter, «lorsque l'on évolue dans des marchés mûrs, on se doit d'agir différemment.»
De fait, concernant la chaîne Ibis, elle va certes poursuivre sa démarche de mondialisation en cherchant d'une part à compléter son réseau européen (en Espagne, Pologne, Grande-Bretagne...) et d'autre part à essaimer dans des destinations telles que l'Amérique du Sud (Argentine, Brésil...) et l'Asie. «Tôt ou tard, nous pénétrerons tous les marchés», confie André Witschi. Reste qu'avec près de 432 hôtels ouverts au 31 décembre 1997, le réseau deux étoiles doit aussi veiller à maintenir son image de marque. Et pour y parvenir, outre les avancées techniques apportées au concept hôtelier lui-même, le responsable de la marque entend faire appel aux talents cachés de ses employés. «Ce sont les collaborateurs qui font la différence», précise l'intéressé. Un programme baptisé, «Acteur 2003», à cet effet devrait ainsi donner la possibilité à chaque membre des équipes de s'autoformer. De quoi s'enrichir sur le plan personnel tout en répondant encore mieux aux attentes du client de demain. En 1997, Ibis a d'ailleurs d'ores et déjà enregistré une hausse de sa fréquentation de 3 points à 71,4%.
L'HÔTELLERIE n° 2560 Magazine 7 Mai 1998