Trouver des produits bons et sains à la fois, telle est la quête de Bernard et Dominique Charret pour satisfaire leurs clients gourmets. Cette démarche les a conduits tout naturellement à sélectionner des produits cultivés sans engrais ni pesticides ou élevés comme autrefois sans farines animales. Des produits bio ou presque.
Dominique et Bernard Charret : à la recherche du bio pour le goût.
Bernard et Dominique Charret sont des autodidactes de la cuisine. Ils n'ont pas fait l'école hôtelière mais science éco. Encore étudiants, ils étaient impatients d'entrer dans la vie active. Ils ont pensé devenir agriculteurs ou bien restaurateurs. N'ayant aucune origine ni connaissances en agriculture, mais plutôt des connaissances en gestion, ils ont choisi d'aborder le métier de la restauration en devenant gérants d'un établissement Campanile. "C'est alors, explique Bernard, que je me suis rendu compte qu'être gérant d'un hôtel-restaurant sans savoir faire la cuisine était un grand handicap. Comment se débrouiller quand le chef de cuisine est absent ? Alors j'ai décidé d'apprendre à faire la cuisine." Il a donc fait un stage de six mois pendant lequel il a pris conscience que la cuisine était quelque chose de très compliqué, et qu'il avait encore beaucoup à apprendre. Après avoir pris la direction d'un autre établissement en forêt de Compiègne, Bernard et Dominique ont décidé de s'installer. Leurs recherches les ont conduits près de Tours à Larçay.
A la recherche du goût
"Aux Chandelles Gourmandes, ajoute Bernard, nous avons voulu ne travailler
que des matières premières brutes. Nous nous sommes interdits les produits surgelés,
les produits en conserve. De très simples, nos plats sont devenus petit à petit de plus
en plus sophistiqués. Et nous nous sommes aperçus que 'produit frais' ne rimait pas
forcément avec 'produit de qualité'. Nous sommes donc partis à la recherche de
fournisseurs de produits pleins de saveurs."
"Notre but, poursuit Bernard, c'est en effet le goût. Comme nous étions
très souvent déçus par les produits proposés par nos fournisseurs, nous avons décidé
de trouver d'autres sources d'approvisionnement. Ceci nous a conduits vers de petits
agriculteurs ou éleveurs qui produisent de façon traditionnelle, voire biologique.
D'ailleurs, comme le dit M. Guinoiseau, mon fournisseur - agréé AB et Demeter de beurre,
lait, crème, fromages -, à la place de l'expression 'production biologique', je
préfère utiliser l'expression 'production logique'. La production logique étant celle
qui respecte les animaux, les plantes, l'environnement et bien entendu l'homme."
C'est la façon dont travaillaient les agriculteurs une cinquantaine d'années auparavant.
Ils n'auraient jamais pensé à donner des farines animales aux vaches qui sont des
herbivores. Rechercher des fournisseurs qui travaillent de "façon logique"
demande beaucoup de temps et d'énergie. C'est un travail de longue haleine. Dominique et
Bernard l'ont entrepris, il y a une quinzaine d'années. Aujourd'hui, ils doivent
cependant continuer à s'informer. Les petits agriculteurs, éleveurs ou pêcheurs avec
lesquels ils collaborent n'ont pas besoin de travailler avec eux. Ils se sont créés un
réseau de clientèle et ils manquent bien souvent de marchandises. Il faut donc établir
avec ces producteurs des relations de sympathie et de confiance. "On manque en
effet de produits bio en France, poursuit Bernard. Sous l'influence de la GMS, qui
a compris tout l'intérêt des Français pour le bio, on risque de produire du bio qui ne
sera plus du bio. Le bio 'plaisir', celui qui est réellement savoureux et sain, risque de
disparaître au profit du bio 'industriel' et du bio 'intégriste'. Un produit bio n'offre
donc pas forcément une garantie au niveau du goût. Même élevée avec une alimentation
bio, une vache Prim'Holstein, sélectionnée pour produire du lait en grande quantité,
donne un lait moins bon et moins gras qu'une vache Normande."
Des fournisseurs complices
A force de persévérance et d'enthousiasme, Bernard a créé un véritable réseau de
fournisseurs, tous aussi passionnés par le bon et le sain que lui-même. Pas question de
cuisiner des escargots de Touraine élevés en quelques mois selon la méthode Inra et
avec de la farine Inra. "Ils ont un goût de farine et donne un court-bouillon
blanchâtre, explique-t-il. Je préfère les escargots de M. Delayre qui en fait
l'élevage à Poitiers depuis plus de vingt ans. Ses escargots mangent des herbes bien
choisies et de la farine qu'il compose lui-même en tenant compte de son expérience et de
ses observations." Bernard n'achète pas non plus le sandre de Hongrie proposé
surgelé à 20 F le kg. Son sandre vient des étangs de la Brenne, à une soixantaine de
kilomètres de Tours. Ces étangs sont entretenus comme le faisaient il y a plus de 200
ans les moines de la région. Chaque année, ils sont vidés. Il faut 40 à 50 personnes
pour vider un étang de 12 à 15 hectares. Les alevins sont remis à l'eau et les poissons
plus gros sont vendus à des sociétés de pêche. Seuls quelques-uns sont réservés aux
Chandelles Gourmandes. "Mon fournisseur de sandre n'a aucun intérêt à m'en
vendre, confie-t-il. Il le fait grâce à la complicité que j'ai établi avec lui.
Je m'engage à lui acheter 80 sandres dans la saison et je dois tenir cet engagement car,
pour moi, il remet 100 sandres de 1,5 kg dans l'étang." C'est aussi pour Bernard
et quelques autres amoureux des bons produits que M. Vélier de Loché, pisciculteur, fait
des agneaux de lait. Pas plus de 65 par an. Il préfère les vendre à ces passionnés
plutôt qu'à Auchan.
Cependant Bernard Charret doit lui-même aller chercher ses carcasses d'agneau à
l'abattoir de Loché. M. Vélier ne livre pas. Bernard Charret achète sa farine au Moulin
de Sarré à Gennes près de Saumur, le dernier moulin de la région à moudre le blé
avec des meules de pierre. "Pour tous les produits, conclut Bernard,
Dominique et moi-même recherchons ce qu'il y a de meilleur et, pour cela, nous
n'éliminons aucune difficulté. Nous n'hésitons pas à nous rendre sur le marché de
Tours et à faire beaucoup de kilomètres pour acheter les ufs, le lait, la crème
bio ou les escargots. Et nous n'achetons que des produits de saison. Pas question de
proposer à nos clients des fromages de chèvre bio fabriqués en hiver avec du caillé
surgelé."
Des clients ravis
Sur leur carte, Dominique et Bernard indiquent très précisément les noms et adresses de
leurs fournisseurs, sans exception. Ils racontent à leurs clients comment leurs
fournisseurs travaillent et pourquoi ils ont choisi de produire en agriculture biologique,
en biodynamie ou en respectant tout simplement la tradition. "Bon nombre de nos
clients, se plaît à dire Bernard, sont surpris. Tout ça leur rappelle soit un
grand-père, soit un grand-oncle. Beaucoup d'entre eux possèdent d'ailleurs une culture
'produits' assez large. Certains connaissent la lamproie, l'alose et bien d'autres choses."
Tous les membres de l'équipe des Chandelles Gourmandes, grâce aux promenades organisées
régulièrement par Dominique et Bernard, sont aussi bien informés sur les fournisseurs
et leurs produits et sont donc en mesure d'en parler aux clients. "Depuis une
vingtaine d'années, constate Bernard, on attache une grande importance à la
connaissance du vin, et le vigneron est devenu un personnage noble. Mais goûter un
fromage demande autant de travail et de connaissances que goûter un vin. Un fromager
mérite donc autant d'intérêt qu'un vigneron. En fait, à cause de la Pac (Politique
agricole commune) et les subventions attribuées aux agriculteurs, les produits ne sont
plus payés à leur juste prix et ils n'ont plus de valeur."
Un véritable choix de vie
Ne travaillant que des matières brutes, des poissons et volailles entières, des légumes
non lavés..., le restaurant Les Chandelles Gourmandes est l'un des rares de la région à
être sous le contrôle très attentif des Services Vétérinaires. D'ailleurs, Bernard
fait effectuer des contrôles bactériologiques une fois par mois sur 2 ou 3 produits
ainsi que des contrôles de surfaces. Traiter de tels produits demande en effet d'être
vigilant. Les Services Vétérinaires lui ont confié qu'il était le seul restaurateur à
travailler ainsi dans la région. Ce qui doit être vrai car les fournisseurs de Bernard
Charret n'ont pas d'autres clients-restaurateurs, même parmi les plus renommés. "Cuisiner
du bio ou des produits de tradition, conclut-il, c'est tracassant car il faut être
très vigilant sur l'hygiène et les appellations des produits. Il faut aussi respecter
ses engagements vis-à-vis des fournisseurs et chercher en permanence des solutions
lorsque les produits manquent. Pour aller d'un point à un autre, on peut prendre
l'autoroute ou bien un petit chemin de campagne. Nous avons choisi le petit chemin de
campagne qui demande plus de temps et d'attention, mais qui permet de faire des
découvertes et de créer sans cesse. C'est fabuleux. C'est un véritable choix de vie.
Nous ne voulons pas tomber dans la facilité. Malgré les risques, nous tenons à indiquer
les noms et adresses de nos fournisseurs sur notre carte. C'est un gage de confiance et
une marque de complicité et de respect à l'égard de nos fournisseurs et de nos clients."
Alors, ne manquez pas de faire le détour pour rencontrer Dominique et Bernard Charret,
ils sauront vous faire partager leur passion du goût et leur recherche de l'excellence. zzz22t
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L'HÔTELLERIE n° 2673 Magazine 6 Juillet 2000