Jean-Jacques Ernandorena, vice-président du Syndicat général de l'industrie hôtelière de la Gironde et directeur du Mercure-Mériadeck (ex-Pullman), à Bordeaux, tient scrupuleusement à jour les statistiques de fréquentation hôtelière de la Communauté urbaine. Tous les mois, il relève les chiffres livrés par ses collègues de Mériadeck, Bordeaux-Lac, Gare et Mérignac ; les hôtels de Bordeaux-centre ne comptabilisant ces données qu'à la fin de l'année. Mais ces chiffres généraux (3.500 chambres pour une quarantaine d'hôtels) traduisent bien la situation : l'année 1996 ne s'annonce pas bonne.
Du 1er janvier au 31 août 1995, quelque 420.000 chambres ont été vendues sur la CUB. Durant la même période de l'année 1996, on est passé à 428.000 (de 50,35% à 51,35%). Encore que la répartition de ces chambres varie selon les zones : à Mériadeck, l'augmentation est de 11% (97.200 chambres en 1995 et 108.700 en 1996) ; à la Gare, les chiffres sont stables, avec 66.400 chambres ; à Bordeaux-Lac, on note une augmentation de 4% (141.000 chambres contre 137.000) ; à Mérignac, par contre, on enregistre une chute de 5% (113.000 chambres en 1996 contre 118.300 en 1995). Comment expliquer alors que, au bout du compte, on parle de baisse ?
Jean-Jacques Ernandorena reconnaît : «Il a fallu l'arrivée d'une compagnie de C.R.S. à Bordeaux, après l'élection d'Alain Juppé à la mairie, pour changer les chiffres de fréquentation hôtelière. L'installation des C.R.S. en permanence depuis plus d'un an dans notre ville a apporté 10.000 chambres. Et ils sont logés au Mercure-Mériadeck.» La protection du maire-Premier ministre a donc fait un hôtelier heureux (même si les prix des 50 chambres réservées par le ministère de l'Intérieur ont été discutés). En même temps, cela a faussé les statistiques...
L'autre constatation négative de ces statistiques est la chute sensible des prix des chambres. «Il faut bien savoir, note Jean-Jacques Ernandorena, que les prix moyens de nos prestations ont tendance à se casser la figure. Fin août, le prix d'une chambre en hôtel 1 étoile restait identique à celui de 1995 ; les 2 étoiles accusaient une petite augmentation, de l'ordre de 1,5% ; les 4 étoiles, de 1% (il n'y a que deux hôtels du genre à Bordeaux, Le Burdigala et le Sofitel Aquitania) ; les 3 étoiles perdaient, eux, 4%.»
Ces chiffres amènent les professionnels de l'hôtellerie à reposer la question de l'opportunité d'ouverture d'un établissement de luxe à Bordeaux. Pour Jean-Jacques Ernandorena la réponse est claire : «Nous ne sommes pas convaincus de cette opportunité, même si M. Juppé pense le contraire. Un hôtel de luxe, il faut le remplir et il n'est pas certain du tout qu'il y ait une clientèle suffisante à l'année. Car il ne faudrait pas que cet hôtel, en basse saison, se mette à brader lui-même ses prix au-dessous de 1.000 F la chambre. Cela ne se ferait qu'au détriment de l'hôtellerie bordelaise en général. Elle n'en a pas besoin avec des taux d'occupation qui ont bien du mal à dépasser les 50%.»
Resterait, si le projet était retenu, à trouver un emplacement. Mais personne, aujourd'hui, ne prend le risque de le localiser. Le seul espoir des habitants est de voir leur ville devenir une véritable destination touristique. Alain Juppé a donné des consignes précises pour une meilleure commercialisation de Bordeaux. Ce n'est qu'après que l'on pourra éventuellement parler de renouveau hôtelier.
J.-C. Cougoule
Jean-Jacques Ernandorena,
vice-président du Syndicat général de l'industrie hôtelière de la Gironde et directeur général du Mercure-Mériadeck, à Bordeaux. Après
les interrogations de l'année 1995
sur l'avenir même de l'hôtel, il va
lui refaire une beauté sur le thème
du cinéma.
Reconnue officiellement «ville touristique» en 1992, Bordeaux peut prétendre à l'ouverture d'un casino. Mais jusqu'à ces derniers temps, le projet se heurtait, semble-t-il, aux réticences d'Alain Juppé. Les choses paraissent évoluer, si l'on en croit les récentes déclarations du premier adjoint, Hugues Martin : «Nous étudions toutes les possibilités d'implantation d'un casino sur la commune. Mais le projet ne saurait se réaliser ailleurs qu'à Bordeaux-Lac.» Le changement d'attitude paraît important. En tout cas, la désignation de Bordeaux-Lac réjouit d'avance les professionnels de l'hôtellerie qui gèrent une dizaine d'établissements autour du parc des expositions et du palais des congrès, en premier le groupe Accor qui y possède notamment le Sofitel Aquitania (4 étoiles).
Ratifiée récemment par Alain Juppé, la modernisation du palais des congrès (que d'aucuns auraient voulu voir être déplacé en centre-ville) fortifie l'implantation d'un casino sur le site. Restera, après feu vert du ministre de l'Intérieur, à lancer les tours de table. Si l'on n'en est pas encore là, les déclarations de M. Martin ont rouvert la porte à toutes les spéculations, dont celle du groupe Barrière.
Ce projet de casino rejoint celui de l'ouverture d'un hôtel très haut de gamme souhaité, lui, par M. Juppé dès son élection à la mairie de Bordeaux. Là aussi, de nombreuses hypothèses ont été avancées, comme la transformation du Grand Hôtel, près du théâtre, aujour-d'hui fermé, en établissement de luxe. Mais le projet paraît aujourd'hui abandonné. Et c'est Accor qui se montrerait intéressé. Jean Hentz, le patron des hôtels du groupe à Bordeaux-Lac, a laissé entendre que le Sofitel Aquitania serait à même de jouer le rôle d'hôtel de luxe, après quelques aménagements. Casino, pa-lace, les paris sont ouverts.
J.-C. C.
L'HÔTELLERIE n° 2478 Hebdo 10 octobre 1996