Ils l'avaient annoncé dès le milieu de l'été : les hôteliers corses se sont associés à d'autres secteurs d'activité au sein «d'une plate-forme de résistance». Les premiers bilans officiels de la saison touristique confirment que cet été a été pire que celui de 1995. La crise économique atteint, dans l'île, des niveaux record sans épargner aucun secteur : commerçants, artisans, agriculteurs, le mécontentement et l'inquiétude se généralisent. C'est dans ce contexte, alors que les attentats ont repris depuis mi-août, qu'Alain Juppé a reçu le 11 septembre les élus corses à Paris. L'occasion pour les hôteliers de la Coordination des industries touristiques de la Corse, avec une dizaine d'autres structures -patronales, syndicales, de consommateurs, d'agriculteurs et de commerçants- de mener une action spectaculaire.
Alors que les élus attendaient d'être reçus à Matignon, plus d'une centaine de personnes a envahi la salle des délibérations de l'Assemblée de Corse, à Ajaccio. L'occupation des locaux a duré 24 h, provoquant le report d'une session qui devait se tenir à partir du 12 septembre.
Cette action qui s'est terminée dans le calme, mais sans que les élus n'aient reçu les manifestants, sera suivie d'autres opérations. Les organisations professionnelles, dont la majorité est d'obédience nationaliste, affirment, avec les hôteliers, que la zone franche annoncée par le Premier ministre est totalement inadaptée aux besoins de la Corse : les professionnels réclament notamment un statut fiscal, un code des investissements, un POSEI (programme européen d'options spécifiques liées à l'éloignement et à l'insularité) et surtout une autre politique des transports.
Ils dénoncent «sous couvert de légalité», la volonté des banques, des organismes publics et privés de «programmer la disparition» de leurs outils de travail. «La légalité a-t-elle été appliquée pour éviter les dérèglements et les abus que nous subissons depuis trop longtemps ? Doit-elle s'exercer sur nous qui en sommes les victimes ?», s'interrogent-ils. Après ce premier épisode d'une rentrée qui s'annonce en Corse aussi mouvementée, la «plate-forme de résistance» affirme qu'elle s'opposera «avec force à cette légalité devenue arbitraire».
L'HÔTELLERIE n° 2478 Hebdo 10 octobre 1996