Voilà plusieurs mois déjà que Paul Dubrule et Gérard Pélisson avaient déclaré vouloir «prendre du recul» ou bien encore selon leurs propres termes «de la hauteur», en proposant un changement des statuts et de la direction de leur groupe. Depuis quelques jours, le nom de Jean-Marc Espalioux avait été maintes fois cité dans la presse comme étant celui de leur successeur présumé. Lundi 7 octobre, lors de la présentation des résultats semestriels du conglomérat, les deux patrons français ont mis un terme aux rumeurs en confirmant officiellement qu'ils allaient bel et bien proposer la candidature de l'actuel jeune directeur adjoint de la Générale des Eaux comme président du futur directoire d'Accor. De même, ils ont clairement «exprimé leur volonté de devenir coprésidents du conseil de surveillance.» Ainsi, «un conseil d'administration sera réuni le 29 octobre prochain pour examiner le projet de transformation d'Accor en société anonyme à conseil de surveillance et directoire». Et selon toute vraisemblance, l'heureux élu (proche de Jean-Marie Messier, ancien élève de l'ENA) devrait prendre ses fonctions à l'issue de l'assemblée générale de la compagnie prévue le 7 janvier 1997.
Le choix d'un candidat extérieur à l'entreprise peut paraître pour certains quelque peu surprenant. Ce d'autant plus que dans cette course à la succession les noms de collaborateurs internes, notamment celui de Sven Boinet et Benjamin Cohen, avaient été fréquemment évoqués.
Profitant de la conférence de presse concernant les résultats semestriels du groupe, Paul Dubrule et Gérard Pélisson se sont clairement expliqués sur ce point précisant qu'ils avaient eu carte blanche pour prendre cette décision. «Il y avait certes des personnes tout à fait compétentes à l'interne pour occuper les fonctions de président du directoire. Seulement, nous voulions qu'il y ait un véritable changement dans le groupe», a précisé Paul Dubrule. Et d'ajouter : «Si nous avions nommé quelqu'un de l'intérieur, nous-mêmes installés à la tête du conseil de surveillance, nous avons pensé que cela faisait beaucoup de continuité.» Selon les coprésidents, Jean-Marc Espalioux leur est également apparu comme l'homme de la situation parce que ce dernier connaissait bien, d'une part la société dont il va prendre la direction, étant l'un de ses administrateurs depuis neuf ans. D'autre part, «ses analyses pertinentes lors des grandes décisions du groupe en 1990 et 1994» avaient également fait forte impression auprès des deux patrons.
Une chose est acquise, malgré les modifications des statuts envisagées, l'actuel directeur adjoint de la Générale des Eaux aura d'abord pour tâche essentielle de s'occuper de l'opérationnel avec tout ce que cela comporte. Les fondateurs d'Accor n'entendent pas encore effectivement prendre leur retraite. Au contraire ! «Il est clair que dans la mutation actuelle des systèmes d'information, mieux vaut avoir l'âge de Bill Gates que le nôtre. Il n'empêche que nous voulons rester très actifs», ont-ils déclaré à l'unisson.
Se positionnant certes en tant que «garants des traditions, de la culture et de l'esprit d'entreprise», Gérard Pélisson et Paul Dubrule vont désormais se consacrer davantage au développement international de leur société. «Accor en est à son début ! Les perspectives de croissance à l'étranger sont aujourd'hui gigantesques. Mais pour réussir cette expansion, il faut être sur le terrain et soigner les partenariats. Nous aurons le temps pour cela. Nos allons en fait être les ambassadeurs du groupe», a souligné Paul Dubrule. Claire Cosson
Oubliés les mauvais souvenirs de 1994 ! Aujourd'hui,
le groupe Accor semble
apparemment être bel et bien sorti de la crise économique. Les chiffres d'ailleurs
le prouvent, même si d'après Gérard Pélisson il faut
toujours rester prudent en
la matière. Le groupe français a en effet enregistré une hausse sensible de son
résultat net au cours du
premier semestre 1996
passant de 29 millions de francs à 104 millions. Leur chiffre d'affaires s'est élevé
à 13,8 milliards de francs,
en baisse de 13% par rapport à la même période de 1995, du fait notamment de
cessions d'actifs.
Malgré un léger recul
du résultat global des
opérations à 441 millions
de francs contre 479 millions, les coprésidents tablent
néanmoins d'ores et déjà
sur des bénéfices en hausse à la fin de l'année : soit
1,5 milliard de francs.
Ils maintiennent également leur objectif de réduction de
la dette de l'entreprise à
17 milliards d'ici la fin de l'année. Par ailleurs, en détaillant l'évolution des Rev/Par (Taux d'occupation
x Prix moyen chambre),
le duo a souligné les faibles performances de la France.
Sur le plan stratégique,
Paul Dubrule et Gérard
Pélisson ont rappelé au cours de la présentation de leurs
résultats semestriels qu'ils maintenaient leur objectif
de croissance «moins cyclique» en donnant
la priorité dans le secteur hôtelier à l'hôtellerie
économique. Sur les
251 hôtels actuellement
en développement, 175 appartiennent d'ailleurs
à ce créneau.
Paul Dubrule a également précisé qu'il n'avait
«certes pas digéré
l'affaire Méridien», mais
qu'il envisageait toujours
des alliances dans
le secteur haut de gamme
«où le groupe ne
sera pas forcément
majoritaire.»
Hausse du résultat net au premier semestre 1996 | |||||||
(En FF millions) | 1er sem 94 | 1er sem 95 | 1er sem 96 | Var. hors | |||
Eurest | |||||||
Volume d'activité | 43.489 | 46.378 | 44.309 | + 7,1% | |||
Chiffre d'affaires | 16.326 | 15.986 | 13.840 | + 8,2% | |||
Résultat global | 107 | 479 | 441 | ||||
des opérations | |||||||
Résultat net | (264) | 29 | 104 | ||||
part du groupe |
Gérard Pélisson et Paul Dubrule, coprésidents du groupe Accor : «Nous avons la ferme intention d'être actifs en tant que présidents du conseil de surveillance.»
L'HÔTELLERIE n° 2478 Hebdo 10 octobre 1996