HITEC est un salon consacré aux technologies de l'information (informatique, télécommunications, multimédia) applicables essentiellement au monde de l'hôtellerie. Cette année 3.000 personnes ont participé aux 50 conférences ou ateliers et visité les 390 stands des exposants. Une partie des conférences est traditionnellement assurée par les grands acteurs économiques de la profession, fournisseurs bien sûr mais aussi managers des grandes chaînes hôtelières et professeurs d'université.
A leur retour de Nashville, les quatre étudiants ont confié à L'Hôtellerie leurs impressions sur ce salon.
Yves Simon (France) : en tant qu'IMHI bénéficiant d'un contrat d'apprentissage auprès de Formule 1 et d'Etap Hôtel, l'intérêt de ce salon a consisté à pouvoir me rendre compte de l'importance des technologies sous toutes leurs facettes.
Un exemple : dès que l'on parle informatique hôtelière, on pense bien sûr aux systèmes de réservations et de gestion ; or j'ai pu me rendre compte qu'il y avait bien d'autres choses ; les bases de données marketing par exemple vont beaucoup évoluer. Alors que jusqu'à présent, on exploitait plus ou moins bien les données que l'on avait recueillies auprès des clients ou que l'on avait tout simplement achetées à un prestataire extérieur, désormais, grâce à Internet, chaque individu pourra être présent sur le Web et pourra indiquer ses centres d'intérêt. En utilisant la puissance des moteurs de recherche comme Hotbot, Altavista ou Yahoo, on pourra sélectionner les prospects à partir d'une qualification volontaire de leur part. Quel progrès ! Ceux qui voudront rester anonymes resteront anonymes ; ceux qui voudront être reconnus seront reconnus. C'est au client qu'il incombera de se qualifier lui-même. Fini l'argent gaspillé avec des mailings mal ciblés ! Le président de Travelweb, société qui vend des chambres d'hôtels sur Internet nous a fourni à ce sujet des statistiques édifiantes : 67% des gens qui visitent le site Internet de Travelweb laissent leur adresse et leurs centres d'intérêt afin d'être contactés ultérieurement (par courrier électronique évidemment). C'est donc un marketing extrêmement ciblé. Les Américains ont créé un nouveau nom pour cela : le «one to one» marketing que l'on pourrait traduire par «le marketing personnalisé» !
Charles Petit (France) : je me suis intéressé tout particulièrement aux outils commerciaux favorisant la vente et la gestion. Ici, l'offre est considérable ; que ce soient des logiciels pour exploiter les bases de données des client (les «datawarehouses» comme on les appelle ici) permettant des sélections et des tris dans tous les sens, ou des logiciels d'aide à la vente pour établir des propositions de prix de banquets, voire de placement des tables dans une salle. Egalement des logiciels de prises d'inventaire par code-barres qui évitent les saisies écrites. Toutes ces techniques sont désormais au point. Il manque encore la cohérence de l'ensemble, le lien entre tous ces logiciels.
L'une des technologies en plein développement affecte les commerciaux grâce à l'utilisation de portables connectés sur les bases de données de l'hôtel. Cette technologie permet de fournir de l'information en temps réel chez le client (disponibilité, prix), bref, un vrai service. Désormais, les commerciaux font vraiment du travail à distance, optimisent leur temps chez les clients en réduisant leurs tâches administratives à leur bureau traditionnel. C'est un véritable télétravail.
Ashish Verma (Inde) : pour moi, les besoins du client sont au centre de mes préoccupations. Dans la pratique, le client souhaite bénéficier des avantages que lui procure la technologie. L'hôtelier doit être à même de comprendre l'impact des technologies, de mieux les connaître et les adapter pour mieux servir le client. Car les attentes d'un client évoluent et progressent. Aujourd'hui, les clients veulent par exemple que les processus d'enregistrement et de paiement se fassent plus rapidement. On ne tolère plus d'attendre. Or, les technologies contribuent à diminuer les temps d'attente : qu'elles s'appellent fast check-in (enregistrement rapide), fast check-out, automatic check-out, convenient billing, touch-screen, in-room fax (télécopie dans les chambres d'hôtels). Les clients réclament ces services hautement technologiques.
Un autre exemple : j'ai été étonné d'apprendre -par Lisa Miller, rédactrice de la rubrique "hôtellerie et tourisme" au Wall Street Journal- que les plaintes principales des hommes d'affaires américains lors de leur passage dans un hôtel concernait le téléphone : facturation abusive, difficulté d'utiliser des cartes de crédit pour débiter automatiquement leur compte et surtout une seule ligne de téléphone dans la chambre ; le client en réclame deux ! Une pour transférer des données (fichiers, accès aux données internes ou externes, envoi ou réception de fax), l'autre pour parler pendant ce temps. Bref, retrouver dans sa chambre d'hôtel les commodités qu'il a à son bureau.
Les technologies peuvent être un moyen de gagner la confiance d'un client : imaginez que, en voyage d'affaires dans une ville, on m'affecte à mon arrivée un numéro de téléphone pour recevoir des télécopies. Pratique ; mais en plus, ce numéro m'est réservé et attribué pendant une période de temps significative, un an par exemple. Je peux ainsi donner ce numéro à mes correspondants qui pourront m'envoyer directement des fax chaque fois que je séjournerai dans cette ville. Pensez-vous que j'aurais envie de changer d'hôtel quand je reviendrai ? N'est-ce pas un bon moyen de me fidéliser ?
Ces quelques exemples illustrent le fait que si un client attend un service grâce aux technologies, l'hôtelier doit le lui fournir s'il veut garder ce client.
Jere Talonen (Finlande) : pour un Finlandais, on a quelques idées toutes faites concernant l'hôtellerie internationale : l'Asie représente le Service ; l'Europe l'Histoire, la Culture, la Tradition ; les Etats-Unis symbolisent la Technologie et le Volume !
A l'issue de ma visite à Nashville, en ayant écouté les exposés sur les attentes des clients, je me suis rendu compte que l'on pouvait utiliser la technologie pour diminuer le nombre d'employés, pour faire du «downsizing» comme on l'appelle ici. La technologie devient si facile à utiliser que l'on en néglige la formation des employés. Cette technologie favorise la mobilité de l'emploi incitant à recruter de la main d'uvre insuffisamment qualifiée. Le risque de détérioration du service au niveau du client devient ainsi considérable.
Pour moi, il est clair que le client ne cherche pas la technologie pour elle-même ; il souhaite un service personnalisé grâce à la technologie.
Propos recueillis par
J. Bessières, professeur
à l'IMHI
De gauche à droite :
Ashih Verma, Jere Talonen, Yves Simon, Charles Petit.
L'HÔTELLERIE n° 2478 Hebdo 10 octobre 1996