C'est presque par hasard, en catimini, que quelques cafetiers plus délurés que leurs voisins ont révélé le harcèlement dont ils ont été victimes lors de l'opération Bistrots en Fête. Ils étaient dans le collimateur de l'inspection du travail sur ordre d'une circulaire du Cabinet du ministre du Travail et des Affaires sociales incitant les services à la plus extrême vigilance autour de cette opération. Une attitude scandaleuse qui a amené certains cafetiers à annuler leur animation et d'autres à être en conflit ubuesque avec les services de l'inspection du travail, tel Jacques Duroisin du Cocon d'Or à Lyon que l'on continue de menacer de poursuites pour délit de travail clandestin.
Il aura fallu attendre presque un mois pour que les instances syndicales dénoncent officiellement la situation. On s'étonnera d'autant de frilosité comme on s'étonnera de l'attitude de bon nombre de cafetiers qui préfèrent «négocier» l'incident avec les services de l'inspection du travail dont ils dépendent pour ne pas froisser l'inspecteur avec qui ils ont par ailleurs les meilleures relations. C'est justement parce que les actions syndicales sont collectives qu'elles protègent individuellement leurs acteurs comme leurs auteurs. La défense d'une profession, quand le dossier est juste, justifie parfaitement une action de force et une prise de risques. Il ne suffit plus aujourd'hui, devant de telles entraves à l'esprit d'entreprise, d'adresser des courriers de mécontentement aux administrations concernées. Des courriers qui, vite classés, n'aboutissent pas à un changement de comportement de l'administration, des actions qui bien sûr ne sont pas portées à la connaissance des professionnels qui s'interrogent alors sur l'utilité d'une structure syndicale alors qu'elle est essentielle et qu'elle garantit leur survie si elle est bien menée. Pourquoi autant de précautions, autant de ménagement envers l'administration et les instances politiques, comme s'il y avait quelque chose de précieux à protéger ? Délicatesses inutiles ; pire, dangereuses : ne nous étonnons pas après si ce secteur est aussi peu considéré aux yeux des pouvoirs publics et cessons de faire semblant de ne pas comprendre pourquoi certaines professions savent mieux faire passer leurs messages. Le respect ne se décrète pas, il se mérite. C'est un rapport de force.
P.A.F.
L'HÔTELLERIE n° 2481 HEBDO 31 octobre 1996